SA.H.VA – Avenir de l’industrie savonnerie
La Savonnerie et Huilerie du Vakinankaratra a été créée il y a une vingtaine d’années. Elle fait vivre 350 familles d’Antsirabe grâce au savon Soba. Depuis des années, elle peut produire 20 tonnes de savons quotidiennement quand elle est au maximum de sa capacité. Quand les temps sont difficiles, comme à l’heure actuelle, sa production tombe en moyenne à 15 tonnes, voire 12 et même 10 tonnes. L’industrie du savon a beaucoup souffert depuis l’intégration de Madagascar dans la COmmon Market for Eastern and Southern Africa (Comesa), la Southern Africa Development Community (Sadc) et la Commission de l’Océan Indien. Pour cause, elle est aujourd’hui victime d’une importation sauvage qui est en train de tuer à petit feu les industries locales dans la mesure où les produits finis d’importation sont exonérés de taxes douanières. La concurrence sur le marché est féroce, voire déloyale selon que le marché est carrément inondés de produits finis importés dont les prix défient toute concurrence. C’est dans ce genre de milieu hostile que la SA.H.VA tente de garder la tête hors de l’eau et de continuer à se battre pour mener haut les couleurs du Vita Gasy.
Investissement à long terme
Depuis qu’elle a été reprise en 2008, les investissements injectés dans la Savonnerie et Huilerie du Vakinankaratra pour la production du savon Soba se chiffrent à près de 400 000 dollars. Aujourd’hui, pour produire du savon, la société doit recourir essentiellement à l’importation de bondillons de savon qui lui servent de matières premières. Ces produits viennent de l’Inde, de l’Indonésie, de la Malaisie ou de Singapour. Jusqu’à ce jour, la SA.H.VA utilise principalement des bondillons de savon de trois couleurs différentes : blanc, marron et jaune. Le savon Soba est catégorisé en entrée de gamme, moyen de gamme et savon de luxe idéal pour la toilette. Les brevets ont été tous déposés auprès de l’Office Malgache de la Propriété Industrielle pour les savons SB27, M20, SB03.
Processus de fabrication
Plusieurs étapes sont nécessaires pour obtenir un savon prêt à l’utilisation. Les ingrédients nécessaires à sa fabrication sont : bondillons de savon, colorant, parfum, pouvoir moussant en liquide, durcisseur, eau. Avant d’entrer dans la boudineuse haute et sortir par la boudineuse basse, Emmanuel, le chimiste de la société ne doit pas se tromper sur la quantité des ingrédients à utiliser pour le mélange. Dans le cas contraire, le savon risque de ne pas être de bonne qualité et pourrait même perdre sa dureté ou sa consistance au contact de l’eau. Après la composition, qui restera secrète, le mélange est introduit dans la machine tout-en-un. L’amalgameur, le moulin broyeur, l’extrudeuse pré-raffinage, l’épureuse, la coupeuse de savon se trouvent directement sur une ligne complète semi-automatique de finition de savon. Le mélange est directement versé dans un compartiment réservé à cet effet et il ne reste plus qu’à attendre que la machine fasse son travail pour obtenir au final des carrés de savon qui, après un processus de fabrication de quelques minutes, seront directement conditionnés dans des cartons.
Un avenir difficile
Avec les temps qui sont durs, le Directeur général Rakotozafy Fredy ne peut pas s’empêcher de se mordre la lèvre même si le savon Soba s’achète dans tout Madagascar. A Antananarivo, Fianarantsoa, Tuléar, Toamasina, Majunga et bien sur Antsirabe, ce savon est réputé pour être parmi les moins chers du marché. Comme dans tous les secteurs, la société SA.H.VA ne fait pas beaucoup de vente après le nouvel an, au mois de février et mars, mais aussi pendant la saison des pluies. Aujourd’hui, la responsable commerciale de la société confie que les stocks tendent à s’accumuler. Toutefois, malgré les difficultés dans le secteur industriel, la société pense à ouvrir une autre usine de transformation à Toamasina pour essayer d’apprivoiser le marché nord. Cette usine pourrait être prête à l’emploi d’ici le début de l’année 2016 et engager jusqu’à 250 employés, tout comme ne pourrait tout simplement ne pas voir le jour à cause des nouvelles dispositions sur la taxe douanière appliquée aux bondillons de savon.
