GRAND INTERVIEW – Antananarivo : la ville des Milles tonnes ordures
Comme l’année dernière, les responsables de l’assainissement et de l’embellissement de la Capitale de la République de Madagascar ont été maintes fois interpellés à cause de l’amoncellement des ordures. Cette année encore, plus précisément depuis le début du dernier trimestre, les nombreux bacs à ordures d’Antananarivo sont tous débordés. En parallèle, le Service Autonome de la Maintenance de la Ville d’Antananarivo (Samva) actuellement dirigé par Andrianarisoa Serge Ratsimbazafy est dépassé par la situation. Les personnes proches du dossier évoquent tous un problème technique même si cela s’apparente clairement à un budget de fonctionnement insuffisant ou inexistant.
Interview de Max Rostand
Le chef du service assainissement du Samva a bien voulu répondre à quelques questions avant de se préparer à une visite de la décharge d’Andralanitra avec des représentants de la Banque Mondiale.
Madagascar Matin : Depuis plusieurs semaines, les ordures ménagères continuent de se tasser dans la majorité des quartiers de la Capitale tandis que les ramassages ne sont plus vraiment réguliers, pourquoi Antananarivo est actuellement dans cet état ?
Max Rostand : La difficulté pour le Samva repose essentiellement aujourd’hui sur un problème d’organisation financière relatif au suivi des procédures et au respect des délais pour que le Samva obtienne des fonds pour fonctionner. Depuis le mois d’Avril, des prestataires de services travaillaient en collaboration avec le Samva et 30 camions ont été mobilisés pour les ramassages. Actuellement, ce nombre doit être revu à la hausse compte tenu du fait que le volume des ordures ménagères augmente considérablement durant le dernier trimestre de l’année.
MM : Mais le fait est, qu’à l’instant même, plusieurs axes de la capitale sont jonchés d’ordures ménagères dans la mesure où un retard d’un jour ou plus sur le programme de ramassage occasionne naturellement l’augmentation du travail. Pourtant, le volume des ordures dépasse largement celui que le camion peut transporter.
MR : Encore une fois, je tiens à souligner qu’il s’agit ici d’une conséquence du suivi des procédures relatives au financement de la Samva. La majorité des citoyens est en droit de savoir que notre service fonctionne essentiellement grâce aux Rom, Redevances d’Ordures Ménagères auprès de la Commune et à une subvention de l’Etat. C’est le déblocage effectif de ces fonds qui nous ramènent donc à la question des procédures. Il n’y a pas réellement de blocage mais le temps que les documents passent sous les yeux des responsables de la Commune Urbaine d’Antananarivo, du ministère de tutelle et du Trésor Public, les ordures continuent de s’entasser.
MM : Les premiers responsables du Samva n’ont-ils pas prévu ce schéma pour ne pas trouver d’autres solutions ?
MR : Quand le Samva possède tous les moyens nécessaires, que ce soit financier ou technique, il peut assurer correctement le ramassage des ordures et je tiens à rappeler que ce fut le cas depuis le mois d’avril au mois d’octobre. Mais aujourd’hui, ce n’est certes pas la réalité, il faut souligner que les volumes des ordures ménagères ont sérieusement augmenté. S’il est de 1200 tonnes par jour lors de la saison sèche, il est passé à près de 2000 tonnes par jour, ce qui pose certainement un problème au niveau des ramassages. De plus, seulement 12 à 15 camions sont mobilisés et travaillent 24H/24. Le Samva a un vrai problème au niveau de sa trésorerie quoique le programme pour nettoyer la ville d’Antananarivo soit déjà disponible. Tout ça a été prévisible mais chaque année, cela se rapporte toujours à un problème d’argent, notamment au niveau des Rom, incluses dans l’impôt foncier sur la propriété bâtie. A partir du mois d’octobre, les impôts collectés diminuent considérablement à cause des diverses priorités de la majorité des ménages, raison pour laquelle la situation exceptionnelle et le cas d’urgence ont été prononcés pour Antananarivo. Le gouvernement nous a octroyé une subvention pour fonctionner en attendant le déblocage de tous les fonds.
M.M : Pourtant, la réalité est tout autre et les ordures continuent de prendre de la hauteur. Les camions de ramassage doivent revenir à un point plusieurs fois avant que celui-ci ne sont complètement vidé. Le ramassage n’est pas régulier et la population continue entre temps de se débarrasser de leurs ordures.
MR : Ces points sont appelés des points noirs et ils en existent à peu près une vingtaine dans la Commune Urbaine d’Antananarivo. Dans certains quartiers, il faudrait au moins 40 voyages aux camions de ramassage pour transporter un seul tas d’ordures. Si le Samva obtient le financement nécessaire pour fonctionner, la Ville d’Antananarivo sera propre pendant 4 ou 5 mois et tous les points noirs seront nettoyés mais encore une fois, je rappelle que tout cela est dû à des procédures à suivre. Toutefois, il faut également inviter la population à prendre ses responsabilités concernant la propreté de la Ville pour la simple raison qu’elle est la source de toutes ces ordures. Selon les estimations du Samva, 500 000 personnes sont quotidiennement de passage dans la Commune Urbaine d’Antananarivo et ce sont eux qui salissent le plus et pourtant ils ne s’acquittent pas d’impôt. Le Samva ne cesse d’interpeller les tenants du pouvoir quant à l’urgence de la situation mais le fait est qu’on en est là aujourd’hui. Toutefois, je tiens à assurer que tout sera nettoyé avant la fin de ce mois de décembre.
La capitale de Madagascar est en train de devenir une ville poubelle sous les yeux des Tananariviens et si l’on croit les paroles du chef du service assainissement du Samva, les instances responsables du déblocage des fonds de fonctionnement de ce service prennent tout leur temps.
A la recherche de personnes proches du dossier auprès de la Commune Urbaine d’Antananarivo et du ministère de l’Eau, de l’assainissement et de l’hygiène, toutes les portes se sont automatiquement fermées dès la présentation de la carte de presse aux employés de l’accueil.
Quoi qu’il en soit, aucun quartier n’est réellement épargné et Antananarivo est en train de devenir aujourd’hui la ville des Milles Ordures.
Laza Marovola