Le premier best-seller !
Voilà un one-man-show du plus grand président de la République que Madagascar ait connu depuis le retour de son indépendance, et qui a duré, comme il le fallait, plus de trois tours d’horloge et ce, pour un homme de 78 ans. C’était donc un événement à ne pas rater sous aucun prétexte et même des ambassadeurs étrangers et autres hauts dirigeants actuels ont fait le déplacement. Mieux, ils sont restés jusqu’au bout du show, malgré le retard de 2 heures par rapport à l’heure annoncée auparavant, retard dû surtout au faux bond de la télévision nationale qui a finalement refusé de faire le direct. Ces derniers ont préféré rester sur place que de rater l’ambiance et suivre l’événement sur une chaîne privée.
En tout cas, il n’y a pas deux comme Didier Ratsiraka qui sait captiver l’attention de tous durant un très très long moment et qui raconte des anecdotes comme on raconte des contes à des enfants. Evidemment, les petits croient dur comme fer à ces histoires et même plus tard lorsqu’ils sont devenus des adultes, il y en a qui s’en sert comme repère dans la vie. Mais cela devrait être aussi le cas pour le pays et l’administration publique. Pour le cas de la Jirama par exemple, beaucoup se sont demandé pourquoi les régimes de Zafy Albert et de Marc Ravalomanana n’ont pas continué les projets d’exploitation de centrales hydroélectriques après la réalisation de celle d’Andekaleka et après la réhabilitation de celle d’Antelomita durant le régime de Didier Ratsiraka. L’autre exemple à soulever concerne la construction de routes puisque les grands nouveaux projets avec obtention du financement datent effectivement de son règne, tel le By Pass reliant la Rn2 à la Rn7, le boulevard de l’Europe qui a grandement facilité le déplacement dans la ville d’Antananarivo, et autres réhabilitations. Assurément, des projets routiers étaient déjà établis et bien étudiés à l’époque mais n’ont pas donc été repris. Le cas des matériels pour l’armée de l’air et celle de la mer est à désespérer et si Madagascar comptait parmi une certaine puissance militaire dans la partie Afrique australe et Océan Indien dans les années 80, il ne reste plus actuellement que des tas de ferrailles pour l’armée et des souvenirs pleins la tête pour des bambins qui venaient assister, sans y être forcés ou motivés, au défilé de la célébration du retour de l’indépendance. D’ailleurs, le 25 juin avait un goût particulier car la fête ne s’arrêtait pas uniquement aux lampions et feux d’artifice, chaque fokontany se rivalisait de créer des événements uniques avec les manèges, les chevaux de bois, les « hira namelan-kafatra », et autres concerts gratuits animés par des rockers en herbe où on chantait les tubes de Balafomanga – rappelez-vous de la chanson « Tena izy ‘lay » -, de Black Jacks – Billy Billy ou Marie Madeleine -, ou encore de Tselatra et Iraimbilanja. Bref, pareille fête n’existe plus de nos jours et cette année, les feux d’artifice ne durent plus que le temps d’un éternuement si les lampions sont devenus des jouets fabriqués en Chine et les enfants de maintenant appelés dans le temps « ankizy ankehitrio »ne chantent plus : « May, may, may, Ratsiraka ihany ny anay » ! C’est plutôt les adultes d’aujourd’hui qui pensent avec nostalgie ces bons vieux temps où ne pas adhérer au concept de la révolution socialiste veut tout d’abord dire arborer le look rock avec des habits en noir et si possible cloutés.
Pour les autres projets socio-éducatifs, ils ont été tout simplement abandonnés par les régimes qui ont succédé à celui de l’Amiral rouge. C’est le cas des écoles primaires publiques (Epp) par exemple et 25 ans après l’autre révolution de 1991, Antananarivo, la Capitale de Madagascar, ne compte que 94 Epp pour 192 fokontany alors que la population est passée de 600 000 à plus de 2 500 000 habitants actuellement. Pour le reste de l’île, beaucoup ont fermé leur porte et la dernière statistique fait état de 500 000 enfants abandonnant le milieu scolaire chaque année. Et ce n’est qu’un exemple parmi des centaines sûrement cités dans ce nouveau livre contenant des entretiens biographiques dont la sortie est l’objet principal du show de Didier Ratsiraka cette semaine. Et puisque les archives nationales restent toujours inaccessibles au grand public, et même aux historiens et autres journalistes, l’événement a fait apprendre énormément aux malgaches. Bien sûr, ce livre sera un best-seller, une grande première pour Madagascar et beaucoup vont dépenser pour l’avoir.
Jean Luc RAHAGA