Troisième mandat !
Le continent noir a ses spécificités que le monde occidental n’arrive pas souvent ni à cerner, ni à comprendre. Ces dernières années, on n’arrêtait pas d’entendre par exemple cette volonté inébranlable de certains dirigeants africains de passer outre la loi de leur pays et de continuer, comme si de rien n’était, de le diriger malgré les deux mandats bel et bien définis dans la Constitution. Celui qui a beaucoup défrayé la chronique l’année dernière est le président burundais Pierre Nkurunziza qui a été élu pour une première fois en août 2005, puis une deuxième fois en juin 2010 et enfin une troisième fois en juillet 2015. Depuis cette dernière date, on entend chaque jour parler de ce pays au milieu de nulle part et pas du tout en bien ou encore en termes de développement et de modèle économique ou démocratique. « Nouveau week-end sanglant dans les quartiers frondeurs de Bujumbura », titrait hier la radio du monde : « Jets de grenade, tirs des policiers… les quartiers frondeurs de Bujumbura ont connu un nouveau week-end sanglant, les 9 et 10 janvier. Trois personnes au moins ont été tuées, deux policiers ont été blessés et cinq personnes ont été interpellées. Parmi les victimes de ce samedi, figurent un jeune caméraman tué par la police. Les circonstances de sa mort ne sont pas claires, ce dimanche soir. » Et que dire de ce qui s’est passé dans ce pays lors de la nuit de la saint-sylvestre où tout le monde a souhaité accueillir la nouvelle année dans la joie : « La matinée du vendredi 1er janvier 2016 a été calme après une nuit agitée dans certains quartiers de Bujumbura. Mais les quartiers contestataires de Cibitoke et Mutakura ont été encore bouclés une bonne partie de l’après-midi de vendredi, alors que le président Nkurunziza dans ses vœux se félicitait le 31 décembre que l’année 2015 se terminait «dans la paix, la sécurité et beaucoup d’allégresse». Le tout sur fond d’arrestation dans la capitale. En fin de journée, le blocus a été levé et la situation était redevenue calme. La route nationale entre Mutakura et Cibitoke fermée par des policiers. « Vous ne pouvez pas passer. Il y a des tirs », dit l’un d’eux. L’axe, juste au-dessus, l’avenue Kanyoni est elle aussi fermée, mais par des militaires. « Il y a eu une attaque à la grenade, il faut qu’on trouve qui a fait ça », explique un soldat. Derrière lui, on entend des grenades. »
Dans l’Etat voisin de Burundi, c’est la même fièvre du troisième mandat qui s’est déclaré récemment mais pour ce cas, le souhait vient de la population toute entière même. Elu par le parlement en 2000 mais au suffrage universel en 2003, puis réélu en 2010, Paul Kagamé vient de déclarer qu’il brigue un troisième mandat. Et à coup sûr, le président rwandais passera pour la simple raison qu’il est adulé par son peuple. Ce dernier a ramené son pays sur la voie du développement et le Rwanda figure actuellement parmi les nations africaines qui ont connu une paix durable et une conséquente croissance économique. Avec Paul Kagamé à la barre, il est désormais loin de le temps du génocide de 1994 et à voir la situation actuelle, beaucoup vont dire que le Rwanda a bel et bien tourné la page.
Et pour ces cas, les « vazaha » ont vraiment du mal à comprendre et préfèrent ainsi brandir les bâtons que d’aller plonger dans les méandres de la culture africaine. En 2009, le peuple malgache aussi a vécu la même histoire et pour ce choix, le pays a été mis sur le ban de l’humanité. Actuellement, Madagascar est « de retour dans le concert des Nations », spécifiait toujours la Radio du monde dans son édition du samedi 09 janvier 2016 dernier. C’est sûrement le cas de le dire mais les voies tracées et balisées par la Communauté internationale ne permettent pas d’assurer une stabilité politique à long terme afin de mener vers un développement économique réel. Madagascar vient de passer le cap des élections sénatoriales vers la fin de l’année dernière et encore une fois, les récriminations contre son organisation ne cessent de monter. C’était aussi le cas lors des élections communales et municipales du mois de juillet dernier. Les régimes de Didier Ratsiraka et de Marc Ravalomanana ont cru à leur force et à leur solidité puisque toutes les institutions ont fortement roulé pour eux alors que finalement, il n’a suffi que d’un souffle pour que tout s’écroule comme un château de cartes. En somme, avoir le Sénat à ses bottes et la Communauté internationale dans ses poches ne sont pas de conditions suffisantes pour atteindre un … troisième mandat !
Jean Luc RAHAGA