Une espèce de fumée enveloppe la ville, elle se fait visible dans la demi-heure qui accompagne le coucher du soleil, même si elle accompagne l’air que l’on respire tout au long de la journée et de la nuit. Dans un certain angle particulièrement aux environs de 16 heures ce filtre gazeux provoque une diffraction de la lumière et le soleil apparaît tout rouge moins aveuglant, similaire presque au disque de la pleine lune à son lever par beau temps. Ce phénomène n’est pas exceptionnel, il revient chaque année, une manifestation de la pollution atmosphérique. Il n’y a pas de mystère là-dedans, les fumées des incendies de brousse et de forêts chargent le ciel. Seuls les vents et pluies parviendront à laver ce ciel.
Longtemps les pouvoirs publics, par des campagnes de sensibilisation d’une part et par un durcissement des poursuites et de la répression d’autre part ont tenter de mener une lutte sans répit contre les initiatives à l’origine de ces feux. Déjà sous la 1^ère République le Président de l’époque avait classé dans la catégorie d’ennemis publics « les pyromanes des feux de brousse » et les « dahalo », ils le restent aujourd’hui, même s’ils n’ont pas le monopole de cette qualification.
On ne sait s’il faut persévérer à mettre dans le même sac incendiaires et dahalo. La pratique des cultures sur brûlis reste coupable d’une destruction de la nature, mais on ne saurait réduire à cette coutume les causes de tous les feux de brousse. En majorité incendies de brousse et incendies de forêts seraient des gestes gratuits si l’on n’adhère pas à la thèse qui développe l’idée qu’il faut y lire un message de la population rurale. Nombre de ces incendies, de brousse ou de forêts n’ont rien à voir en effet ni à des préoccupations culturales ni à des soucis de pâturage, ce qui en dehors de l’hypothèse qui veut que les feux sont utilisés comme moyens d’expression, réduit à la conclusion que de nombreux pyromanes peuplent brousse et campagne. Difficile d’abonder dans ce sens. Plus raisonnable de supposer qu’il existe une complicité générale de la population rurale pour observer une omerta sur les origines des feux. Il paraitrait même que la participation ou l’abstention d’un hameau à la manifestation d’ensemble pour donner une correction par le feu à la mauvaise gouvernance, se décide en comité du fokonolona. Que depuis plus de cinquante ans les gens qui se sont succédé au pouvoir n’aient pas été informés de cette signification, une hypothèse qui tient difficilement la route. Il n’y a pas pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre, et lorsque l’on est soi-même épinglé, on ne manifeste aucune inclination à entendre et encore moins à prêter écoute attentive. Seulement ce mouvement, seul moyen d’expression, manifeste détermination et entêtement, ces derniers jours à 30 kilomètres du côté de Behenjy les incendies ravagent les tanety là où il n’y a pourtant ni culture ni jamais bétail en pâture, les feux remontent vers la capitale léchant les bordures de route à hauteur d’Ampangabe.

  Léon Razafitrimo