« Célébrons la liberté d’expression dans la joie et la bonne humeur, célébrons la vitalité des médias gondwanais, célébrons la vie trépidante des journalistes de la Très Très Démocratique République au guidon de leurs non moins pétaradantes mobylettes made in China, slalomant sur les cahoteuses routes de notre cher et beau pays ». Vous avez surement reconnu là le chroniqueur de Radio France International Mamane. Et oui, liberté d’expression quand tu nous tiens, tu ne nous lâches plus et tu lâches tout. A force, on va se retrouver à payer des sommes faramineuses et risquer un séjour plus ou moins long dans ces locaux déjà surpeuplés de non prisons. Si on était dans une de ces chroniques du célèbre Mamane, si on l’était parce que malheureusement ou heureusement, nous ne sommes pas en Très Très Démocratique République. Mais coïncidence, on ne sait comment, notre code de communication est sorti quelques heures à peine avant celle des Gondwanais. Surprenant n’est-ce-pas ? Au moins, en Très Très Démocratique République, le code a le mérite d’être explicite concernant la liberté de répression. Mais un petit plus chez nous, nos citoyens peuvent encore s’exprimer librement.

Dans le cas contraire, on n’aurait pas entendu cette déclaration choc d’un vendeur à la sauvette hier dans la soirée. Nous le traduiront pour la nécessité du travail, mais d’abord et du fait que nous sommes toujours dans le mois de la langue malgache, la version originale était comme suit : « Ny mpitondra mihitsy no tsy tian’ny olona ka ny sainam-pirenena mihitsy no tsy vidiany » littéralement personne n’achète le drapeau national du fait que personne n’aime les agissements de l’Etat. Liberté d’expression a sorti ce que la multitude murmurait en son très lointain subconscient. A l’approche du 26 juin, fête nationale dont l’un des symboles fort est la levée du drapeau nationale pour chaque foyer, on constate en effet que peu nombreux sont les drapeaux qui ornent nos murs et ruelles. Quel constat déplorable, après 56 années d’indépendance. Ce n’est ni le 4 juillet ni le 14 juillet qu’on ne verra point la bannière étoilée ou le bleu-blanc-rouge de Marianne. A ces jours, ils seront tout flambant neuf  et vifs de couleur sur tous les murs de tous les foyers de toutes les personnes qui y sont rattachées. Preuve en est, on a vu et entendu sur internet, et non sur la Tvm, la Marseillaise chanté à Marseille avant le match France-Albanie. A-t-on entendu raisonner « Ry Tanindrazanay Malala » une fois au stade de Mahamasina ? De souvenir, on ne se rappelle pas, que l’on nous corrige dans le cas contraire. On ne l’a même pas entendu quand les Baréas ont joué contre la République démocratique de Congo. Bref, maintenant, liberté d’expression nous en a donné la raison. Une autre déclaration choc de cette soirée d’hier, toujours en malgache d’abord : « izahay izany mba miandry ny baolina nampanantenaina, anefa tsy misy mandeha, tsy hitanay ny ilana ny Tvm » ou « nous attendons les matchs de l’Euro que l’on nous a promis en intégralité, sauf que chaque soir, nous sommes déçus, on ne voit plus l’utilité de la Tvm ». Voila encore un méfait de cette liberté d’expression. Pourquoi dire des choses de ce genre quand on sait qu’on risque de froisser les gens qui t’ont établi, liberté d’expression. Ces propos là sont encore une fois, les propos de la multitude qui n’ose pas les révélés à haute voix, de peur d’un flagrant délit d’expression.

Mais c’est à force de bévue de ce genre, de maladresse et de faute de frappe que la liberté d’expression devient liberté de répression en Très Très Démocratique République. A force, nous ne pourrons plus célébrer la vie trépidante des journalistes bientôt assigné en justice avec inculpation à la carte, au choix entre diffamation et atteinte à l’honneur. Désormais, il est nécessaire de bien choisir ses termes et d’être le plus précis possible. Non pas que la liberté d’expression n’existe pas en Très Très Démocratique République, tout au contraire. Mais maintenant, il faut faire très attention, regarder devant et derrière soi, au risque de ne plus rien diffuser comme la Tvm. Sommation est donc lancée à ces citoyens qui osent dire n’importe quoi sur la vente des drapeaux ,  si les ventes ne marchent pas, c’est simplement parce que vous ne savez pas vendre, et si la Tvm n’envoie pas les matchs de l’Euro et bien, c’est juste parce qu’il ont trouvé autre chose de plus intéressant. La liberté de répression le veut ainsi.

Ny Aina Rahaga