Industrie du savon – La bataille torpillée par le non-respect de la règle du jeu
Découvert à des millénaires avant Jésus Christ et a connu son développement depuis le 19ème siècle, le savon se présente actuellement sous diverses formes : savon dur, liquide, poudre, transparent ou mous. Ce produit joue un rôle prépondérant dans le développement de l’hygiène et de la propreté. C’est l’un des produits le plus utilisé au monde avec plus de 79 kilos par seconde. Cela représente une consommation mondiale de plus de 2,5 millions de tonnes de savon annuelle. Le secteur est en plein essor. La bataille est rude que ce soit à l’étranger ou à Madagascar. Dans notre pays, les règles du jeu ne sont pas respectées. Les industries locales, qui ont la capacité d’affronter leurs « adversaires » en sont les victimes.
Avec un marché de 20 millions de consommateurs et un accroissement de 2,8% par an, le secteur de savons et détergents est en pleine expansion à Madagascar. La majorité de ces consommateurs vit en milieu rural et 69% dans des conditions difficiles. Malgré la pauvreté, les malgaches sont conscients de l’importance de la propreté. Les différentes sensibilisations menées par les Ong, sociétés ou autres ont aussi porté leur effet comme la sensibilisation du lavage des mains,… Compte tenu de l’importance de l’utilisation du savon et/ou du détergent et la faiblesse de leur pouvoir d’achat, les consommateurs se rabattent sur les produits les moins chers.
Avantage pour les produits importés
Avec l’intégration de Madagascar au sein du Comesa, Sadc, Coi et prochainement par l’Apei ou Accord de Partenariat Economique Intérimaire qui entrera en vigueur à partir du début de l’année 2016, les produits des pays membres de ces blocs régionaux entrent sans payer aucun droit ni taxe sur le territoire malgache sauf pour les produits classés sensibles. Pour les produits dits non sensibles, la certification d’origine est nécessaire avant qu’il n’entre sur le territoire malgache. « A l’heure où le pays espère avoir un développement qui devrait passer par l’industrialisation, protéger les industriels locaux n’est pas du tout une mauvaise mesure » indique André Ramaroson, Président Directeur Général de la savonnerie tropicale. « Le marché du savon et détergent a encore du potentiel à Madagascar mais nous estimons que l’Etat doit veiller sur les taxes sur les produits finis d’importation pour qu’ils ne tuent pas l’industrie locale » dixit un responsable au sein de la société Nivo.
Mais même, sans protection venant de l’Administration, les industries locales sont victimes de concurrence déloyale face à l’admission des produits d’un pays membre de ces blocs qui ne respectent pas les règles d’origine. Actuellement, le litige sur l’origine des savons de citron plus de Mopirov est toujours en cours. Cette affaire date depuis 2000 où le savon de Mopirov a obtenu le certificat d’origine. Un document refusé par la savonnerie tropicale depuis 2004, qui annonce que le Mopirov ne fait pas de transformation à Maurice mais simplement de l’emballage des produits finis importés de Malaisie. En attendant le règlement de ce litige, les produits de Mopirov entrent librement sur le marché malgache et acquièrent un large marché de savons de la Grande île. Le marché mauricien est restreint et Mopirov l’a bien compris. Pour se développer, la société décide de profiter de la régionalisation. Trois ans après sa première exportation à Madagascar, la société réalise 60% de son chiffre d’exportation dans la Grande île. «A Madagascar, notre savon citron connaît un succès retentissant. Mon but est d’accroître nos exportations. Nous bénéficions de facilité que ce soit au niveau de la Coi, Comesa ou Sadc. Il faut en tirer le maximum » ce sont des propos de Sunjay Cheekhooree managing director de la société dans le magazine «Le Capital ». Les industriels locaux devront donc s’attendre à une augmentation de l’exportation de citron plus vers Madagascar. Or, les pertes causées par l’entrée de ce savon sur le marché s’élève à plus de 400 milliards d’Ariary. Il est normal que ce produit soit moins cher que d’autres produits fabriqués localement. Les industriels locaux sont contraints de payer tous taxes et impôts tout au long du processus de la production.
A part la concurrence déloyale de Mopirov, les produits fabriqués localement font face à l’envahissement des produits hors norme. « Les savons et détergents sont des produits en contact direct avec la peau. La mise en place des normes sur ces produits n’est pas faite pour rien, mais surtout pour protéger les consommateurs » déclare le Directeur Général de Sigma. Malgré l’existence du texte sur les normes pour les savons et détergents, il semble que l’Administration a fait exprès de l’ignorer et de le classer dans le tiroir. Les produits hors norme entrent sans soucis sur le marché. « Nous souhaitons à ce que l’Etat fait l’assainissement du marché » rajoute notre interlocuteur. Ces produits hors norme peuvent abîmer le linge, irriter la peau, provoquer des allergies et même conduire à des maladies de la peau voire au cancer. « Ces produits nettoient et blanchissent le linge rapidement, mais l’usure se fait aussi à la vitesse supérieure » dixit le numéro un de Sigma. « Le savon en poudre leader actuel sur le marché contient 20% de taux de phosphate alors que la norme sur le produit stipule qu’il ne devrait pas dépasser le 10% » explique Thierry Ramaroson, Directeur Général de la savonnerie tropicale.
Corruption
Puisque ces produits hors norme sont bon marché et accaparent une grande part de celui-ci, les opérateurs qui y travaillent ont plus de bénéfice et peuvent avoir beaucoup plus de marge de manœuvre. Ils sont très forts dans le marketing et communication. Ils dépensent beaucoup dans la publicité que ce soit dans les chaînes télévisées ou autre, multiplication d’organisation des jeux avec des gros lots, articles de presses, ect… Leurs chaînes de distribution sont aussi très fortes, même si parfois, comme ils sont au-dessus de la loi, ils n’hésitent pas à les enfreindre. Ces produits hors norme se trouvent même dans les coins les plus reculés de Madagascar. La proximité des produits combinés avec une forte campagne de publicité incitent les consommateurs à acheter. En plus, le prix est moindre. « Ce sont généralement ces gens-là qui font la vente sans facture. Sans payer la taxe sur la valeur ajoutée, ils bénéficient un avantage de plus de 20% par rapport à nous » s’indigne, Thierry Ramaroson, Directeur Général de la savonnerie tropicale avant de continuer « Ils peuvent avoir des relations partout ». Dans la pratique, ce ne sont pas la totalité des ventes qui ne sont pas facturées, mais une grande partie. Les opérateurs dans le secteur utilisent généralement leurs relations pour contraindre certains grossistes à s’approvisionner chez eux.
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