Développement territorial et inclusion spatiale – Facteurs déterminants pour la croissance
La géographie économique de Madagascar est caractérisée par une double disparité entre villes et milieu rural d’une part, et entre les régions d’autre part. Cette situation est illustrée par des opportunités économiques et des dotations inégales dans les infrastructures économiques et en matière d’accès aux services sociaux de base d’après l’economic african outloook.
L’urbanisation prend place progressivement à Madagascar, longtemps considéré comme un pays essentiellement rural et à vocation agricole. En effet, selon une étude de la Banque mondiale, près d’un tiers de la population malgache vit aujourd’hui dans les villes dont plus de la moitié autour de la Commune urbaine d’Antananarivo, la capitale. Avec l’urbanisation croissante du pays, les centres urbains concentrent presque toutes les grandes entreprises du pays et génèrent les deux tiers de la richesse nationale, alors que les deux tiers de la force du travail se trouvent dans les campagnes. Les écarts de développement entre milieux urbain et rural continuent à se creuser. Ainsi, le taux d’accès à l’électricité en 2013 était de 57.6% en milieu urbain, contre 4.7% en milieu rural. Selon l’ENSOMD (Enquête nationale sur le suivi des objectifs du millénaire pour le développement) 2012-2013, 77.4 % de la population utilisaient une source d’eau potable améliorée en ville, contre 17.7% en milieu rural, et 24.7% de la population utilisaient des infrastructures d’assainissement améliorées en ville, contre 3.6 % en milieu rural. Selon la même enquête, près de 38% de la population étaient « sans instruction » en milieu rural, contre 10% en ville. D’une façon générale, le secteur rural, qui représente 75% de la population totale, se caractérise par sa faible performance (26% de contribution au PIB), de sorte que la production agricole est encore insuffisante pour répondre aux besoins alimentaires de la population rurale et urbaine.
En matière de transport routier, Madagascar reste loin des normes africaines, et les routes desservant les zones rurales sont en général en mauvais état. La densité du réseau national est de 9 km/km², contre une moyenne de 35 km/km² en Afrique subsaharienne et de 135 km/km² en Afrique du Nord. Toutefois, des efforts ont été faits pour développer les infrastructures portuaires et aéroportuaires afin de mieux connecter les régions entre elles, de faciliter les échanges internes et avec l’extérieur, ainsi que de développer le tourisme. Pour sa part, le secteur des télécommunications connaît une expansion rapide, ce qui permet de couvrir aujourd’hui l’ensemble des districts du pays.
Au titre des disparités régionales, la Région la plus développée est celle d’Analamanga, avec Antananarivo comme chef-lieu. Elle concentre 12.7% de la population nationale, avec une densité de 138 habitants au km², et renferme une gamme variée de potentialités économiques dans l’agriculture, l’artisanat, le tourisme, l’industrie, le commerce et les services financiers. Le taux de pauvreté était de 47%, dans cette ville, par rapport à une moyenne nationale de 71.5% en 2012. Comme toutes les grandes villes africaines, Antananarivo est cependant confrontée au développement de bidonvilles et à des problèmes de mobilité, liés à la forte concentration humaine et au faible développement des infrastructures de transport.
A l’inverse d’Analamanga, la Région Androy, dans l’extrême sud de Madagascar, est la moins développée et la plus pauvre, avec un taux de pauvreté de 94.4%. Elle concentre 3.4% de la population nationale et dispose de peu d’infrastructures socio-économiques. L’irrégularité des pluies, en raison de son climat semi-aride, engendre un problème chronique de disponibilité et d’accessibilité en eau, ce qui affecte également la capacité de production agricole de la région, entraînant des épisodes récurrents de maladies, d’insécurité alimentaire chronique et d’exode vers d’autres régions du pays.
Tensions
Madagascar n’est pas à l’abri des tensions spatiales liées aux lignes de fracture entre milieu urbain et périphérie, même s’il n’a jamais connu de violence à grande échelle depuis son indépendance en 1960, et ce, malgré les crises politiques récurrentes. L’étude Peace and conflict impact assessment (PCIA), réalisée par le Centre d’études sur les conflits, le développement et la paix (CCDP), a identifié trois lignes de fracture affectant la société malgache : i) la division entre une culture orale de l’autorité et les écrits de l’administration étatique ; ii) la disjonction entre les centres économiques et la périphérie ; iii) la séparation concomitante entre une élite principalement urbaine et des régions rurales défavorisées. Ces lignes de fracture sont associées à une série de catalyseurs de conflits, au rang desquels l’exclusion sociale et la déresponsabilisation, un manque de capacité au niveau du gouvernement local et l’état disparate du secteur de la sécurité. Les inégalités qui en résultent entre le centre et la périphérie, entre la production industrielle et l’agriculture de subsistance, constitueraient les principales causes de la hausse du taux de criminalité et de l’insécurité. La recrudescence du phénomène « dahalo » dans le sud du pays en est une parfaite illustration. Malgré l’existence de ces lignes de fracture, il existe peu de débat national sur la dynamique de développement régional ou encore sur les inégalités territoriales, en particulier les risques liés à la croissance incontrôlée de la capitale, aux migrations internes, à l’accessibilité des zones enclavées, à l’absence d’opportunités dans les zones rurales et aux tensions régionales dues aux problèmes sociopolitiques. Il en est de même pour les défis liés aux tendances de la croissance démographique et du changement climatique. Des débats importants existent cependant sur les inégalités entre zone urbaine et celle rurale en termes d’accès aux services essentiels, d’épuisement des ressources naturelles, d’accès à la terre dans les zones rurales et aux ressources naturelles, mais aucune stratégie à long terme n’a à ce jour été mise en place pour prendre en charge ces questions essentielles. Des politiques publiques ciblant le développement régional et l’aménagement du territoire sont en place ou en cours d’élaboration. Leur mise en œuvre devrait permettre de réduire progressivement les disparités entre les régions et les tensions entre villes et campagnes.
Madagascar dispose ainsi d’un Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT), élaboré en 2008 et mis à jour en 2012, qui a servi à la définition d’un Schéma national des orientations sectorielles et transversales « Vision 10 ans », ainsi qu’à la détermination de onze espaces de croissance. Sur le plan régional, un tiers des régions du pays dispose de Schémas régionaux d’aménagement de territoire (SRAT). Certains organismes rattachés au ministère en charge de l’Aménagement du territoire sont opérationnels et s’occupent de domaines spécifiques tels que le foncier, l’urbanisme, la cartographie, l’assainissement, l’habitat et les logements. Le respect des engagements du gouvernement en matière d’aménagement du territoire et de décentralisation devraient permettre, s’ils sont bien mis en œuvre, de réduire progressivement les disparités entre les régions et les tensions entre villes et campagnes. Il faut noter que l’inclusion spatiale est surtout prise en charge par des politiques sectorielles dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau potable et d’assainissement, certains programmes et projets ciblant les régions les plus défavorisées du pays.
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