Frère Fazio S.J – Le coup de gueule d’un dévoué aux pauvres !
Les anciens « semigany » – anciens du Collège Saint-Michel d’Amparibe – se rappellent de « Da-Fazy », le gros frère italien qui parlait si bien la langue malgache et qui chausse du … scoubidou! En ces temps-là, on se souvient qu’il a consacré tout son temps aux jeunes mais après de très nombreuses années sans nouvelles de lui, on sait qu’il s’occupe des pauvres dans les Régions d’Ihorombe et de la Haute-Matsiatra. Actuellement, il est très remonté contre les aberrations et autres c….ries faites par certains dirigeants de ce régime.
FI. MPI. VA
FIkambanana MPItondra Vahoaka Ambanivohitra
Fandàna, le 25 Avril 2016
A
Monsieur Jean Luc RAHAGA
Directeur de la publication « MATIN »
Merci pour votre article du 07 mars, page N°05, où vous souleviez le problème de la santé et de l’éducation.
Je me permets de me présenter, je suis le Frère Fazio, ayant passé 25 ans au collège Saint Michel (1960-1985). Bon souvenir avec la fondation de l’A.S.Saint Michel, puis 15 ans au collège saint François Xavier Fianarantsoa (1985 – 2000) avec la fondation de l’A.S.F.X. En tout, voilà quarante années au service des jeunes : enseignement et éducation des activités saines pour les Jeunes : le Sport.
Etant de grands amis R.Père Pedro et moi, nous fîmes un choix pour le social auprès des pauvres. Lui sur Tananarive qu’il fonda l’ « AKAMASOA », moi à Fianarantsoa avec le FI.MPI.VA et j’avais commencé par les « mpitatitra Varamba » en 1993, tout en étant au collège Saint François Xavier comme préfet des Etudes du 1er Cycle (6ème – 3ème) et Econome. Donc 40 années au service de jeunes et 7 années pour le social auprès des plus démunis à Fianarantsoa. On décida, pour les volontaires un retour à la terre, se convertir en paysans. Cette opération de la Migration « Exode Urbain » , sortir des villes et des environs les
« sans travail », donc chômeurs, ceux qui dormaient sur les trottoirs, sous des plastiques, vivant au jour le jour avec ce qu’ils pouvaient trouver pour manger avec femme et enfants, fut possible avec la compréhension du Président Didier Ratsiraka qui fit mettre à notre disposition 9.500ha de « terrain nu pour l’implantation des migrants » dans le district d’Ihosy. Personnellement, il s’engagea avec 200 tonnes de riz et 50 millions de Fmg pour démarrer la Migration « Exode Urbain ».
Le contrat avec la D.A.M ( Direction d’appui à la migration ) stipulait que le FI.MPI.VA devait installer les migrants, construire les villages, prévoir le social à savoir, Ecole, santé, Eglise mais tout aux frais du FI.MPI.VA. Grâce à tous les bienfaiteurs de Turin, Rome, on commença par les infrastructures et à recevoir en moyenne 50 familles par an. On avançait doucement et concrètement avec les réalités sur terrain et le « Centre FANDANA » est né. Actuellement, on est arrivé à 7500 âmes, même si Fandana se trouve dans une zone enclavée dans un rayon de 80km autour duquel aucune infrastructure ni scolaire ni sanitaire n’est recensée.
Santé : On a pu ériger en pleine brousse une polyclinique équipée de bloc opératoire, laboratoire d’analyses, radiologie, mammographie, échographie, maternité, dentisterie et les urgences 24h/24h.
Ecole : Un lycée d’enseignement général se trouve sur place allant de la maternelle jusqu’en terminale. L’école compte plus de 1 000 élèves au « Centre FANDANA » avec un pensionnat au nombre de 300 élèves car dans le rayon déjà cité plus haut il n’y a aucune école. Ces 300 élèves pensionnaires constituent la capacité maximale d’accueil, mais de nombreux parents voulaient scolariser leurs enfants et puis il fallait les encourager.
Bref, on était dans un cadre d’ambiance familiale tout en assurant aux personnels leurs droits, CNaPS, IRSA, …..
Depuis deux ans, tout a changé
Santé : J’avais envoyé au ministère de la Santé et à son Excellence, le Premier ministre, la liste de huit personnes travaillant à la polyclinique : Médecin et Paramédicaux, en les suppliant de ne pas les affecter ailleurs car ils avaient signé un contrat de travail et étaient rémunérés par le FI.MPI.VA.
