Chefs d’escadron de la mort !
L’opération « Fahalemana » a fait couler beaucoup d’encre, et ce, de tous les côtés, mais non seulement du côté des forces de l’ordre ou celui des dahalo. Depuis cette semaine, la société civile se lève pour dénoncer les abus et exactions faits par les membres des forces de l’ordre composés de militaires et de gendarmes. «Mon village a été attaqué par des dahalo et ils ont pris tous les bœufs dans les enclos. Plus tard dans la même journée, les gendarmes sont arrivés et nous ont demandé qui nous a attaqués ? Nous avons répondu que nous ne le savons pas et après, ils (ndlr : les gendarmes) ont brûlé tout le village », a annoncé un habitant du district de Beroroha dans le sud de Madagascar et dont la déclaration a été entendue sur la radio du monde. Beaucoup se demandent si nous sommes en Afghanistan ou en Irak et non à Madagascar. Il faut dire que ce n’est plus seulement une force de répression brute, sans âme et qui n’a aucune capacité de réflexion qui est sur le terrain mais c’est tout simplement la … « Gestapoisme » ! Pire, « ils (ndlr : toujours les gendarmes) ont pris un homme du village voisin et lui ont demandé s’il a vu tout ce qui se passait, c’est-à-dire, si ce dernier a vu que les gendarmes ont brûlé notre village, puis, sans autre forme de procès, l’ont abattu à bout portant !» a continué notre témoin. A coup sûr, ces simples citoyens malgaches auront regretté de ne pas se trouver sur les territoires de l’Etat Islamique où on monte d’abord un semblant tribunal avec des juges aux longues barbes, puis on évoque tout un tas de crimes avant d’annoncer le verdict et finalement passer à l’exécution.
L’opération « fahalemana » qu’on pourrait interpréter comme une opération de sécurisation dans le milieu rural et surtout a été défini comme une guerre menée contre les dahalo, a emmené la mort, le désordre, la tristesse, la désolation, le saccage, la dévastation, la destruction, la ruine, la consternation, la peine, dans les foyers, dans la société, dans la vie de centaines milliers de paysans, qui eux aussi, ont aussi des familles vivant dans les villes ainsi que dans tout Madagascar. Ces dernières ne sont pas insensibles face aux désastres, tourments, drames, catastrophes, malheurs, et tragédies car touchées dans leur chair. Il est ainsi normal que 42 associations et autres organisations non-gouvernementales regroupées dans le « Plate-forme des organisations de la société civile » montent au créneau et réclament des enquêtes sur les exactions des forces de l’ordre. Et les instructions ne devraient pas uniquement s’arrêter sur « les intimidations et tortures morale et psychologique, les arrestations et détentions arbitraires, les exécutions sommaires d’innocents et de présumés dahalo sans aucune forme de procès, le pillage des biens de la population surtout des bovidés, l’usage disproportionné de la force caractérisée principalement par l’incendie de villages, les tortures physiques et les barbarismes en brûlant vifs ou morts des individus avec des pneus et de l’essence, … ». Elles devraient aussi s’étendre sur les « trafics d’armes et de cannabis impliquant des hauts responsables des forces de l’ordre et des élus, les trafics de fiches individuelles de bovidés et de cartes d’identité nationale, l’impunité et le corporatisme des hauts responsables politiques, militaires et de certains élus favorisés par la corruption institutionnalisée ». Tout cela explique la nouvelle devise bien appliquée par la population locale « qu’il vaut mieux faire face à des dahalo qu’aux forces de l’ordre ! ».
Actuellement, la population touchée est soutenue par les médias libres et indépendants – et ce, depuis des mois déjà, – par la société civile mais aussi par les chancelleries étrangères. Pour les Américains, le respect des droits de l’homme est rappelé à la mémoire de nos dirigeants et pire, l’obtention des faveurs du Millenium challenge account est conditionnée par ce principe ainsi que d’autres que le régime actuel a l’habitude de fouler aux pieds.
De tout ça, les actuels tenants de pouvoir préfèrent fermer les yeux et se pavaner dans tout Madagascar pour inaugurer telle ou telle infrastructure. Pire, ils n’ont aucune honte à voyager dans le monde et dont les prochaines destinations seraient des capitales européennes, à savoir Londres, Bruxelles et Paris, à l’occasion de la Cop21 pour cette dernière. Effectivement, du beau monde est déjà en train de se retrouver dans la Capitale française et rien que pour la journée d’avant-hier, François Hollande a reçu pas moins de 5 chefs d’Etat africains. Friand de telles rencontres, Hery Rajaonarimampianina ne va manquer cette opportunité, même si son pays porte le honteux dossard du 5ème pays le plus pauvre de la planète et où des exactions et des exécutions sommaires y passent tous les jours. Maintenant, c’est pire que le Burundi de Pierre Nkurunziza puisque lui au moins, il ne tue en premier que ses opposants, non et d’abord, les simples citoyens et les présumés dahalo !
Mais on sait qu’il n’y a pas que les forces de l’ordre qui sont compromises dans ces crimes mais aussi des juges, des députés, des chefs de région, des chefs de district, des maires et même des chefs fokontany. Bref, tout un panel de chefs d’escadron de la mort.
Jean Luc RAHAGA