Razzias en règle
Une razzia est le terme italien pour décrire un pillage en seulement quelques instants et tout rafler de ce que la victime possède. Elle peut aussi décrire l’élimination pure et simple de ses adversaires en un temps record. C’est généralement le mode d’emploi des mafieux pour prendre le contrôle d’un territoire clé ou essentiel à la bonne marche des affaires. C’est tout simplement ce qui se passe actuellement à Madagascar. Car en effet, pour pouvoir mener à bien les affaires habituelles de détournement de fonds, d’exportation illicite, de commerce de drogue et autres, il faut maintenant mettre une tête sur les méfaits découverts par le public. Etant au courant de tout ou presque, l’opinion publique et surtout les 22 millions de malgaches, qui ont été plongés dans la pauvreté la plus extrême, veulent un responsable. Et comme à la tête ils sont trop lâches et trop peureux pour affronter le jugement du peuple, il est primordial de mettre tout ce qui se passe sur le dos d’autrui. C’est d’ailleurs la solution la plus facile et la plus envisageable qui soit. Se dénoncer soi-même n’étant même pas une option.
Comme on dit, ce sont les vainqueurs qui font l’histoire et les plus forts qui font la loi. En l’occurrence, à Madagascar, qui à part les dirigeants décident de ce qui est vrai et de ce qui est faux ? Qui à part les dirigeants font les coupables et les innocents ? Et cela ne concerne pas uniquement le cas de la quatrième République. Que ce soit du temps de la première, de la deuxième ou de la troisième, ce fut toujours le cas. Bien sûr que celle-ci n’allait pas déroger à cette tradition si mauvaise soit-elle. Ainsi donc, deux ou trois personnes sont actuellement sur la ligne de mire du régime pour être décrétés coupables. Les preuves ne sont pas encore établies mais sont sur le chemin de l’être. Quoiqu’une razzia ne nécessite aucune preuve, seulement une bonne dose de volonté pour le faire. Et la volonté est bel et bien au rendez-vous pour les tenants du pouvoir à voir les gros titres des journaux de la place. Il est clair qu’ils sont déterminés à aller jusqu’au bout de cette quête pourtant perdu d’avance. Quand on perd trois jours avec plusieurs millions d’indemnités pour ces cagoulés envoyés sur terrain et au final revenir avec trois talkies walkies, c’est que ça s’annonce mal. Ces trois talkies walkies ne pourraient même pas être distribués aux centaines d’hommes mobilisés pour le coup, sauf peut être en pièces détachées. On assiste à une razzia en règle, car les mandats sont là, comme le veut la loi, malgré un manque évident de motif. Il en est un qui a été avancé, mais qui n’a pas tenu la route car personne n’est dupe. C’est juste que quand on vit dans une peur pareille, on voit le mal partout. Et si c’était vrai, s’il y a eu une intention de renverser le régime ? Il faut savoir que notre propre code pénal stipule que l’intention n’est en aucun cas punissable. D’ailleurs, lequel d’entre nous dirait en effet qu’il vaut mieux que la situation reste ainsi ? En tout cas, pas ces 22 millions de malgaches qui vivent trop en dessous du seuil de pauvreté.
Ceci ne concerne pas uniquement les personnes mais aussi les biens. Le pays possède d’énormes richesses et ressources naturelles. Rien que les Iles éparses renferment des hydrocarbures d’une valeur de 300 milliards de dollars. L’estimation des bois précieux et des minerais que recèlent le sous-sol de Madagascar ne serait sûrement pas loin de là. Une coquette somme qui assurerait une vie bien confortable pour tous les citoyens de ce pays, ou du moins meilleure que celle qu’ils vivent actuellement. Seulement, les pillages se font partout et pour tout. Des contrats miniers qui rapportent à peine à l’Etat, des bois précieux trouvés outre-mer sans que personne ne sache qui ou comment, des taxes qui augmentent de 100% pour des entreprises nationales. Voilà pourquoi le pays se retrouve au dernier rang des pauvres. La raison qui fait qu’aucun bailleur, ni investisseur ne veuillent mettre des capitaux à la disposition de l’Etat pour amorcer ce développement tant promis. Le fait est que ceux qui tiennent actuellement les rênes du pouvoir font tout pour s’enrichir sur le dos d’une population fragile et d’un pays à la dérive en mal de vrai citoyen. Les intérêts sont multiples et le butin est trop juteux pour le distribuer à la multitude. Il est donc nécessaire d’éliminer ceux qui cherchent à nuire à cette quête sacrée de richesse et de pouvoir. Un fait qui confirme encore nos dires : la convocation du Directeur général du Bianco à Betongolo. Celui-ci qui a osé crier au scandale concernant le trafic du bois de rose. Prudence est mère de sûreté dit-on, ce qui justifie peut-être l’absence des perquisitionnés à leur domicile respectif lors des descentes de ces cagoulés aux dents aiguisés. Prudence est mère de sûreté car on assiste dans le pays à ce qu’on appelle des razzias en règle.
Ny Aina Rahaga