Au point mort, en pente douce
Le pays traverse une période cruciale, ce n’est un secret pour personne. De ce constat la première pensée va d’abord à la croisée des chemins autour de la question élections, la situation est bloquée et le pays coincé au beau milieu d’un carrefour à multiples voies. Après l’impasse dans laquelle on s’est échiné des années durant, la panne en plein carrefour n’est pas plus favorable. C’est qu’il n’ouvre sur aucun boulevard qui mène vers une sortie honorable de la crise, il n’y a que des voies caillouteuses à peine carrossables et le trajet promet de secouer quelle que soit la route que l’on emprunte. Heureusement que les pentes sont douces, on est déjà descendu très bas, c’est la remontée qui s’annonce dure.
La population peine, c’est une évidence même si tout le petit monde des grands acteurs ne semble pas en prendre conscience, bien que les discours des uns et des autres en parlent avec grandiloquence. A propos de la misère induite par la crise, il est pourtant des populations qui souffrent plus que d’autres, c’est comme pour l’égalité il y a « ceux qui sont plus égaux que d’autres », mais ici les choses ont dépassé le seuil de ce que peuvent imaginer les populations d’autres régions alors que l’on appartient à une même nation au sein de laquelle l’on dit se battre pour une réconciliation.
Dans les contrées déjà les plus défavorisées, où alternent sécheresse et inondations auxquelles succèdent les nuées de crickets, sévissent les dahalo qui moins ils trouvent à piller réagissent avec violence de plus en plus sauvage. Déjà affamées nombreuses populations des hameaux isolés, abandonnées à elles-mêmes, n’ont de recours qu’à se terrer dans la forêt, parfois simple forêt d’épineux. Autant on les oublie d’ici, autant ces gens que la politique méprise, n’auraient en retour qu’un légitime mépris pour ces politiciens qui ferraillent pour défendre leurs intérêts particuliers personnels ou partisans. A vivre leur sort, il est difficile de penser qu’un seul de ces femmes et hommes de l’arène politique se batte pour eux ou pour le pays.
Dans leur errance, bien qu’il n’existe pas réellement de bêtes féroces à part les dahalo, même si d’ici on ne mesure pas toujours les affres d’avoir faim en permanence, la souffrance s’accompagne de tous les inconforts ne serait-ce que celui d’avoir les mains nues pour se défendre des insectes qui infestent la nature.
Il ne s’agit pas de vouloir leur dire que l’on se bat pour eux. La lutte pour la survie se trouve là-bas, se plaindre des difficultés que chacun ici doit surmonter leur paraitrait déjà mesquin, à fortiori le combat politique que l’on dit mener ne pourrait avoir de dimension que celle d’une vaste escroquerie aussi minable que coupable. La moindre des considérations à l’endroit de cette situation de grande misère que vivent des populations d’un peuple auquel on dit appartenir devrait suffire à réduire la suffisance de ces gens boursoufflés de fatuité. La situation de ces familles déjà démunies du minimum, encore obligées de déserter leurs lieux de vie devrait couvrir de honte civils et militaires qui se sentent une responsabilité à quelque niveau qu’ils se trouvent. Eh bien, non ! Plutôt qu’à se couvrir de cendres, ils se battent pour parader et se goinfrer et pour défendre ou agrandir leur pré carré.
Léon Razafitrimo