L’Inde a déclaré son engagement d’apporter une contribution efficace pour la tenue d’élections crédibles à Madagascar. L’opinion a accueilli avec un sourire en coin cette annonce, alors qu’il s’agit d’une voix d’un grand Etat de plus acquise à la cause du pays dans cette recherche de solution à la crise par l’organisation de suffrages populaires. Ce sourire en coin ne signifie sans doute nullement une manifestation de scepticisme quant à la sincérité, mais la question unique posée suite à l’annonce d’une contribution a été unanime presque un réflexe naturel sans qu’il faille y trouver une réflexion désobligeante : sous quelle forme et de quelle nature sera constituée cette contribution ? Le plaisir d’avoir fait l’objet d’une sollicitude aurait pu dispenser de toute mine railleuse si discrète soit-elle, d’autant plus que l’engagement concerne des relations d’Etat à Etat. Toutefois au niveau populaire les images d’Epinal persistent et ce n’est qu’avec le temps et grâce à des efforts constants que l’on parvient à les gommer. 
La lecture populaire de la politique de la France à Madagascar passe toujours au travers d’une grille teintée du passé colonial, certains n’ont peut-être pas tort de prendre un raccourci pour qualifier cette réaction, de tare consécutive à un complexe mal guéri. Appréciation qui se justifierait si elle s’accompagne du constat que bien de comportements de vahaza de la colonie française gardent un relent de paternalisme empli de morgue et inclinent ainsi une partie de l’opinion à entretenir une susceptibilité à fleur de peau et une paranoïa à vouloir interpréter et suspecter tous les gestes de la France.
L’opinion malgache se félicite lorsque le pouvoir français prononce la fin de la « françafrique », un avatar que n’avait sans doute pas projeté Charles de Gaulle lorsqu’il a orienté Alain Foccart à œuvrer ou manœuvrer pour tirer les ficelles d’une opération de  décolonisation qui assure à la France présence et influence. La défense des intérêts de son pays constitue une obligation naturelle et prioritaire pour toute personne investie d’une responsabilité nationale à quelque niveau qu’elle se situe. A chacun de manœuvrer à sa manière et aux autres la liberté ou l’obligation d’interpréter en fonction de l’ensemble des comportements qu’ils constatent et d’adapter leur réaction en conséquence.
Lorsque le Président français François Hollande a snobé le Président  Kabila, président du pays hôte du dernier Sommet de la Francophonie, le geste qui n’est pas passé inaperçu a été diversement accueilli dans l’opinion africaine. Seulement suite à la question, qui lui demandait s’il se serait autorisé la même entorse au code protocolaire diplomatique à l’endroit du Président de la Chine, pays qui n’est pas plus un modèle de respect des droits humains, la réponse spontanée emplie de tendresse paternaliste de François Hollande ayant avancé en guise de justification que c’est parce qu’il aimait l’Afrique, l’opinion s’est fait une raison sur un diagnostic : la gauche française n’est pas plus guérie de la françafrique que ne l’a été la droite, et que les Africains n’auront qu’à composer avec une nouvelle métamorphose. Les habitudes créent une seconde nature, on les chasse par la porte qu’elles reviennent au grand galop par la fenêtre, il faut laisser le temps au temps pour remettre les choses à la normale, encore qu’à chaque fois que l’occasion se présente, il ne faut faire de complexe à rappeler l’idéal dont les discours ne manquent pas de se gargariser.


Léon Razafitrimo