Déforestation massive !
Le trafic du bois de rose prend une telle proportion médiatique et internationale qu’on oublie l’essentiel d’un ministère justement attribué à la garde et à la défense d’une des richesses de ce pays : la forêt. Enfin ce qu’il en reste.
Le pays approche doucement de la saison fraîche, notamment en hautes terres si sur les côtes, la chaleur caractéristique de la ruée des vacanciers vers les plages sera toujours là, au grand bonheur de ceux qui ont cette chance de pouvoir se dépayser et de profiter des longs jours de farniente accompagnés de plats succulents de divers poissons de mer. Plus à l’intérieur, le feu et les pyromanes couvent et sous la fallacieuse excuse de nouvelles terres pour la culture, on va se mettre à brûler davantage parce que la culture sur brûlis est une composante importante de l’agriculture et par conséquent, de l’économie malgache. Moyen plus sûr de subvenir aux besoins nutritionnels, la pratique du « tavy » a apparemment de beaux jours devant lui et ni le ministère responsable, à savoir celui de l’Environnement, de l’écologie et des forêts, ni le ministère de l’Agriculture et de la production rurale, n’ont jusqu’ici avancé aucune stratégie commune et efficace, et d’un, pour lutter efficacement contre cette activité, et de deux, pour essayer de trouver des solutions de rechange pour la préservation du sol et des forêts.
Et l’exploitation forestière, licite ou non, continue sans que les grands de ce pays ne s’en émeuvent outre mesure. Que ou quoi dire quand l’aire protégée de Maromizaha est décimée à une allure vertigineuse : 172 hectares en 3 mois, soit une dégradation triplée en quelques mois ! C’est à croire que la population locale possède des bulldozers et rasent tout, sans distinction aucune, sur son passage. Et pourtant, cette forêt se trouve à un peu plus de 120 km de la Capitale de Madagascar sur la Route nationale n°2, celle que tous empruntent pour aller retrouver un brin d’air marin, Vatomandry ou Toamasina au choix et qu’il ne faut pas plus d’une heure et demi de route pour les grosses 4×4 V8 de nos ministres. Le calcul des experts environnementaux parle de seulement trois années pour vider de ses arbres, ses babakoto et indri-indri, et autres oiseaux endémiques, les 1800 hectares composant l’aire protégée.
Bien sûr, on peut toujours se cacher derrière l’autre fallacieuse excuse de production de combustible et de charbon de bois pour les usages domestiques. La bouteille de gaz, même les 4kg, reste hors de portée des 92% des malgaches vivant en-dessous du seuil de pauvreté, d’autant qu’il faut compter sur une très grande campagne de communication pour que l’idée puisse faire son chemin dans la mentalité des populations. Les opérateurs de « kitay menaka» et de charbons de bois ont eux aussi, de beaux jours devant eux puisque de ce côté, il n’y a aussi rien à attendre de la part de nos dirigeants. Malgré la rareté du charbon de bois en bois eucalyptus sp ou « kininina », et donc sur le marché, il n’y a pratiquement que des charbons de bois de pinus ou sapin, de mimosa, de tamarindus indica ou « voamadilo », et d’erica sp ou « anjavidy » dont la consommation ne cesse de s’accroître chaque année.
Mais on ne peut pas seulement se cacher derrière ces causes habituelles puisque les dernières décisions étatiques ont contribué grandement à la dégradation de l’environnement de Madagascar et malgré le plan national d’action environnementale, la politique forestière gouvernementale, les programmes environnementaux 1, 2, 3 et le dernier fonds additionnel du PE3, on ne peut que constater que la forêt se retire de plus en plus loin de l’habitat du malgache. Y ajouter la validation des permis environnementaux des grands projets miniers de la dernière décennie, il est normal de prévoir que d’ici peu, Madagascar n’aura plus de forêts et les babakoto et indri-indri, et autres oiseaux endémiques vivront avec les citadins. D’ailleurs, en matière de besoin d’énergie domestique, nous sommes dans la phase d’essai de la transformation de nos matières fécales et des jacinthes d’eau du marais Masay en combustibles ! C’est peut-être la piste qu’il faut explorer pour qu’on puisse épargner nos forêts primaires et secondaires.
Jean Luc RAHAGA