Un million de problèmes !
Un responsable de l’Office national du tourisme a lancé cette semaine l’objectif du secteur d’ici 2020 : 1 million de touristes viendraient frapper à la porte de la Grande île !
Evidemment, beaucoup diront que c’est un très beau … but mais comme on a souvent, même trop souvent, entendu de la part de nos dirigeants de la pure démagogie, l’objectif en question est complètement utopique. Rappelons-nous qu’en 2007, où la sécurité régnait encore, enfin pas vraiment, mais dans le sens où les infrastructures d’accueil, les routes ainsi que les parcs nationaux et autres endroits visités par les touristes, sont bien sécurisés, la destination Madagascar n’avait péniblement enregistré que 350 000 entrées. Sous l’actuel régime, on a recensé de très nombreuses attaques contre ces touristes, non seulement sur les routes et dans les parcs nationaux ainsi que les autres endroits visités mais jusque dans les sites d’hébergement. D’ailleurs, ces réserves spéciales censées faire le bonheur de ces visiteurs étrangers sont, en partie ou en totalité, parties en … fumée. Effectivement, le ministère de l’Environnement, de la mer, de l’écologie, et des forêts est totalement paralysé face à ce phénomène de feux de forêts et de feux de brousse qui ravagent tout le pays et jusqu’ici, on n’a pas encore entendu parler d’une quelconque initiative de sa part pour lutter, ne serait-ce qu’un tout petit peu, contre ces fléaux. Pire, le même ministère ne cesse de proposer toute sorte de zones à protéger – c’est très louable de sa part – mais sans consulter et sans compter sur l’avis de la population locale qui y voit une partie de son réservoir de vivres fermée à tout jamais. Le tout sans parler du problème d’érosion touchant des milliers d’hectares de plaines et de terres fertiles sans que, encore une fois, des mesures efficaces et efficientes soient prises pour endiguer la catastrophe.
D’un autre côté, les moyens mis à la disposition du secteur du tourisme sont dérisoires et ne permettent pas d’atteindre facilement l’objectif défini. Si la Grande île est présente, de temps à autre, dans les salons internationaux du tourisme et de l’hôtellerie, ce n’est sûrement pas une condition suffisante pour la réussite. Certes, ces salons regroupent et attirent les agences de voyage internationales mais de très nombreuses autres offres, alléchantes les unes des autres, y sont aussi recensées. Rien que le coût du voyage qui plus est à plus de 10 000 km de l’Europe, représente un gros handicap pour Madagascar et il faut vraiment être amoureux fou de l’île rouge pour y faire un tour, sinon il faudrait posséder un sacré budget et en même temps, beaucoup de temps. Et les trois semaines de vacances accordées généralement aux vacanciers européens passent très vite alors que ce sont leurs seuls moments de vraies détentes et que les envies de voir d’autres régions du monde sont grandes. Comme on dit, on n’a qu’une seule vie et qu’il faut bien en profiter, la destination Madagascar n’est sûrement pas le premier choix qui vient à l’esprit, et pour espérer arriver à l’objectif cité supra, ce cas est absolument nécessaire. Si on se réfère au Maroc, à deux pas de l’Europe, les sables blancs ainsi qu’un service aux normes internationales sont conjugués avec une maîtrise parfaite de la sécurité dès l’embarquement pour la destination. Au pays du Roi Hassan II, cela fait longtemps que la lutte pour la propreté dont celle contre la défécation à l’air libre, a été gagnée. En somme, il n’y a pas photo entre les deux pays et mieux, l’administration publique n’est pas le principal frein au développement du secteur privé.
Et c’est bien le cas de le dire puisque un investisseur privé, national ou étranger, est devenu la principale source de revenus pour le fonctionnaire de Madagascar. Et bien évidemment, à tout niveau, en commençant par les coursiers ramenant le dossier d’un bureau à l’autre jusqu’aux décideurs finaux en passant par les inspecteurs censés évaluer les infrastructures et les services à offrir, et entre autres, les multitudes de directeurs et directeurs généraux qui, en réalité, n’ont que deux mots à mettre au bas de la demande en question « avis favorable » sans avoir à lire et à étudier de fond en comble le dossier en question. De tout temps, c’est l’Etat, lui-même, qui est le premier responsable de la faillite mais aussi et surtout de l’impossible développement du secteur du tourisme à Madagascar. Ainsi, avant d’annoncer un quelconque objectif dans les années à venir, consulter les dirigeants et décideurs politiques est une condition sine qua none et des engagements irréversibles et par écrit sont nécessaires avec un plan de déblocage du financement bien défini et bien approuvé par ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Et on pourrait ainsi éviter un million de problèmes d’autant que chacun le sait, le secteur du tourisme est la bouée de sauvetage pour notre pays.
Jean Luc RAHAGA