60 ans de hauts et de bas
En cette soirée d’avril 2016, nos cœurs et nos âmes rejoignent ceux du peuple rwandais qui commémore le génocide contre les Tutsi en 1994. Il est en effet de notre devoir de nous rappeler ces passages de l’histoire qui, certes, laissent des marques souvent indélébiles, mais aussi empreintes de leçon pour l’humanité entière. Il y a 22 ans de cela s’est passé au Rwanda l’une des plus grandes tragédies que l’Homme n’ait jamais connue. Pour nous rafraîchir la mémoire, à peu près un million de personnes, notamment des Tutsis mais aussi certains Hutus modérés et des Twa ont été assassinés systématiquement à partir d’avril 1994. Ces crimes ont été perpétrés pendant 100 jours. Il faut cependant souligner que les attaques contre les Tutsis ont commencé dès 1959. Selon le message du Secrétaire Général des Nations Unies, « le génocide n’est pas un acte ponctuel : c’est un processus qui se déroule dans le temps et qui se prépare ». En effet, comme chaque chose, une telle haine à l’égard d’un groupe ou d’une société ne se produit pas du jour au lendemain. Non seulement la haine est véhiculée mais elle est aussi entretenue. Dans le cas du Rwanda, les acteurs majeurs étant à l’origine de la division du peuple rwandais étaient les colonisateurs belges et l’église qui exerçait une emprise sur la société nouvellement colonisée. Peu avant l’indépendance, les divisions entre les castes se ressentaient de plus en plus. C’est en 1962, année où le pays recouvre son indépendance que le pays commence à sombrer. Le Gouvernement postcolonial continue d’entretenir les divisions qui règnent entre Hutus et Tutsis. Se produit en 1994 l’irréversible où la presque totalité des Tutsis, alors 15% de la population du Rwanda soit un million de personnes, est assassinée non pas de coup de fusil mais à coup de machette.
En cette soirée d’Avril, nous faisons le bilan de soixante années d’indépendance pour Madagascar. Si en 1959 Madagascar était la perle de l’Océan Indien et même de l’Afrique australe, il n’en est plus qu’un lointain souvenir aujourd’hui. Il y a soixante ans de cela, nos voisins proches de l’Océan Indien venaient chez nous pour puiser de nos connaissances, pour avoir accès à nos études supérieures, et le Franc malgache pouvait se tenir droit et fier devant le Franc Français. Aujourd’hui, notre jeunesse veut partir le plus tôt possible à l’étranger dans l’espoir d’un avenir meilleur, et notre monnaie n’a de cesse de se courber l’échine devant les devises étrangères. En effet, avec 90% de la population qui vit à moins de deux dollars par jour et une croissance économique à moins de 3%, tout espoir semble s’évaporer et tout effort inutile.
Mais aujourd’hui, le Rwanda est debout et avance d’un pas décidé vers l’avenir. Selon la diaspora rwandaise à Madagascar, le peuple du Rwanda a tiré des leçons de cette catastrophe. Le défi de la reconstruction était de taille. En effet, après le génocide de 1994, c’était le tissu social rwandais qui devait être rebâti ainsi qu’une nouvelle administration. En effet, comme l’administration avait contribué à la discrimination, tout devait être réformé. Et le Front Patriotique Rwandais est allé au bout de ces travaux herculéens. Aujourd’hui, selon les Nations Unies, le Rwanda est le premier pays sur 148 à satisfaire les Indices de Développement Humains et sa capitale Kigali est la septième ville la plus propre du monde.
Du chemin a été fait par le peuple rwandais ainsi que par le peuple malgache. Faire une comparaison sur les soixante dernières années que ces deux pays serait ni plus ni moins bête. Tout simplement parce qu’on ne peut pas comparer deux pays à travers leur classement dans le monde et le PIB ou autres indices économiques. Il faut comprendre que cela dépend d’un système qu’on met en place en fonction d’une analyse objective du contexte de chacun. Toutefois, des leçons peuvent et doivent être tirés de tout ceci et selon la diaspora rwandaise, cela peut se contenir en six mots : « tolérance ; respect ; réduction de l’inégalité ; l’éducation ; le défi et le pardon». Ces six mots pourraient servir de base pour Madagascar et aider à franchir le premier pas vers un changement en mieux. Il n’y a pas que l’Etat qui est en cause, la société civile, les écoles (non pas l’éducation nationale), les partis politique et même l’église sont responsables face à la réussite ou à l’échec de ce projet et chacun doit y prendre part. Il s’agit d’être conscient de la responsabilité commune de toute une société. Le message est alors lancé à tous ceux qui ressentent encore l’appartenance à la communauté malgache et dans les mots du Secrétaire Général des Nations Unies à l’occasion de la journée internationale de réflexion sur le génocide au Rwanda : « Si la capacité de commettre les pires infamies est inhérente à toute société (ndlr : piller sa propre nation) il en va de même des vertus (…) Cultivons ces qualités (…) pour aider à faire en sorte que chacun puisse vivre dans la dignité et la sécurité ». Dommage que pour l’instant, on ne peut que constater qu’après 60 ans, chacun a pris son chemin, les uns vers le haut, les autres vers le bas.
Ny Aina RAHAGA