A Madagascar, on est les rois du système D. Pour ceux qui ne savent pas vraiment ce que c’est le système D, il s’agit tout simplement de la Débrouillardise. Faire avec ce que l’on a, mener à terme un projet sans réellement de moyens conséquents. Nombre de chose chez nous dérivent du système D. Que ce soit nos vieux tongs déjà abîmés que l’on rafistole avec seulement une épingle, les claviers de nos ordinateurs usés par le temps sur lesquels on colle les lettres de l’alphabet ou même le bidouillage des moteurs de nos chers 2Cv comme le dit Erick Manana dans sa chanson « ny 2cv-ndRandria». Tous, nous avons au moins une fois eu recours à ce système D et il faut le dire, le malgache est un as lorsqu’il s’agit de trouver une alternative sans vraiment de moyens. Même dans la survie de tous les jours, plusieurs d’entre nous doivent y recourir faute d’emploi stable et de salaire décent. Une fois, on avait pu lire « si le plan A ne marche pas, ne t’inquiètes pas, l’alphabet a encore 25 autres lettres ». Et bien, c’est encore plus vrai chez nous si l’on regarde comment les gens font pour arriver au terme de leurs journées.

Ces derniers temps, il semble que nos dirigeants aussi se soient mis au système D. Faute de moyens, déjà épuisée, et d’idées, on ne sait pourquoi même si on s’était déjà posé la question du «à quoi sert … ? » (Voir Edito du 19 mai). Faute de moyens tout d’abord parce que les richesses naturelles de Madagascar sont dans la phase épuisement. Il ne reste plus que quelques tortues et caméléons, quelques kilos d’or et juste assez de bois précieux pour tenir jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Les caisses sont tellement vides que l’on a réussi à augmenter les droits d’accise de certaines sociétés malgaches de 100%. Le prix du carburant, ayant baissé de quelques dizaine d’ariary, a aussitôt fait de hausser. Certes, tout ceci est bien loin, passé de quelques semaines, mais reste une réalité. Faute de moyens ensuite parce que la majorité des partenaires et bailleurs de fonds ne font toujours pas assez confiance pour le déblocage des aides et subventions à l’Etat. En effet, les conditions ne sont pas remplies et sont loin de l’être. La bonne gouvernance, la redevabilité, la transparence, l’Etat de Droit et bien d’autres ne sont que des mots qu’on entend comme ça, sans être réellement effectifs. Et les partenaires financiers ne sont pas dupes, les malgaches ne sont pas cancres pour gober de telles sornettes. Faute d’idées, maintenant, tout simplement parce qu’on a déjà trop retourné les vestes. A tel point qu’elles ont la même teinture, de dedans comme de dehors. Il n’y a plus moyen de différencier les deux, il n’y a plus de neuf, que du vieux  recyclé et lavé à chaque fois qu’il en est besoin. Il paraît donc normal qu’à chaque fois qu’on cherche de nouvelles idées, on n’en trouve pas, parce qu’il n’y a que des vieilles têtes partout pour tout. On se retrouve dans une impasse car leurs concepts ont été utilisés des tas de fois. Et à chaque fois, le public se rappelle de plus en plus que la blague a déjà été faite auparavant, du coup, personne ne marche plus. La blague a assez duré, elle est épuisée et doit rejoindre le placard, pourrir en toute sérénité. Alors voilà comment ils en sont venus au système D. Plus aucune alternative possible et il ne reste plus que cette imagination. Une imagination productive certes, mais de choses farfelues que même un enfant trouverait idiot. Cette fois, on note une petite touche d’innovation car d’aussi loin qu’on se souvienne, on n’a jamais vu pareille chose. Les médias n’ont cessé de le relater ces derniers temps et sont même arrivés à le caricaturer. Le système D-stabilisation vient d’être créé à Madagascar. En faisant cela, ils sont arrivés en même temps à se disculper de toute responsabilité dans les maux du pays. Mais aussi, ils ont semé la peur chez les gens. Car tout le monde sait que le pays ne se relèvera pas d’une nouvelle crise, et donc tout le monde se tient tranquille en ne suivant aucun mouvement. En restant de marbre face aux injustices et inégalités qui existent dans ce pays. Ils ont réussi à faire, pour un temps, par le système déstabilisation la stabilisation et même la neutralisation.

Un petit conte amérindien rempli de sagesse disait que chaque personne avait en lui deux loups qui se livraient bataille. Le premier représentait la sérénité, l’amour et la gentillesse alors que le second était la haine, la peur et l’avidité. Un enfant avait demandé lequel des deux remportait la bataille, et le sage lui avait répondu que c’était celui que la personne nourrissait le plus. En d’autres termes, cela ne dépendait que de chaque individu et quand on nourrit la peur, la peur nous gagne. Qui sème le vent récolte la tempête. Qui use du système D-stabilisation n’aura créé en vrai que sa propre déstabilisation.

Ny Aina Rahaga