Une sympathie compréhensive entre gens de même appartenance
Un homme d’âge mûr, qui traîne le poids des années avec les stigmates en correspondance sans encore donner l’apparence d’un vieillard, s’arrête au niveau d’un véhicule en stationnement. Manifestement il hésite en jetant de temps en temps un coup d’œil à la personne au volant de la voiture, un homme appartenant sensiblement à la même génération que lui. Le passant hésite-t-il vraiment ou bien prépare-t-il un coup ? Fin du spectacle d’introduction il se décide et approche l’automobiliste. Une main à son chapeau en signe de salut, deux ou trois phrases, un sourire échangé, l’affaire est enlevée, un billet passe d’une main avec discrétion, un petit salut de la main, des regards furtifs échangés mais aussi rapides que chargés de sympathie complice, fin de la scène. Qu’a donc dit le monsieur à son interlocuteur occasionnel pour lier aussi rapidement une relation éphémère certes mais à l’évidence sans animosité voire plutôt empreinte de compréhension et même reflétant une solidarité en toute dignité ? Simple, il a tout de suite annoncé la couleur, pourtant contraire à l’apparence, celle d’avancer qu’il ne s’adonne pas à la mendicité. « Nous n’avons de commun que vivre dans le même pays et sûrement d’appartenir à une même génération. Cela me suffit de penser que vous prenez toute la mesure de mon élan à vous demander mille francs, sans que la situation ne soit humiliante ni pour vous ni pour moi ». En apparence l’initiative a réussi, à la satisfaction des deux personnes. Les ressorts de l’âme humaine sont complexes, souvent pourtant la fibre sensible qui encline l’être à mieux s’ouvrir touche à une appartenance qu’il reconnaît en lui. Ici il s’est agi d’une histoire de génération, mais il y a bien d’autres critères qui peuvent éveiller un sentiment de solidarité des gens entre eux soit pour une liaison durable soit pour sympathie passagère. Toutes les associations, groupes et organisations reposent sur cette reconnaissance à vouloir partager une appartenance relative à une idée, une valeur, un objectif… L’ouverture vers les personnes externes contribue évidemment à l’épanouissement en raison d’un rayonnement. C’est sans doute à partir de cette observation que l’on oriente de plus en plus l’éducation civique à l’acceptation de la différence. Le pays actuellement outre d’autres handicaps souffre d’une multitude de causes claniques qui ne se supportent pas entre elles. La société se vante de ce fameux Fihavanana qui ne saurait être une sagesse si elle n’invite qu’à la tolérance de la différence, sans pour autant dépasser cette différence pour l’intégrer comme une richesse. Les appartenances qui cherchent à s’affirmer à l’excès ne constituent, si on n’y prend garde, qu’à créer des clivages, et les clivages n’aident pas à conforter une nation. Il est ainsi des nationalistes dogmatiques qui cultivent une contradiction à leur prétention par une pratique du sectarisme, chaque clivage est une pierre qui ignore apporter de l’eau au moulin d’une culture sectaire. De cette étoffe on peut tisser des leaders de l’extrémisme et non des citoyens d’Etat.
Léon Razafitrimo