Positiver la période de précampagne
Les sortants entendent attirer l’attention sur le bilan de leur passage au pouvoir, naturellement en mettant en exergue les réalisations les plus spectaculaires favorables à une amélioration des conditions dans lesquelles vit la population. En la matière les inaugurations constituent une façon percutante de communiquer, elles font la somme des actions et comme en toute chose abondance de biens ne nuit pas. Leurs challengers pour les suffrages des électeurs à l’occasion de consultations populaires, ne peuvent pour autant se priver de prendre du retard, et sont confrontés à un choix (un vrai dilemme) pour établir la stratégie de communication. Les élections ayant pour finalité de voter pour les personnes les plus aptes à gérer un avenir meilleur que le présent, des candidats pour convaincre le public focalisent leurs efforts à faire miroiter des lendemains qui chantent et les moyens pour y parvenir qu’ils proposent, alors que d’autres s’ingénient davantage à noircir le tableau présent, conséquence d’une gestion coupable du passé récent.
Cette période de précampagne semble inévitable, et au fond même si elle ne correspond pas à une législation spécifique qui la qualifie, elle ne pèche pas dans l’esprit au principe de la liberté démocratique. La seule restriction que l’on pourrait y apporter étant un appel direct à voter pour tel ou tel candidat nommément cité, encore que la médiatisation des appels en faveur de telle ou telle personnalité à faire acte de candidature sont des pratiques courantes, utilisées de façon détournée à faire de la propagande. Il n’en reste pas moins que de façon idéale et dans l’absolu cette précampagne peut contribuer à impliquer davantage la population par un temps supplémentaire de réflexion sur les enjeux de la votation.
Ce ne sont pas les enjeux qui manquent, et pourtant si tous s’accordent sur l’objectif final qu’ils qualifient unanimement de développement rares encore sont ceux qui dévoilent les enjeux des tares à combattre et les moyens adéquats pour y parvenir.
L’opinion publique quant à elle s’est fait une religion sur l’existence des richesses réelles, à l’état de potentialité ou d’exploitation, que possède ou recèle le pays. A partir de cette conviction les gens s’interrogent sur les raisons de l’état de pauvreté dans lequel ils croupissent personnellement où dans lequel se débat une majorité de la population. Nombreux attendent ainsi une réponse à cette préoccupation.
La facilité entraine les candidats qui ne possèdent pas un programme propre à tendre vers une équitable répartition des richesses, à se complaire simplement à désigner les plus fortunés ou même la minorité d’une classe « aisée », comme bouc-émissaire cause de l’état de pauvreté. Il est vrai que l’opinion parallèlement à sa foi en l’existence des richesses s’est fait une conviction sur le fonctionnement de plusieurs systèmes de corruption. Aussi montrer une détermination de mener contre la corruption une lutte efficace, autre qu’à monter en spectacle des actions qui ne servent que d’alibi aux réels prédateurs, obtiendrait la faveur de la population. Le peuple blanchi aux harnois du désenchantement suite aux malheureuses expériences, a acquis une maturité suffisante pour se faire à la raison que la volonté de lutter contre la corruption conditionne la réussite de tout plan de répartition équitable des richesses dans un programme de développement harmonisé. Toutefois la lutte contre la corruption si elle constitue une condition indispensable pour la répartition équitable des richesses, ne représente pas à elle seule une condition suffisante. De même, déclarer la guéguerre aux fortunés ne participerait pas à combattre la pauvreté. La question se pose autrement et de façon simple, comment construire un système qui permet, non tant de fournir au plus grand nombre un accès à devenir « riche », mais de donner à ce plus grand nombre les moyens de s’arracher des crocs de la misère, et de se dispenser de l’assistance de la « générosité ». Générosité, posture qui flatte l’ego surdimensionné des personnes insensibles ou inconscientes de l’« indignité » de la situation dans laquelle le geste réduit les miséreux, jouer des coudes et ensuite applaudir pour de l’aumône. Horrible de voir tous les candidats potentiels et éventuels rivaliser dans des opérations d’« actions sociales ou humanitaires » de façon ponctuelle ou même structurelle, en escomptant un retour d’investissement et en affichant l’espoir d’une récompense sous forme de suffrages.
Léon Razafitrimo