Arme de mobilisation massive
En 1866, les premiers journaux apparaissent à Madagascar quelques années avant l’établissement du pouvoir colonial. Hier, à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la presse et donc des 150 ans d’existence des journaux dans le pays, quelques chroniqueurs ont rappelé l’importance de la presse écrite lors du processus d’insurrection contre les colons activée par des mouvements nationalistes aspirant à une indépendance. A cette époque, tous les militants possédaient un exemplaire du journal qui servait alors comme un moyen de mobilisation d’une partie de la population. En 1840, Balzac a affirmé que la presse est en France un quatrième pouvoir dans l’Etat, qu’elle attaque tout et personne ne l’attaque. Cela a été également le cas dans la Grande île quelques années après où la presse locale a clairement attaqué les colons et a été ensuite aidée par la population. Les journaux écrits, et plus généralement la presse ne porte pas le nom de Quatrième Pouvoir pour rien et c’est même la raison pour laquelle les dirigeants, du moins les dirigeants étrangers, essaient toujours de bien s’en occuper. Pourquoi ? Pour que la presse essaie toujours de véhiculer une bonne image des hommes au pouvoir mais surtout, pour que l’opinion publique leur soit favorable. L’opinion publique, dit le cinquième pouvoir, est en réalité manipulée par le quatrième pouvoir (ou aussi bien le contraire) mais dans toute cette lutte de pouvoir, le peuple est censé être souverain. Si on suit cette logique, le sort des membres des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires dépend entièrement de la presse et de la population. Cela expliquerait en partie l’attaque, le vandalisme et le cambriolage d’une station télé à Fianarantsoa qui critiquait trop le régime actuellement en place. Puisque la presse est nettement divisée en deux groupes, les hommes du pouvoir ont intérêt à ce que le groupe qui les soutient ait plus de visibilité que l’autre. Puisque la presse a le pouvoir de mobiliser une partie de la population, il ne faut pas blâmer les dirigeants s’ils souhaitent la mobiliser en leur faveur. En réalité, c’est de bonne guerre et il relève juste aux patrons de presse et aussi aux journalistes de décider de faire quoi en la faveur de qui. Les relations ne sont jamais durables parce que généralement entretenues avec de l’argent et il y va parfois de la crédibilité de certains. Le contrôle de la presse, du moins la domination dans le paysage médiatique est primordiale pour les dirigeants en place et c’est la liberté de la presse qui en prend un coup. De plus, puisque le code de la communication n’est pas encore clair, certains se sont déjà permis d’emprisonner des journalistes pour un simple délit de presse, mais certes sur le trafic de bois de rose. La presse écrite et audiovisuelle permet certainement de mobiliser une partie de la population pour un objectif précis et les dirigeants en sont conscients. Là où ils sont dépassés : la communication numérique regroupée dans le quatrième pouvoir en tant que moyen de communication servant de contre-pouvoir face aux dirigeants et autres responsables étatiques. Avec le développement des technologies et l’accès à une connexion internet, des milliers de jeunes se regroupent à travers les réseaux sociaux, domaines où les dirigeants ne semblent avoir aucune compétence réelle. Pourtant, dans certains pays africains, les députés ont présenté un projet de loi pour interdire Facebook et Twitter. Les dirigeants actuels passent visiblement à côté d’une importante quantité d’informations ou de données pouvant être collectées sur internet. Il s’agit spécifiquement de l’utilisation et la maîtrise du big data, chose ayant permis au Président américain d‘avoir été réélu. Dans son sillage, le Président français a également eu recours à la maîtrise des bases de données pour booster ses chances de mener un premier mandat. Si certains croient que la Grande île n’est pas encore prête pour la période technologique, la majorité des jeunes et donc les électeurs de demain sont accrocs aux partages, aux groupes, aux forums créant ainsi un certain rassemblement, même virtuel. En 2015, si plus de 1,5 milliards de tweet dont 10% sur la politique ont été recensés en Afrique, soit plus qu’aux USA, la participation des jeunes à des discussions concernant les dirigeants et la destruction du pays n’en serait pas des moindres. En cette année 2016, on compte des dizaines de journaux, de radios et de télés et aussi internet mais il faut croire que l’équipe de la Présidence ne connait que les travaux Himo pour mobiliser la population. Bien que ces travaux d’assainissement concernent généralement 1500 personnes à chaque opération, la position de la couche la plus vulnérable de la population varie comme la pluie et le beau temps. La présidence de la République ne doit donc pas compter sur une mobilisation en sa faveur et doit changer ses plans si elle « escompte » aller jusqu’au bout de ce premier mandat et revenir pour un deuxième.
Laza Marovola