Patrick Raharimanana – Président du parti Vitatsika io – « Je ne suis pas pour la politique de mendicité »
Madagascar Matin (M.M) : En tant qu’ancien candidat aux élections présidentielles, comment trouvez-vous l’organisation des dernières élections communales ?
Patrick Raharimanana (P.R) : Certes, il y a eu des similarités entre ces deux élections surtout au niveau des textes en rapport à leurs tenues. Force est de constater que même après le départ pour la course, les lois connaissent encore de modifications en cours de route. Cela présente un danger pour la démocratie étant donné qu’il y a risque de manipulation et de fraudes du fait que les électeurs ne savent plus à quoi s’en tenir. Comme les cas des Pds (Président de délégation spéciale) par exemple, dès que leur candidature soit validée par les responsables, il y a suspension de fonction et une fois les résultats proclamés officiellement, la suspension est définitive. Mais actuellement, personne ne connait exactement les procédures déjà entamées par ces personnes qui occupent ces postes, comme le cas à Fianarantsoa.
M.M : Les observateurs ont enregistrés plusieurs irrégularités pendant le déroulement de ces élections. Quelles en sont la raison d’après-vous ?
P.R : La liste des électeurs a toujours été un problème du fait que le gouvernement ne s’en est pas chargé depuis belle lurette. Le dernier recensement a été enregistré en 1993 et là nous sommes en 2015, il n’y a pas encore eu de recensement mais une simple projection indiquant que Madagascar recense aujourd’hui 22 millions d’habitants. Personne ne peut confirmer cela ! Cependant, en 1993, la population était à 7 millions et en 20 ans, il est possible qu’elle a doublé mais ce n’est pas sur. L’exemple concret est que le pays constitue un grand foyer. Personne ne peut cuisiner le repas sans savoir auparavant le nombre de personnes qu’elle va nourrir. Il faudrait en effet faire d’abord les courses, planifier le budget et tout ce qui va avec avant de pouvoir présenter un plat préparé sur la table. Alors que dans notre cas, le président de la République ne sait même pas combien de personnes exactement il va diriger. Alors qu’on pourrait automatiquement déduire le nombre d’électeurs juste avec le recensement exact de la population.
M.M : Justement, et le problème concernant
les listes électorales ?
P.R : Le problème est toujours au niveau des gouvernants qui veulent à chaque fois manipuler la liste électorale. Pourtant, l’insécurité ne se limite pas seulement aux personnes qui attaquent armes en mains. Elle se traduit aussi par la voie du peuple qui octroie ses votes à une personne. Mais avec le système où le recensement s’est effectué directement auprès des ménages, puis les Fokontany pour finir auprès de la Commission électorale nationale indépendante pour la Transition (Ceni-T), les gens traduisent automatiquement l’omission de leurs noms comme étant une manipulation. D’autant plus que ce recensement est tenu avant les élections et surtout à l’occasion des élections. Dans ce cas, il n’y a plus d’hypothèse d’erreurs ou de fautes.
M.M : Selon votre point de vue, pourquoi y a-t-il toujours des contestations qui que ce soit la personne officieusement élue ?
P.R : Pour le cas d’Antananarivo, le problème est que la Mairie a toujours été un tremplin pour booster sa carrière politique vers la magistrature suprême, notamment la Présidence de la République. Nous avons toujours cette idée que celui ou celle qui brigue le poste de Maire d’Antananarivo deviendrait plus tard le chef de l’Etat. Donc, celui qui occupe la place au moment des élections essaie à tout prix de remporter Antananarivo pour éviter qu’il soit détrôné. C’est la conséquence d’une mauvaise politique de la décentralisation. C’est normal qu’il y a concentration de population à Antananarivo car c’est là bas qu’on peut trouver tout : santé, travail, etc. Pourtant, cette situation est également néfaste pour la Capitale. A part les crises sociales et économiques et surtout l’insécurité, elle peut aussi engendrer les insuffisances des infrastructures publiques comme les établissements scolaires. Mais s’il y a décentralisation effective, les gens seront fixés chez eux au lieu de s’aventurer à la pollution de la Capitale. Et l’idée « politique » de détenir Madagascar en détenant Antananarivo n’y est plus.
Mais en ce qui concerne généralement les contestations après les votes, je ne crois pas que la personne qui occuperait la seconde place ne sait pas qu’elle a perdu. Mais en tant que candidat, chacun a le droit de déposer des requêtes. Pour mon cas, je pense qu’il vaudrait mieux avoir une démocratie apaisée et accepter d’être vaincu. D’autant plus qu’il y a encore les conseillers municipaux. C’est aussi une autre manière de prendre sa responsabilité.
M.M : Parlant de décentralisation, cette initiative semble être un mythe car jusqu’à présent, aucun, dirigeant n’a réussi à l’instaurer. Elle a même failli diviser la Capitale en 6. Quelle solution avancez-vous pour son effectivité ?
P.R : On a voulu diviser Antananarivo en 6 morceaux car le pouvoir ne veut pas que « Neny » la remporte en sa totalité. Pourtant, le problème n’est pas au niveau politique. La solution c’est d’aller au niveau économique et social. Ce qui me différencie énormément avec le président c’est que je ne suis pas pour la politique de mendicité. La Grande île possède 7.000 milliards de dollars de réserve de pétrole à part les autres richesses naturelles. Elle n’a pas besoin de financeurs. Pour moi, il n’y a pas de bailleurs de fonds. Et surtout pas en économie. Tout le monde attend toujours quelque chose en retour, même Père Pedro attend quelque chose là Haut.
Sur le plan économique, Madagascar n’a pas encore une véritable politique énergétique. Nous avons toujours basé nos choix sur les personnalités politiques. Dada avec les américains, l’autre avec les français, etc, alors qu’il suffit juste de faire un choix sur la politique énergétique. Nous en possédons plusieurs (pétrole, gaz ou éolienne). Nous importons des gaz alors qu’on en a. Pareil pour les autres. Le fait que le Conseil des ministres ait avancé la libre exploitation de l’or, c’est un signe que nous n’aurons pas une politique financière de l’Ariary. Cela signifie que Madagascar ne s’intéresse pas à son propre monnaie. C’est sûr que ce sera dollars ou euro. Moi ce que je vois, c’est qu’il y a libération de l’or d’un côté, il y a également libre circulation d’arme (selon le traité signé il y a quelques jours), et que l’Ariary n’est plus mis en valeur. Madagascar connaîtra d’ici peu le même sort que la Mozambique et tous les autres.
Vahatra Ny Aina