Chefs de guerre !
De mémoire de journaliste, ce serait la toute première fois en l’espace de 30 ans à Madagascar que deux groupes légendes vont partager la scène. Il ne s’agit pas uniquement d’icônes de la musique folk et du terroir de ces quatre dernières décennies mais de véritables demi-dieux pour toute la population. Pour une première fois donc, les Mahaleo et les Lolo sy ny Tariny seront au Coliseum d’Antsomjombe ce week-end. Justement, la situation actuelle au pays concernant le volet sécurité ressemble étrangement à la chanson « sambo de guerre » du premier groupe cité puisque Madagascar est tout simplement aujourd’hui un pays morcelé en mille fractions, ayant chacune son capitaine.
Dans les régions du sud de l’île par exemple, on compte depuis trois ans une demi-douzaine d’opérations spéciales destinées au maintien de l’ordre et plus précisément, à l’éradication du phénomène « dahalo ». Mais dès la fin de l’opération en question, l’insécurité sévit de plus belle et les « dahalo » deviennent de plus en plus violents, pire que les « shebabs » de Somalie. Un peu plus au nord-est et sur la route nationale 34, la ville de Miandrivazo ne possède plus aucune tête de zébu, et ce, depuis cette année. C’est une grande première, non seulement pour cette ville dont les plaines se chiffrent à des milliers d’hectares, mais pour un pays où la tête de l’animal en question a toujours figuré dans l’emblème de toutes les républiques qu’il a vues exister. Pour la population de cette ville, les rues sont désertes à partir de 18h30 et la vie nocturne n’est plus que souvenir. Ces derniers temps, les dahalo sont devenus des meurtriers et des bandits qui volent jusqu’aux ustensiles de cuisine en passant par les sacs d’haricots et de pois du cap dont cette région en produit énormément.
Evidemment, chaque zone est maîtrisée par plusieurs groupes de malfaiteurs dont le chef a droit de vie ou de mort sur les habitants, tel le cas dans les régions du monde contrôlées par des organisations criminelles appelées autrement « cartels ». Et apparemment, c’est ce qui était arrivé à certains candidats aux dernières élections communales qui ont été financés par l’argent des « dahalo ». N’ayant pas réussi à gagner la place du premier magistrat de la commune, donc pouvant facilement contribué au blanchiment des zébus volés, certains de ces candidats auraient été purement et simplement assassinés, et les meurtres seraient maquillés par la suite.
Bien sûr, on avance que l’Etat prend ses responsabilités et dernièrement, on a parlé de l’envoi de mille militaires et gendarmes pour mater le phénomène, si il y a quelques temps, certains quotidiens ont fait la « Une » de héros – des officiers – qui tous, finalement, ont été … rapatriés dans la Capitale. Et il n’y en a pas un qui a vraiment réussi à éradiquer ce phénomène qui, pire, s’est développé dans tous les districts de Madagascar. Au minimum donc, le pays a un peu moins de 150 chefs de guerre et évidemment, cela nous rappelle le Libéria dans les années 90 où la guerre civile s’est dégénérée sur fond de conflit ethnique et économique.
L’autre chanson de Lolo sy ny Tariny intitulée « Lekaoma » signifiant « le comorien » met les autorités qui se sont succédé à la tête de notre pays, face à leurs responsabilités. Dans les années 80, le comorien s’occupe du gardiennage de la maison du malgache moyen et si ce n’est pas le cas, il survit en vendant des brochettes au coin d’une rue pas très fréquentée, de peur de faire ombrage aux marchands nationaux. Il faut dire, d’ailleurs c’est écrit dans cette chanson, que les Comores vivaient dans une instabilité politique chronique et que les 4 petites îles qui composent ce pays ne possèdent, ni de bonne terre, ni de grandes richesses naturelles. Actuellement, c’est fini tout ça et si par hasard, on croise un comorien dans les rues, il est étudiant dans une de ces grandes écoles ou établissements supérieurs de la Capitale. Mieux, ceux qui sont dans notre pays, n’ont qu’un souhait : finir au plus vite leurs études et retourner dans leur pays ! En l’espace de trois décennies, les Comores n’ont plus connu de coup d’Etat et se sont développés en silence si Madagascar s’enfonce dans les abîmes chaque jour. En somme, le pays ne produit plus rien que des chefs de guerre, sans foi ni loi et ne veulent, en aucun cas, se soumettre aux diktats des dirigeants de la Capitale. Voilà où nous en sommes actuellement et que les tenants du pouvoir actuel ouvrent grand leurs yeux, leur autorité s’arrête à la porte de leur bureau de travail !
Jean Luc RAHAGA