Débat autour du bondillons de savon
Depuis 2008 jusqu’en 2013, le tarif n°3402.19 10 de la nomenclature douanière a été utilisé sur les produits intitulés « Liquides, poudre, granule à usage industriel » (comprendre aussi bondillons de savon). Pour être classés dans la sous-position n°3402.19 10, les produits de l’espèce doivent remplir à la fois les conditions suivantes : être exclusivement utilisés comme matières premières ou intrants dans les industries, être importés directement par les industries concernées, conditionnement requis : fût de 100 litres et plus pour les liquides et 20 kilos et plus pour le reste. A cette époque, le bondillons de savon était encore considéré comme une matière première et était affublé d’une taxe douanière de 5%. A cette époque, avec des marges bénéficiaires de 3 à 5% sur chaque savon, la société SA.H.VA a pu tourner au maximum de sa capacité.
En 2013, le climat a changé avec la révision à la hausse de la taxe douanière sur le bondillons de savon. Depuis qu’il est régi par le tarif n°3401.20 00 (savons sous autres formes) qui classe le bondillons de savons dans la catégorie des produits semi-finis, la taxe douanière a été élevée à 10%. Jusqu’à ce jour, la société SA.H.VA a toujours fait de son mieux mais leur monde risque encore de basculer d’ici l’année prochaine. Sous la pression d’autres producteurs de savon, la taxe douanière sur les bondillons de savon pourrait être augmentée à 15% à partir du début 2016. La Loi de Finances Initiale 2016, actuellement entre les mains des députés de l’Assemblée Nationale, prévoirait même déjà cette hausse.
Savonnier, métier à risque
Fredy Rakotozafy, directeur général de la SA.H.VA ne cache pas son inquiétude quant à cette nouvelle hausse possible de la taxe douanière appliquée aux bondillons de savons. « Si cette hausse est effective, on va juste fonctionner à perte. L’usine se dirigera inexorablement vers sa faillite et sa fermeture. On ne pourra plus concurrencer les savons importés même en diminuant notre marge bénéficiaire. A cause de cela, le projet sur Tamatave pourrait même être abandonné».
Si la hausse des taxes douanières à 15% est effective, les industries locales ne feront plus le poids contre les savons venant des pays comme le Kenya ou l’île Maurice. Pourtant, c’est la situation à éviter. Ainsi, les industries locales doivent s’unir pour former un bloc contre les produits finis issus du Comesa, de la Sadc et de la Coi.
Solutions possibles
La situation actuelle n’est pas une fatalité et les responsables du secteur industriel doivent trouver des solutions adéquates pour ne pas freiner l’élan des sociétés malgaches.
Première solution : la taxe douanière sur les bondillons de savon doit revenir à 5% dans la mesure où ce produit sert de matières premières ou d’intrants aux industries locales.
Deuxième solution : la production de bondillons de savon doit se faire sur place. Pour l’instant, la SA.H.VA n’a pas les moyens de le faire et l’investissement nécessaire pour ce genre d’activité se chiffrerait à un million de dollars.
Troisième solution : baisser la Tva des produits locaux de 20 à 10% et la garder à 20% pour les produits importés. Cela augmentera les recettes fiscales, fera baisser les prix au marché, augmentera la consommation, la production, l’emploi, les revenus et puis la consommation : c’est un cercle vertueux. Dans ce genre de milieu, les industries locales ne souffriront pas de la concurrence déloyale.
Aujourd’hui, le vrai ennemi des producteurs locaux est l’importation de produits finis, et c’est là, que la vraie bataille doit être menée.
Laza Marovola