« Si tu n’as pas d’ailes … »
Nous serons bientôt fixés sur l’avenir de la compagnie aérienne nationale et ce dans la semaine qui suit, surtout en ce qui concerne la sortie de l’annexe B ou non. La commission de l’Union Européenne a tenu une réunion la semaine dernière à Bruxelles. Une réunion organisée pour discuter du cas Air Madagascar et de cette annexe B qui l’emprisonne depuis 2011 déjà. Ce qui est sûr c’est que cette décision scellera en grande partie le sort de notre « Vorombe tsara dia ». Tout simplement parce que les enjeux économiques et financiers qui en découleront la fera s’envoler à nouveau ou la clouera définitivement au sol après un crash qui entrera dans les annales de l’histoire. Actuellement, tout le monde veut faire croire qu’il se bat pour le maintien de cette fierté nationale, pour le bien-être de ce bien si cher aux yeux des malgaches et signe d’une souveraineté, en perte de vitesse, certes, mais une souveraineté quand même. Pourtant, le constat est sans appel jusqu’à maintenant et si rien n’est fait, dans un futur proche ce grand oiseau perdra ses dernières plumes de ravinala si particulières.
Pour l’heure, le mot d’ordre est simple et devrait être le même pour tous : il faut sauver le soldat Air Mad. Car après avoir essuyé des pertes colossales dues à des guéguerres internes, il est important de se rassembler autour de ce même objectif. Il y a quelques temps, les syndicalistes de la compagnie aérienne nationale ont fait savoir que les dirigeants de la société concoctaient un plan machiavélique pour mettre en faillite cette dernière. Ainsi, au lieu d’un plan de redressement, si l’on en croit les grévistes, les responsables au niveau d’Air Mad se sont munis d’un gros fusil pour l’abattre. Ce serait tout simplement inacceptable. De l’autre côté, on donne une version tout à fait différente face aux rumeurs qui veulent qu’on cherche à vendre un des oiseaux rares de Madagascar. Un des ministres de l’actuel gouvernement avait même émis l’idée de privatiser la compagnie pour la libérer des difficultés qu’elle rencontre en ce moment. Pourtant, d’après les grévistes, les difficultés que rencontrent la société en ce moment seraient tout simplement dues à la mauvaise gestion de la compagnie et à l’ingérence de hauts responsables étatiques dans les affaires internes de la compagnie. Selon l’avis d’un pilote retraité et ancien membre du Comité de direction d’Air Mad, toutes les compagnies aériennes au monde connaissent des difficultés. L’aéronautique nécessite énormément de financement, ce qui explique d’ores et déjà la réussite des compagnies aériennes du Golf comme Fly Emirates ou encore Qatar Airways. Mais la preuve que rien n’est perdu d’avance est toute proche. En effet, l’Ile Maurice accueille actuellement une vingtaine de compagnies aériennes pour sa taille, moindre face à la Grande île. Et ce ne sont sûrement pas les voyageurs qui manquent car près d’un tiers des passagers d’Air Seychelles sont ni plus ni moins que des malgaches. Dans ce cas, si la vente se fait, avec un tel potentiel, ce ne serait en rien bénéfique pour le pays. Ainsi, face à tout cela, le Sénat avait pris la responsabilité de s’ériger en médiateur entre les grévistes et le chef de l’Etat pour trouver une issue favorable et ce, dans l’intérêt de la compagnie. Le fait est que jusqu’à maintenant, nous n’avons rien entendu de ce qui a pu en découler. A se demander si on cherche réellement à sauver la vie de notre petite richesse nationale. En plus de tout cela, la compagnie aérienne nationale fait face à une concurrence des plus rudes depuis quelques années déjà. Avec l’avènement de « l’open sky » ou littéralement ciel ouvert qui était censé faire de Madagascar un hub dans la région Océan Indien. Elle n’a réussi qu’à donner à des compagnies étrangères l’opportunité de supplanter Air Mad sur son propre terrain. A l’exemple de Turkish Cargo qui vient de passer de 3 à 4 vols par semaine, et cela à peine quelques mois après son arrivée. A noter que la ligne Istanbul-Antananarivo est seulement la 47ème destination de Turkish Airlines en Afrique et que sur cette route, elle n’a aucun concurrent. Dans peu de temps, une nouvelle compagnie sud-africaine desservira aussi nos lignes intérieures et ce de façon régulière.
Il semble que face à tout cela, et dans une analyse qui se veut des plus objectives, la compagnie aérienne nationale peut commencer à compter ses jours. Sauf revirement exceptionnel de situation : les grévistes arrêtent de miner les activités de la compagnie et les dirigeants feront preuve de responsabilité et montreront l’exemple à suivre. Puis, la semaine prochaine, on clamera haut et fort que le « Vorom-be tsara dia » quitte pour de bon cette fichue annexe B et commence sa réinsertion parmi ceux qui peuvent fendre le ciel européen. Dans le cas contraire, on va se référer tout simplement à la chansonnette de Gad Elmaleh qui disait « Petit oiseau si tu n’as pas d’ailes, ah, tu ne peux pas voler ».
Ny Aina Rahaga