Andry Raodina – « Il faut une volonté collective pour améliorer la culture politique »
Faire de la politique est devenu un moyen facile pour s’enrichir et pour avoir du pouvoir. C’est effectivement l’image qu’on donne actuellement aux politiciens : des personnes qui se soucient peu de l’intérêt public, qui se servent des autres pour parvenir à leur fin, et qui n’ont aucune honte à trahir pour atteindre un objectif. Nombreux ont parlé de refondation, de renouvellement de la pratique politique mais ce n’est que du baratin. Les citoyens ont de moins en moins confiance et si la nouvelle génération essaie aujourd’hui d’améliorer cette image, on sait que les efforts à faire sont colossaux. Certains jeunes poursuivent des formations touchant ce domaine de la politique afin d’apporter une nouvelle vision. En attendant la révolution, les dinosaures et les loups à dents longues occupent le maximum de places et osent donner des leçons de patriotisme. Pour Andry Raodina, enseignant en communication politique auprès de l’Institut d’études politiques de Madagascar, l’espoir n’est pas perdu mais il faut une volonté collective permettant de changer le système. Interview.
Madagascar Matin : Comment trouvez-vous la pratique politique à Madagascar ?
Andry Raodina : A Madagascar, les partis politiques fleurissent à grande vitesse et c’est un aspect reflétant la non-maitrise du sens du mot politique et celui du parti politique. Par définition, un parti politique est une association rassemblant des citoyens unis par une idéologie commune dont ils cherchent la réalisation avec comme objectif la conquête et l’exercice du pouvoir. C’est donc une organisation au service d’une idée. A Madagascar, c’est plutôt un groupe de citoyens dirigés souvent par son fondateur qui estime être le maître de tout sans que les autres membres puissent faire part de leurs idées. Et c’est d’ailleurs la raison du retrait de certains militants qui veulent mettre en valeur leurs opinions.
M.M : Comment peut-on faire évoluer la situation ?
Andry Raodina : La première action qu’un parti politique devrait réaliser, est par la suite la fomation des citoyens. C’est le seul moyen permettant de changer la mauvaise pratique politique constatée actuellement. Un parti doit obligatoirement disposer d’un projet de société, ce qui est rarement le cas à Madagascar. Les grands partis politiques à Madagascar n’ont jamais fait part de leur projet, pour ne pas dire qu’ils n’en disposent pas. Encore une fois, la réalité montre que la population se laisse duper par le populisme et voilà pourquoi il est important de renforcer l’éducation citoyenne. L’Institut d’études politiques (Iep), en collaboration avec le ministère de l’éducation nationale, se lance dans la formation de formateurs dont le but est d’améliorer la conception de la vie politique par des élèves de la classe de seconde. Nous estimons qu’à ce niveau, il est encore plus facile de les orienter et ce qui n’est pas le cas des universitaires. Par ailleurs, il faut aussi prendre en considération les facteurs externes pouvant également apporter des changements dont la pression de la mondialisation, celle de la communauté internationale et de la société même.
Il est ainsi important de comprendre que la politique se construit en équipe. Madagascar traverse actuellement une crise de représentation et les élus ont tendance à vouloir tout diriger en oubliant parfois qu’ils sont redevables tout d’abord à leur parti politique d’origine et à leurs électeurs. Pour chaque prise de décision, ils doivent consulter les deux parties évoquées supra.
M.M : Comment la société pourrait-elle y contribuer ?
Andry Raodina : Il faut une conscience collective afin de faire valoir une idée commune. Mais pour éviter les descentes dans les rues, les dirigeants doivent libérer les espaces publiques. La population a besoin d’être entendu et je pense que pour mettre fin à la mauvaise pratique politique, elle se doit d’agir en unissant ses forces. Nous essayons d’apprendre aux étudiants et aux bénéficiaires de ces formations qu’il est de leur responsabilité d’intervenir quand tout va mal.
M.M : Vous formez les « élites » de demain dans votre institut. Que peut-on attendre d’eux ?
Andry Raodina : On parle souvent de refondation sans connaitre son vrai sens ainsi que le chemin qui y mène. Les filières proposées au sein de l’institut dont les affaires publiques, l’économie et finances, la relation internationale et la communication politique sont des points essentiels pour sa mettre en œuvre. Ceux bénéficiant de ces formations seront des acteurs potentiels pouvant contribuer à l’amélioration de la culture politique. Tout au long de leur cursus, nous leurs avons appris qu’il faut une conviction et être responsable tout en respectant l’éthique et la valeur de la politique pour réussir. Ils doivent être convaincus de leurs idées et savoir convaincre tout en restant au service des autres.
Ralambomamy