Citoyens de seconde zone !
Il est prouvé actuellement que l’Etat ne peut plus assurer la sécurité de la population et de ses biens et chaque matin, les faits divers d’attaque à main armée, de vols suivis de viols et/ou de violence font la « Une » des quotidiens de la place si tous les soirs, les journaux télévisés en sont inondés. Carrément et c’est devenu le clou du JT. Très rarement, il arrive que les faits de société manquent ce rendez-vous journalier avec les journalistes et le JT a un goût fade. De nombreux reporters sont devenus des spécialistes de ce volet si pour la presse écrite, on lui attribue au minimum une page entière pour la version française et une autre en langue malgache. La notoriété de certains titres est basée sur la rubrique faits divers et sur leurs 8 ou 16 pages, les trois quarts sont consacrés uniquement à des nouvelles sanglantes et macabres. En somme, plus elles sont saignantes, plus la vente augmente. Voilà une des conséquences de la stratégie d’infantilisation du peuple adoptée par les régimes qui se sont succédé mais en même temps, c’est l’un des moyens utilisés pour atteindre cet objectif. Mais bien sûr, il existe toujours les exceptions qui confirment les règles : les chaînes publiques ne rapportent dans leur JT ou JP (journal parlé) que les nouvelles de l’Etat, plus exactement, celles concernant la présidence de la République, le gouvernement et les différents ministères. Comme son nom l’indique, la voix de son maître ne peut faire autrement au risque d’être radiés de la fonction publique pour les journalistes qui y travaillent. Eux aussi donc vivent dans la terreur permanente de se retrouver au chômage ou au mieux affectés dans les régions lointaines pour ne rapporter que les … activités des malaso.
L’insécurité est partout et pour tout. Il n’y a pas un lambeau de fokontany où l’insécurité ne sévit pas et la population apprend la géographie de Madagascar à travers l’énumération des noms des fokontany, des communes, des régions et des provinces. Une émission télévisuelle d’une chaîne privée de la Capitale a montré que le village d’Andranondambo est plus connu des élèves de niveau primaire que le nom de l’actuel Premier ministre ! Mais l’insécurité à Madagascar ne se limite pas uniquement aux actes de violence et barbarie, elle s’étend sur tous les domaines : alimentaire, routière, sanitaire, …, et même confessionnelle ou encore celle de la souveraineté nationale. Si on commence par cette dernière, Analakely a été pendant deux jours le théâtre de manifestation d’hostilités envers les étrangers. Avant-hier, un vazaha dédaigneux et mal élevé s’est mis à engueuler tous ceux qui ont la peau plus bronzée que lui mais aussi à taper un policier. Résultat : la foule a failli le lyncher et à brûler son beau joujou de 4×4 de marque Toyota si les forces de l’ordre, toujours en nombre, n’étaient pas venues l’évacuer du site en vitesse. On se rappelle aussi de cet Américain qui s’est permis d’envoyer un coup de « gyaku zuki » au plus tout jeune, 60 ans, chef du protocole de la présidence de la délégation spéciale de la ville d’Antananarivo. Le coup a envoyé ce dernier proche des cieux puisque le chef du protocole a perdu connaissance durant un long moment et a été longtemps hospitalisé. La scène s’est déroulée à la sortie d’un salon de thé en plein centre ville et les badauds se sont formés en quelques secondes pour aller donner une leçon … définitive à cet étranger ainsi qu’à sa famille ! Heureusement pour tous, et encore une fois, les forces de l’ordre sont vite arrivées. Face à ces humiliations, la population a réagi d’autant qu’elle a le sentiment que l’Etat malgache se fout éperdument de la protection de ses ressortissants. L’exemple souvent pris est le cas de l’installation de la société Gastro Pizza à l’Île Maurice qui, après avoir subi mille et une vexations de la part du peuple et des autorités mauriciennes, a été expulsée de ce pays. A l’étranger donc, aucune mesure de soutien n’est donné aux malgaches si dans son propre pays, le régime offre des traitements de faveur aux étrangers. A croire que le régime en place a déjà vendu son âme au … ! En tout cas, il ne faut pas s’étonner de ces élans de solidarité de la population qui, dans sa misère, n’a jamais oublié et renié les valeurs qui ont fait de ce pays une Nation « toujours debout », comme le dit si bien un texte appris par cœur durant la révolution socialiste : « Madagasikara tsy mandohalika ». Mais on ne sera pas non plus étonné de la rapidité des interventions des forces de l’ordre qui, en quelques secondes, se frayent un passage au milieu de l’embouteillage et de la foule, et arrivent à l’endroit exact de l’échauffourée. En réalité, Antananarivo et par extension, Madagascar, est bien quadrillé depuis longtemps et si les forces de l’ordre veulent bien intervenir sur une difficulté, il ne leur faut que juste un peu de temps. Seulement, les problèmes du peuple malgache n’intéressent ni l’Etat et ni la Communauté internationale. Ce sont des citoyens de seconde zone pour eux !
Jean Luc RAHAGA