L’Humanitaire dans tous ses états
On emprunte un peu l’une des formulations type du célèbre ex-présentateur de Questions pour un Champion Julien Leperse. Que vous inspire alors cette phrase : l’humanitaire dans tous ses états ? Tout de suite, on pensera à une actualité mondiale. Le Sommet humanitaire mondial s’est ouvert ce lundi à Istanbul en Turquie et Madagascar a été représenté par une assez forte délégation. Il s’agit du premier Sommet humanitaire mondial réunissant gouvernements, organisations humanitaires, personnes touchées par les crises humanitaires et nouveaux partenaires, y compris le secteur privé. Sommet à l’initiative du Secrétaire général (Sg) des Nations Unies Ban Ki Moon, pour trouver et proposer des solutions aux défis les plus pressants et définir un programme pour l’action humanitaire dans le futur.
Plusieurs chefs d’Etat se sont succédé au pupitre pour tenir leurs discours et le pays n’était pas en reste dans cette prise de parole. Ainsi, Hery Rajaonarimampianina a pu tenir un discours devant presque les Nations du monde et il n’a pas dérogé à sa tradition. En effet, comme à l’accoutumée, le président de la République a prononcé un discours assez éloigné des réalités du pays et de son régime. A reprendre les dires de ce dernier : ses « efforts pour l’avenir se concentreront sur l’efficacité de la réponse aux besoins des populations affectées par les catastrophes (…) Madagascar est également prêt à soutenir toutes les actions qui ont pour objectif de faire respecter la dignité et les valeurs humaines, et de promouvoir la lutte contre toutes les formes de violence et atrocités commises à l’encontre de la personne humaine en violation du Droit International Humanitaire et des Droits de l’Homme ». Ces choses diffèrent complètement des vécus au pays et des agissements des forces de l’ordre qui n’hésitent pas à bafouer les droits humains. On ne se rappelle que trop les étudiants malmenés et roués de coups par les forces de l’ordre en manque de baston. En ce qui concerne la dignité humaine, on peut se demander où est passée la dignité de tous ces malgaches qui errent dans les rues dans les nuits d’hiver glacial. Ou de ces gens-là qui meurent en pleine rue après avoir fait tous les bacs à ordures de la ville jusqu’à faire plus que trois marathons en une seule journée. De ces mères de famille qui, à l’approche de la fête des mères et que la première dame ne manquera pas sûrement, voient leurs progénitures loin des bancs de l’école et donc loin d’un avenir meilleur. Durant son intervention, le Président n’a à aucun moment semblé plaider la cause malgache auprès des acteurs dans le domaine humanitaire. Pourtant, au vu de la situation qui prévaut dans le pays, et surtout dans la partie sud de l’île, il y a énormément à dire. Ce dernier s’est contenté de mentionner le cas des populations dans le sud de Madagascar. En revanche, l’appel aux bailleurs de fonds a encore une fois été lancé par Hery Rajaonarimampianina. Et ceci avec une note de remontrance à l’endroit des donateurs du fait que dans son discours, ce dernier a émis l’idée selon laquelle les aides humanitaires ne sont pas distribuées impartialement. En ses termes, « les fondamentaux en matière d’aides humanitaires notamment en ce qui concerne les pays bénéficiaires doivent être revisités et aussi pour ce qui est de la justice et de l’impartialité dans leur octroi. ». Tout en rajoutant qu’il est injuste que deux pays dans une même situation de crise et de besoins ne soient pas subventionnés à la même hauteur en termes d’aide humanitaire, surtout sur le plan financier.
Loin des fastes d’Istanbul et de la pléiade de chefs d’Etat et de décideurs mondiaux, ce petit homme vient frapper à la vitre des taxi-be tandis que dehors il crachine. Il implore et supplie pour un peu de monnaie avec à peine assez de force pour dire qu’il n’a pas mangé depuis des jours. Vous direz qu’il aurait très bien pu jouer la comédie mais dans ses yeux remplis de désespoir, de faim et son innocence d’enfant plaident en sa faveur. Alors, les « bailleurs » cette fois donneront un petit billet de trois chiffres en Ariary, la monnaie locale. Loin de pouvoir donner à ce petit homme un chèque avec six ou sept zéro, ces bailleurs là auront fait plus en une journée que toute une délégation officielle à Istanbul. Certes, ce n’est pas là la vraie définition de ce qu’est l’humanitaire, toutefois, il s’agit d’un geste humain des plus louables. Et même si on s’est fait duper et que ce petit homme avec un regard vide nous avait menti, ce geste ne nous aura pas fait de mal. Un autre geste qui n’aurait pas fait de mal aurait été celui de mentionner un peu le quotidien de ce petit homme dans cette ville où personne n’entendra plus parler de lui. Ou de son frère dans le Sud de l’île qui vit des choses encore pire et de leurs familles respectives, une famille qui fait 22 millions de membres. Les bailleurs auraient, peut-être, comme pour le petit homme, été plus réceptifs et compatissants.
Ny Aina Rahaga