Tsiperifery ou poivre sauvage – Une filière sensible à forte potentielle
Une table ronde sur le Tsiperifery a été organisée à Antananarivo les 8 et 9 décembre 2015. L’objectif général était de renforcer les partenariats entre acteurs de la recherche, opérateurs économiques et administration, autour du thème du développement durable de la filière poivre sauvage à Madagascar. L’objectif consiste à diffuser largement les connaissances acquises et les recherches en cours sur le Tsiperifery ; mettre en discussion l’état de la filière et discuter de ses perspectives ; favoriser l’établissement de relations interpersonnelles et professionnelles entre les différents acteurs de la filière.
Les fruits identifiés comme Tsiperifery, ou sakaiala, tsimahalatsaka, sakarivonala, ou vahibe appartiennent à la famille des Piperaceae, du genre Piper. En termes de classification, cette appellation regrouperait quatre morphotypes. Toutes les plantes ne possèdent pas la même morphologie au niveau des feuilles, des fruits et des fleurs. Cette plante est dioïque, c’est-à-dire que les fleurs mâles et les fleurs femelles sont portées par des individus différents et que les individus mâles ne donnent pas de fruits, les individus femelles fructifient lorsque les fleurs sont fécondées.
Le Tsiperifery a deux modes de reproduction : sexué et asexué (par drageonnage). Les premières observations laissent à penser que le cycle phénologique (durée entre l’apparition de la fleur et l’arrivée à maturité des fruits) varie de 6 à 9 semaines. Deux pics de fructification ont été observés, en Mai-Juillet et en Octobre-Décembre. Le Tsiperifery ressemble au Piper borbonense mais il est génétiquement très éloigné. Les résultats laissent à penser que le Tsiperifery est probablement endémique de Madagascar. Il est présent dans les forêts humides orientales et centrales de Madagascar. Il a été observé du Nord au Sud dans les régions d’Antsiranana à Taolanaro, à des altitudes variant de 0 à plus 1 200m. Ces observations préliminaires restent cependant très fragmentaires et des travaux devront être conduits pour préciser l’aire de répartition des différentes espèces et estimer le stock national.
Des inventaires réalisés sur des zones exploitées et non-exploitées de Tsiperifery confirment une très forte dégradation des stocks. Sur un site exploité, l’on a recensé 241 pieds/ha dont seulement 10 pieds/ha femelles, contre respectivement 1 643 pieds/ha et 79 pieds/ha femelles sur un site faiblement exploité.
Transformation post-récolte
Lors de premiers travaux réalisés à Madagascar, deux principaux procédés post récolte ont été relevés : une voie dite « sèche » et une voie « humide », ont été mises en évidence dans les corridors forestiers de l’Ankaï et de l’Angavo. La voie sèche, qui comprend deux opérations (échaudage et étuvage) en moins, est plus aisée à mettre en œuvre et semble mieux respecter le produit que la voie humide. Les quelques analyses réalisées sur des prélèvements effectués le long des procédés ont permis de montrer une typicité des poivres sauvages malgaches vis-à-vis des caractéristiques décrites pour le piper nigrum dans la norme ISO 959-1 : des teneurs en piperine jusqu’à huit fois plus basses (0.5 vs 4 % en bs) et des teneurs en huile essentielle jusqu’à six fois plus élevées (12 vs 2% en bs).
Exploitation
Un exercice d’analyse stratégique de la filière Tsiperifery a été réalisé en trois sous groupes à l’aide de la méthode SWOT. Cette méthode vise à faire émerger et mettre en discussion les forces, faiblesses, opportunités et menaces pouvant agir sur le développement de la filière. Chaque sous-groupe comprenait des opérateurs économiques, des chercheurs et des fonctionnaires des différentes administrations concernées par la question du développement de la filière. Les résultats mettent en évidence des opportunités importantes du développement de la filière : Il est écoulé sans difficultés sur un marché de niche porteur et rémunérateur. Les fruits sont sans doute endémiques de Madagascar, possèdent des qualités reconnues et valorisées par les consommateurs : son goût, son origine, son image « produit sauvage » sont autant d’avantages concurrentiels. Il fait l’objet d’usages traditionnels portant sur plusieurs parties de la plante, ce qui permet d’envisager d’autres valorisations. Son aire de répartition est très large, les techniques de transformation sont rustiques et il est possible à terme de le mettre en culture, ce qui permet d’étendre à terme les volumes produits. Enfin, la variabilité des goûts de différents lots permet d’envisager la dissociation de différents « cépages » ou « terroirs » et différentes valorisations et/ou marchés possibles.
En revanche, un certain nombre de faiblesses sont mis en évidence : le mode de cueillette destructif provoque l’extinction des pieds femelles fructifères et la déforestation menace son habitat potentiel. L’absence de structuration de la filière limite la visibilité de l’activité et les possibilités de traçabilité, de professionnalisation et de mise en place d’une démarche qualité. La plante et son fruit sont encore méconnus. Les lacunes du cadre réglementaire limite les possibilités d’action sur cette filière.
Feuille de route « Qualité »
Un exercice mené en sous-groupe a visé à mettre en discussion les prochaines étapes d’un éventuel projet de développement d’une démarche qualité au sein de la filière Tsiperifery, en s’intéressant aux marchés export et national. La qualification et valorisation du Tsiperifery nécessitent que soient conduites des actions au niveau des exportateurs, ministères concernés et bureau des normes pour le classement du produit, sa nomenclature, sa normalisation et sa protection internationale.
La stratégie de valorisation privilégiée passe par la mise en place d’une indication géographique (valorisation d’une qualité et valorisation/protection de l’origine Madagascar) ou à défaut d’une marque collective. Cette dynamique implique que soient poursuivis au niveau des ministères les travaux sur les aspects réglementaires des IG.
La valorisation du Tsiperifery implique : de caractériser sa typicité, de faire des tests organoleptiques et analyses sensorielles, de définir le profil aromatique du produit. Il est ressorti de la discussion la nécessité de diversifier l’offre, au travers notamment la proposition d’HE. Proposition de s’orienter vers une certification/labellisation « produit sauvage ».
Il s’agira également de caractériser les facteurs qui influencent la qualité du produit (climat, terroir, espèce, maturité, procédé).
Le groupe propose la création d’une plateforme multi acteurs et la définition de règles, notamment en ce qui concerne les bonnes pratiques de cueillette et post récolte, les densités, les exigences aux diverses échelles de la filière, la définition de points critiques, plan de contrôle, … Proposition de partir sur la base de cahiers des charges Rse. Le groupe propose que soit établi un guide illustré des bonnes pratiques. Le respect du cahier des charges passe par de la sensibilisation / formation des divers acteurs, par la mise en place d’un système performant de contrôle interne et externe et par des incitations (économiques)
Recueillis par FR.