Accord de Paris – Les multiples conditions de l’Afrique pour les actions de mitigation
Le groupe africain a ajouté plusieurs phrases et paragraphes à l’article 3 sur la mitigation du texte de négociation de l’Accord de Paris lors de la dernière réunion de négociation du texte à Bonn du 19 au 23 octobre derniers, avant la Cop 21 qui débutera le 30 novembre prochain à Paris. Des ajouts qui permettent d’analyser ce que les pays africains sont réellement prêts à réaliser et attendent au niveau mondial, notamment de la part des pays développés, en matière d’actions de mitigation sur le changement climatique. Et ce que cela impliquerait pour Madagascar en tant que membre de ce groupe.
Les engagements attendus des pays développés
Le premier paragraphe ajouté au début de l’article 3 est : « Les parties des pays développés entreprendront des engagements déterminés nationaux de mitigation, tandis que les parties des pays en développement entreprendront des contributions/actions déterminées nationales de mitigation ». Le groupe africain a tenu à préciser qu’ils attendent des actions de mitigation plus importantes et plus consistantes de la part des pays développés que ce que les pays en développement projettent à travers les Cpdn (Contributions Prévues Déterminées au niveau National) que ces derniers ont soumis.
Les ajouts au niveau du point 2 de l’article éclairent sur les autres engagements que l’Afrique attend des pays développés. Comme option 2 de ce point, le groupe africain propose que les parties des pays en développement communiquent deux fois concernant le statut de l’implantation de leurs contributions/actions déterminées nationales de mitigation et les parties des pays développés tous les deux ans sur le statut de l’implantation de leurs engagements déterminés nationaux de mitigation pendant la première période (2021-2030) de l’accord.
Le deuxième paragraphe ajouté à la fin du point 2 de l’article 3 précise que le support des pays développés, des entités opérationnelles du Mécanisme de financement et des organismes ayant la même capacité est attendu pour la préparation, la communication et l’implémentation des contributions/actions déterminées nationales de mitigation des pays en développement.
Au point 3 de l’article 3 qui traite du fait que les parties doivent démontrer un progrès par rapport à leurs efforts précédents et devraient en mener de plus en plus ambitieux, le groupe africain a ajouté le qualificatif « pays développés » aux parties, ainsi que les précisions « quantifiés » et « objectifs de réduction d’émission » concernant les efforts. Il a aussi ajouté la phrase suivante : « [En accord avec les principes d’équité, de responsabilités communes mais différenciées, et de capacités respectives] et [à la lumière de leurs circonstances nationales, les parties des pays en développement sont appelées à réaliser leurs meilleurs efforts de mitigation ».
Le groupe africain a également allongé le point 11 qui invite les parties de la Convention à formuler des stratégies de développement à faible carbone sur le long terme en ajoutant : « Les parties des pays développés formuleront des stratégies de développement à faible émission avec des délais pour l’émission zéro. Les parties des pays en développement sont encouragées à développer une stratégie, un plan ou programme de développement vert et à faible carbone sur le long terme approprié ».
Enfin, au dernier point, le point 12 disant que l’implantation des actions de mitigation par les parties de pays en développement dépend de leur éligibilité à un support sur l’implantation de l’article 3 sur la mitigation, le groupe africain a proposé l’alternative suivante : « Les parties des pays développés et les autres parties développées incluses dans l’annexe 2 de la Convention fourniront des ressources financières nouvelles et additionnelles, du transfert de technologies et du renforcement de capacité pour supporter les coûts totaux accordés établis par les parties des pays en développement en vue de réaliser leurs obligations dans le cadre de cet article. L’extension selon laquelle les parties des pays en développement implanteront effectivement leurs engagements dépendra de l’implémentation effective des engagements relatifs aux ressources financières, au transfert de technologies et au renforcement des capacités par les parties des pays développés ».
Les modifications apportées par le groupe africain au niveau de l’article 3 sur la mitigation du texte de négociation de l’Accord de Paris montrent que les actions de mitigation sur le changement climatique ne constituent pas des priorités pour l’Afrique. D’ailleurs, le groupe africain a ajouté par deux fois, aux points 1 et 9, que les parties doivent « garder à l’esprit que le développement socioéconomique et l’éradication de la pauvreté sont les premières priorités des pays en développement ».
A travers l’insistance sur la différence des engagements contraignants pour les parties des pays développés et des contributions/actions pour les parties des pays en développement, le groupe africain expose son fort attachement aux principes d’équité, de responsabilités communes mais différenciées, et de capacités respectives de la Convention.
L’accès effectif aux ressources financières, au transfert de technologies et au renforcement de capacités, condition sine qua none de la majorité des pays en développement pour l’implantation effective des actions de mitigation, est encore une priorité de l’Afrique qui compte un grand nombre de pays en développement, voire des pays les moins avancés et des pays les plus vulnérables.
Enfin, le groupe africain prend comme priorité « le développement à faible carbone au niveau mondial » et tient compte des données scientifiques sur le climat, ayant ajouté ces deux éléments au point 1 de l’article 3 sur la mitigation.
Les liens avec la Cpdn de Madagascar
La section « Atténuation » de la Cpdn soumise par la République de Madagascar en septembre 2015 partage la plupart des points de vue du groupe africain sur la mitigation, notamment l’accès aux ressources financières comme condition sine qua none pour l’implantation effective des actions de mitigation, l’attachement aux principes de la convention.
La Cpdn de Madagascar précise à la page 2 sur l’atténuation : « Ces objectifs restent conditionnés aux supports financiers qui seront reçus de la part des partenaires mondiaux (contributions conditionnelles). Madagascar compte sur le support de la communauté internationale pour atteindre cet objectif à travers les mécanismes financiers de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Cnucc) et les autres mécanismes de financement existants ou futurs ».
A la page 5 qui concerne également l’atténuation, la Cpdn fait référence aux principes d’équité, de responsabilités communes mais différenciées, et de capacités respectives de la Convention quand elle souligne que Madagascar faisant partie des pays les moins avancés et étant un pays non émetteur, sa contribution est « équitable et ambitieuse ».
En revanche, Madagascar ne priorise pas séparément le développement socioéconomique par rapport aux actions de mitigation sur le changement climatique. L’introduction de la Cpdn de la République de Madagascar met en exergue que le document a été préparé « en tenant compte des objectifs et priorités nationaux de développement inclus dans les principaux documents stratégiques nationaux, notamment la Politique Général de l’Etat (Pge), de la Politique Nationale de Développement (Pnd) et de la Politique Nationale de Lutte contre les changements climatiques (Pnlcc) ».
La Cpdn de Madagascar souligne même à la page 3 que cette contribution concernera l’ensemble des secteurs de l’économie. Cela vient probablement du fait que la Grande Ile est le troisième pays le plus vulnérable aux catastrophes les plus extrêmes liées aux changements climatiques et fait partie des 10 pays disposant des zones côtières les plus importantes au monde.
Domoina R
Climate Tracker Cop 21 Fellow de Madagascar