Payer pour déféquer !
Madagascar enregistre une perte de 50 millions de dollars due à la défécation à l’air libre. L’information est quand même un peu grosse pour être … avalée facilement et beaucoup se demandent pourquoi ne l’a-t-on pas sorti avant d’obtenir un quelconque financement venant d’un fonds mondial presque inconnu des citoyens de ce pays. Les détails de cette nouvelle nous apprennent que de 2010 à 2014, les habitants de 10 000 villages ne font plus leurs besoins naturels dans le milieu …naturel de Madagascar tel que Dieu nous l’a créé. Bien sûr, la question qui vient à l’esprit est le nombre exact de villages mais il n’y a pas que des villages dans tout le pays. Il y a surtout des villes et vu le nombre de députés à l’Assemblée nationale, les 140 villes contiennent plus de 17 000 fokontany et par conséquent, on peut aisément faire un calcul approximatif du nombre de villages. Et c’est le Fonds d’appui pour l’assainissement, pour Madagascar, qui gère le fonds additionnel de 5 millions de dollars US obtenu du Fonds mondial pour l’assainissement avec un objectif d’atteindre 18 000 villages d’ici 2018. A bien comprendre donc, ce programme s’occupe surtout du milieu rural, là où il y a plus d’espaces et où les matières premières pour une construction de toilettes ne nécessitent pas d’énormes moyens. Mais surtout, là où il y a peu d’habitants par rapport aux villes et grandes villes où le mètre carré vaut de l’or tout en tenant compte d’un complexe canaux d’évacuation d’eaux usées et eaux de pluie, et autres tuyauteries souterraines pour l’eau potable, pour l’accès à l’internet avec le fameux fibre optique et pour le téléphone fixe. Tout ça se trouve effectivement à quelques mètres sous nos pieds et subit chaque seconde du jour et de la nuit des pressions venant des camions de transport de marchandises, des taxibe, des véhicules légers, des piétons, et des marchands illicites. Ce financement additionnel sera destiné surtout aux villages des Régions d’Anosy, d’Androy, de Betsiboka, d’Atsimo Atsinanana, d’Ihorombe, de Sava, de Melaky et et de Bongolava. La Région d’Analamanga sera donc la plus grande oubliée du programme alors que dans la ville d’Antananarivo, on est actuellement au stade des WC communautaires pour 8 à 10 foyers. Les sanitaires utilisés dans les vieilles maisons de l’Emyrne sont dans un état plus que pitoyable et la plus grande partie des ménages font face à des « toilettes non-améliorées » (terme de l’OMS) qui ne permettent pas de garantir une hygiène suffisante et de contenir la propagation des maladies. Les « toilettes suspendues » (autre terme de l’OMS) utilisant les cours d’eau, même le Canal d’Andriantany et autre canal ouvert, sont constatées dans les fokontany riverains de l’Ikopa et de Sisaony si le phénomène des « toilettes volantes » est en nette progression. Cette dernière option est enregistrée dans les bas-quartiers de la ville d’Antananarivo et surtout dans les quartiers où les sans-abris et sans domicile fixe squattent les ruelles et escaliers, et où les bidonvilles sont formées. Il s’agit de mettre dans des sachets en plastique les excréments et de les lancer au petit bonheur pendant la nuit ou au tout petit matin. Et bien sûr, cela crée énormément de crises et frustration lorsqu’on découvre dans sa cour, devant son portail ou sa porte, ou encore dans ses pots de fleur des immondices puisque le sachet en plastique en question n’est en P.E.T pour qu’il ne s’éclate pas après la pression d’une chute. Et même s’il ne s’éclate pas, il y a aussi le risque que le sachet … s’éclate entre vos mains au moment du ramassage ! Nettoyer la cour, le portail ou la porte et les pots de fleur nécessite bien quelques dollars US, le temps n’est-il pas de l’argent ? De même que la propreté.
Multiplier ce problème du quartier d’Ambalavao Isotry au nombre de fokontany, au nombre de la population permanente, 2 millions d’habitants, et à celui de personnes entrant dans la ville d’Antananarivo chaque jour, à savoir plus de 1,5 million de personnes, on comprend de suite que la plus grande ville de Madagascar a besoin de financement pour éradiquer le problème et ses autres formes de présentation. C’est même vital et parler de pays modèle SADL (sans défécation à l’air libre) pour l’Afrique, ne sert que pour la frime et passer à la télé, sans que cela passe par la promotion de l’hygiène dans les villes. Mais le pari est difficile à tenir, d’où sûrement le choix du milieu rural.
Jean Luc RAHAGA