Coopérative Fanohana – La réussite d’un commerce équitable
Dans un contexte de pauvreté et d’insécurité alimentaire des familles paysannes dans les régions Analanjirofo et Antsinanana à Madagascar, avec une production vivrière pour le marché local limitée en raison de la surface réduite des exploitations agricoles (0,5 ha de rizières en moyenne), les cultures de rente jouent un rôle important. Elles assurent en effet des revenus monétaires pour faire face aux besoins des familles, assurer la sécurité alimentaire en période de soudure et éviter la décapitalisation de leurs exploitations agricoles. Les parcelles qui ne sont pas aménageables en rizières sont dédiées à des cultures de rente diversifiées : litchi, mangues, ananas, vanille, poivre, baie rose, cannelle, girofle, canne à sucre… dont la production est parfois transformée (séchage pour le girofle, production d’huiles essentielles, etc.). Les filières de commercialisation de ces produits sont pourtant très défavorables aux producteurs, éloignés des axes de communication et donc des marchés
Dès le démarrage de l’action en 2007, Avsf a centré son appui sur l’Union Fanohana, dont elle a soutenu la création en 2009 (Fanohana signifie « ensemble » en malgache) : un regroupement de 4 coopératives de base de la côte est existantes depuis les années 90, mais dont certaines étaient alors pratiquement inactives. L’Union Fanohana a pour objectif de valoriser les produits de ses membres : litchi, vanille, poivre, cannelle, baies roses, gingembre… en vue d’améliorer les revenus et les conditions de vie. La stratégie d’accompagnement d’Avsf a été volontairement centrée sur la commercialisation des produits des familles paysannes. Parallèlement, des activités d’assistance technique et de formation auprès des paysans organisés ont ciblé la qualité et la transformation des produits.
L’innovation fut ainsi de construire un cadre de référence pour la gestion d’une première filière paysanne équitable avec l’organisation Fanohana, pour ensuite valoriser les autres produits de rente des familles paysannes et transférer ces apprentissages à d’autres organisations de la côte-est intéressées par la démarche de commerce équitable et production biologique.
Dès 2007, Avsf cherche à identifier des débouchés commerciaux pour le litchi malgache, qui permettraient de contourner les blocages de la filière du litchi frais exporté vers l’Europe. La Scop française Ethiquable, qui commercialise alors déjà des jus et dessert de fruits exotiques, fait part de son intérêt pour l’importation de pulpe de litchi, transformée en purée exportée sous forme congelée vers la France, puis conditionnée sous forme de desserts, en mélange avec d’autres fruits. Avec les dirigeants des coopératives, Avsf rencontre alors des prestataires malgaches capables de réaliser ce type de transformation ; une fois validé le modèle de gestion, Avsf propose la mise en place d’une filière équitable de litchi, jusqu’alors inexistante, depuis la construction et validation des standards avec Flo/Mhf jusqu’à l’obtention de la certification par la coopérative Fanohana .
Ces appuis techniques permettent dès 2009 l’exportation à Ethiquable de 14 tonnes de pulpe de litchi certifiée, soit 33 tonnes de litchi frais. Les années suivantes, les appuis d’ Avsf permettent de diversifier les produits et les marchés afin d’augmenter les volumes vendus par les paysans. L’Union Fanohana se dote d’un niveau de maîtrise croissant tant des relations commerciales, avec de grands opérateurs économiques comme Migros (Suisse), Univeg/Katopé (France) que des exigences de certification : équitable, biologique puis Globalgap. Non seulement l’Union Fanohana certifie ses produits mais elle réussit à exporter 100 % du litchi sous ses différentes formes (frais, purée, conserves, séché) dans les conditions du commerce équitable, à un prix plus rémunérateur que le marché local. L’opération sur le litchi s’avère être un succès total. Les ventes de litchi par la coopérative Fanohana sont en hausse exponentielle d’une année sur l’autre : elles passent de 32 tonnes pour la campagne 2008-2009 à un total de 351 tonnes en 2013-2014. Au-delà des volumes, une des clés de la réussite est la diversification des débouchés commerciaux : Fanohana dispose depuis 2012 de 5 clients en Europe, contre 1 seul en 2009.
Mais Avsf et Fanohana n’en restent pas là. Fort de son succès sur le litchi, Fanohana se propose à partir de 2012 de transformer et vendre elle-même de la vanille noire, du poivre noir, et de la cannelle sous certifications biologiques et équitables. Avec le concours de la Région Analanjirofo et du Programme de Promotion des Revenus Ruraux du ministère de l’Agriculture malgache, Avsf accompagne la coopérative Fanohana pour la construction d’un atelier de transformation de vanille et d’épices en 2011. Cet atelier permet dès 2012 à l’Union de transformer la vanille et le poivre directement, mais aussi de centraliser les produits pour effectuer le triage et le conditionnement. En 2012, Fanohana collecte et transforme ainsi plus de 5 tonnes de vanille verte et plusieurs tonnes de poivre et de cannelle.
Dans le même temps, grâce à l’organisation de tournées commerciales en France pour identifier de nouveaux débouchés et aux appuis techniques d’ Avsf, la coopérative exporte directement et sans intermédiaires 4,5 tonnes de cannelle biologique et équitable. A partir de 2013, le processus de diversification de la coopérative progresse encore, avec la commercialisation de baie rose biologique et équitable, et des essais de transformation d’ananas en conserve ainsi que de gingembre et de citronnelle séchés, en partenariat avec de nouvelles organisations paysannes de la région Antsinanana.
L’augmentation des prix payés aux paysans est un premier effet notable de l’accompagnement l’ Avsf à la coopérative Fanohana. Elle est par ailleurs devenue la 1ère organisation du pays à exporter directement sa production de litchi, source de fierté de ses adhérents. L’organisation est parvenue à collecter le litchi de ses producteurs associés à un prix de 600 Ar/kg (environ 0,21 €) durant toute la campagne, alors que les acheteurs locaux payaient 500 Ar/kg (0,18 €) en début de campagne, puis baissaient leurs prix jusqu’à atteindre 300 Ar/kg en fin de campagne (0,11 €). Ces prix plus élevés ont amené les producteurs adhérents à mieux prendre soin de la qualité de leurs cultures et à renouveler leur matériel végétal. Les succès rencontrés par les membres ont incité d’autres paysans issus des communautés voisines à rejoindre la coopérative. L’organisation a ainsi vu sa base sociale passer de 152 familles membres en 2011 à 361 en 2013.
Outre l’augmentation progressive des revenus des familles membres de la coopérative, Fanohana est devenu un acteur local du développement communautaire, grâce à l’utilisation de la prime du commerce équitable : 17 millions d’Ar en 2011 (environ 6 000 €) et 34 millions d’Ar en 2012 (environ 12 140 €). Celle-ci a permis la mise en place de greniers à riz, la réfection d’une salle de classe, le paiement des salaires de deux enseignants, l’organisation d’une action de reboisement, la construction d’une cuisine pour un dispensaire communautaire, d’un pont et la réfection de pistes rurales.
Le développement des activités de la coopérative a également engendré la création d’emplois : une équipe technique assurant la gestion de la coopérative (gérant, secrétaire comptable, responsable magasin et deux ouvriers), mais également une équipe de préparateurs pour la vanille et les épices qui peut compter jusqu’à 40 ouvriers journaliers.
Au vu des résultats commerciaux et financiers des dernières campagnes, la coopérative Fanohana est aujourd’hui en mesure d’offrir à davantage de familles paysannes un service en constante amélioration, et prévoit sa totale autonomie financière cette année.
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