Tahirimanitra Ralambomahay, Président de l’Association des chroniqueurs politique (Achropol) – « Le problème surviendra lorsque le journaliste se met à la place des politiques »
Al’approche de la journée internationale de la liberté de la presse, beaucoup se demandent encore la réalité pour ce qui est du concept. Ainsi, nous avons demandé au président de l’Achropol, Tahirimanitra Ralambomahay, mieux connu sous le nom de Lambo Tahiry, de nous faire part de ses points de vue par rapport à la situation actuelle à Madagascar.
Madagascar Matin (M.M) : L’Achropol vient de « renaître » récemment, quel sera son objectif premier ainsi que les programmes pour cette année ?
Lambo Tahiry (L.T) : L’Association des chroniqueurs politiques (Achropol) existe depuis une vingtaine d’années. Vous évoquez sa renaissance parce qu’on vient de redynamiser l’association en mettant en place un nouveau bureau. Une assemblée générale élective s’est en effet tenue au début du mois de février dernier en présence de l’équipe dirigeante précédente. Comme toute association professionnelle, l’Achropol vise et œuvre à la professionnalisation, le renforcement des capacités des journalistes de la rubrique politique et à renforcer la solidarité. Pour cette année, l’association travaille avec l’Ordre des journalistes pour l’organisation de la soirée de clôture de la célébration de la Journée internationale de la liberté de presse. Aussi, l’Achropol prévoit plusieurs conférences-débats sur la presse et la démocratie et le rôle de la presse dans la défense de la souveraineté. Et ce, en plus de plusieurs conférences respectant les règles de Chatham House selon lesquelles des journalistes et des acteurs politiques effectuent des échanges en « off » afin de faciliter l’accès à l’information.
M.M : En tant que président de l’association, comment trouvez-vous le concept « Liberté de la presse et la liberté d’expression » à Madagascar ?
L.T : En faisant un constat sur la publication des journaux et l’analyse des chroniqueurs sur les chaînes audiovisuelles, on peut dire que les journalistes et leurs organes respectifs ont une grande liberté. Et si certains frôlent la limite, d’autres la dépassent même… Notons qu’on est dans une phase de mutation. Contrairement aux dirigeants successifs, le gouvernement affiche une volonté manifeste d’actualiser le code de la communication avec comme réforme-phare la dépénalisation des délits de presse. Ce projet pourrait être un signal fort, encourageant les journalistes à travailler dans la liberté et l’indépendance. Toutefois, la liberté engendre aussi la responsabilité. Pour préserver cette liberté de la presse et la crédibilité du support, chaque journaliste et organe de presse doivent avoir une certaine code de conduite. Aussi, cette liberté de presse ne se limite pas seulement à l’exercice du métier, mais surtout au respect des fondamentaux : la déontologie et l’éthique.
M.M : Actuellement, le domaine de la presse connaît une floraison de nouveaux organes. Cela pourrait-il être interprété comme une application de la liberté de la presse à Madagascar ?
L.T : D‘une certaine manière, l’augmentation des titres et des organes de presse est la manifestation du pluralisme dans le monde des médias. C’est l’une des manifestations apparentes de la liberté de la presse. On peut conclure qu’il existe une pluralité des supports. En plus de la liberté de la presse, le foisonnement des organes de presse pousse chaque journaliste à plus de rigueur et de professionnalisme en présence d’une forte concurrence et quête de scoops.
M.M : Parlant de cela, trop d’informations ne vont-elles pas tuer les informations, d’autant plus que le marché est étriqué ?
L.T : Comme je vous l’ai indiqué tout à l`heure, le foisonnement des organes de presse comporte un risque sur la véracité des informations et sur la crédibilité de l’organe. Chaque responsable de rédaction devrait être toujours vigilant car, pour la course au scoop, certains journalistes peuvent être tentés de sauter des étapes, notamment la vérification et le recoupement. N’oublions pas que les malgaches apprécient propager des rumeurs. Je pense par contre que la pluralité des supports permet aux citoyens d’identifier les faits des commentaires. Ceux qui sont à la recherche d’informations doivent avoir parcouru les colonnes de deux ou plusieurs journaux.
M.M : D`après les observations, la presse malgache véhicule les valeurs occidentales. Etes-vous conscients du danger que cela puisse impliquer ? Lesquels en particulier pensez-vous être les plus dangereux ?
L.T : La presse est effectivement un faiseur d’opinion. C`est à travers les journaux et les chaînes audiovisuelles qu’on vulgarise des concepts, des idéologies… Il y a effectivement des dangers et l’unique parade est le bon sens de chacun. Notons en effet le rôle prépondérant de la presse écrite et audiovisuelle dans la préparation de la population américaine à l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Irak. Et ce, à travers les pseudo-révélations sur l’acquisition par Saddam Houssen d’armes de destruction massive. Jusqu’à ce jour, personne n’a trouvé la moindre trace d’armes de destruction.
M.M : Pour conclure, votre avis sur la politisation de la presse ?
L.T : En revenant sur l’histoire de Madagascar, on peut constater que la presse écrite a toujours été partisane. Les nationalistes malgaches ont toujours utilisé la presse écrite comme support de diffusion de leurs visions tant du temps du VVS, du MDRM… Dans le monde que ce soit en France et aux Etats-Unis, des titres sont catégorisés à gauche et à droite. Pourquoi en ferions-nous exception? Quoi qu’il en soit, l’important est de respecter le code d‘éthique et de déontologie. Donc du moment que le journaliste se contente de suivre la ligne éditoriale de son organe de presse, je pense qu’il n’y aura pas de problème. Le problème surviendra lorsque le journaliste devient et se met à la place des politiques.
Propos recueillis par Vahatra ny Aina