Ne pas décomposer l’équipe du personnel soignant, car celle-ci est bien soudée, dévouée et apte pour l’accueil des malades en brousse. Car en brousse, zone enclavée jusqu’à Morarano à 100km à l’ouest de Fandana et les sept Fokontany des alentours, on arrive à la polyclinique à pied, en charrettes, en filanjana ou tout simplement dans une couverture pour se faire soigner. On fait face à des maladies de toutes sortes, entre autres, la tuberculose, des accouchements difficiles donc par césarienne, etc. …Mais comme il n’y a qu’une seule faculté de Médecine, tous les sortants sont donc destinés à être fonctionnaires, d’où la demande du ministère. Au final, sur les huit personnes de l’équipe mentionnée, il n’en reste plus qu’une seule .Et on a dû se rabattre sur des médecins retraités, des paramédicaux libres mais on est toujours sans chirurgien car les exigences financières des chirurgiens sont astronomiques. Car même si à l’ouverture de la polyclinique, le ministère avait exigé que les traitements soient payants, nous avons décidé d’appliquer un tarif participatif avec la pauvreté de la grande majorité des malades, et de toute façon, on soigne d’abord, après on voit ce que les malades peuvent offrir. Voilà la situation de Fandana. A noter que les pauvres n’ont aucun moyen de payer, même pas les frais pour le taxi-brousse.
Les riches peuvent se faire soigner dans des grands hôpitaux et aller même se faire soigner à l’étranger. Quand on voit arriver les tuberculeux, c’est hallucinant. Le malade est toujours accompagné de 5 ou 6 membres de la famille. Le malade est à hospitaliser et les médicaments se trouvent à Ihosy mais il faut nourrir tout ce beau monde pendant trois mois, et ce n’est qu’un exemple.
Ecole : La situation n’est pas meilleure, on compte 28
enseignants, plus le personnel d’appui. Pour la 2ème année consécutive : augmentation de salaire avec rappel. En 2015, une note circulaire avec les barèmes des augmentations de salaires est arrivée le 05 mai. Le rappel des salaires devrait être appliqué à partir de janvier de la même année (salaire et CNaPS), selon la note.
Cette année, une autre note circulaire a été expédiée le 07 avril 2016 et est arrivée le 18 avril avec rappel à partir du 17 février. Nous avons demandé des explications mais on nous a dit qu’il n’y a rien à faire puisque c’est la loi, le code du travail et d’autres baratins de ce genre. Pire, on nous dit que l’année va du 1er janvier au 31 décembre. Mon Dieu, est-ce possible que les écoles privées même en pleine brousse soient comparées à des usines ? « ORINASA LUCRATIF » ? Les écoles n’ouvrent pas au 1er janvier mais au début du mois d’octobre et les inscriptions se font aux mois d’août et de septembre. C’est à ce moment que les parents sont informés pour les écolages de l’année scolaire. Comment pourrons-nous faire donc avec ces rappels et où trouver l’argent pour les salaires de professeurs qui augmentent et des rappels en plus !
Déjà la direction de l’école s’arrache les cheveux pour la CNaPS et le reste car les participations aux écolages mensuels ne rentrent pratiquement pas pour la simple raison que les parents d’élèves n’ont pas d’argent. De plus, on doit leur demander une augmentation en cours d’année scolaire. Mais cela devient de la folie. Pas étonnant que la déscolarisation augmente à pas de géant. Où vont nos enfants ? En brousse et sans scolarisation, on prépare des générations de dahalo. Déjà que la plupart des jeunes ont perdu tous les repères, où vont-ils aller ? Si les centres d’éducation et d’instruction (les écoles ) sont comparés à des usines, il n’est pas étonnant que les jeunes deviennent de plus en plus ignorants et incontrôlables. Par contre, côté participation de l’Etat, c’est double zéro et même la petite contribution du FAFY, on ne l’a pas reçue depuis 2 ans.
Peut-être que par déformation professionnelle en tant qu’homme, en tant que Religieux, toucher aux malades, toucher les jeunes, ça me révolte. C’est la révolte du Frère Fazio qui, depuis 56 ans, s’est donné entièrement à la jeunesse puis aux malades.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur de la publication de MATIN, mes remerciements anticipés.
Frère Fazio S.J.
NB : Ce n’est qu’un petit constat qui pourrait être multiplié par mille ou dix mille.