Au pays du moramora
Nous nous trouvons réellement au pays du « moramora », tout est facile et tout est accepté facilement. Que ce soit bon ou mauvais, on l’accepte tel quel. A croire que le Malgache ne peut réagir ou vit dans la fatalité des choses. Tard dans la soirée d’hier, on a annoncé que la troisième vague sur le rapport des Rapid Results Initiative (Rri) du gouvernement est annulée, on ne sait pour quel motif. Et malheureusement, nous n’avons rien à dire face à cela. En effet, il peut s’agir d’une raison d’Etat ou autre chose, peu importe, le fait est que ce fut annulé. De plus, aucune communication officielle n’a été faite car nous l’avons appris à travers des rumeurs ou par l’intermédiaire de nos collègues. « Moramora » dirions-nous, l’annulation s’est faite « moramora », tout doucement sans gros sabot. Alors que l’annonce ou l’invitation au début avait été faite avec les grands moyens, invitant tous les gens de la presse. Sans doute, il était prévu de faire le top du top et de sortir le grand jeu quelques jours avant la fête nationale.
Mais au pays du « moramora », il est facile de décommander, surtout pour des bleus. Le fait est qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle petite association devant faire un rapport périodique devant une petite assemblée. Il est plutôt question du gouvernement malagasy qui doit faire un rapport sur ses 100 jours d’activités durant lesquels il aurait dû atteindre un certain nombre d’objectifs. Il s’agit d’un engagement pris au niveau de l’Etat et de l’exécutif devant la nation entière dans sa mission de développer le pays. Mais voilà, au pays du moramora, il est si facile de se défaire de ses engagements et de ses responsabilités. Ce genre de situation laisse libre cours à des questions du genre « serait-ce des enfants à la tête du pays ? » qui jouent aux capricieux ? Car aujourd’hui, je veux faire le rapport et demain je changerai d’avis, car c’est ce qui se passe maintenant. Ou encore le fait que le rapport n’est pas assez flattant pour être présenté au public, les rédacteurs ayant écrit 98% de taux de réussite au lieu de 99%. Alors dans quelques jours, ou après les fêtes pour pouvoir les passer tranquillement, on nous convoquera à nouveau pour le même motif. Et ce rapport nous montrera encore plus ô combien nous sommes au pays du moramora. Moramora le développement, ou littéralement doucement développement du pays, ne vas pas trop vite. Sinon, ces 98% de taux de réussite ne tiendraient pas la route. Car force est de constater que le développement du pays connait un ralentissement, si on suppose qu’il a déjà démarré. L’économie tourne au ralenti et la situation du pays et de ses habitants n’a guère changé d’un poil. Le pauvre d’hier est devenu encore plus pauvre aujourd’hui, et sa situation sera pire demain. L’insécurité est grandissante car désormais ce n’est plus un détachement militaire qui attaque les dahalo, ce sont les dahalo qui attaquent les militaires. Les citoyens ne sont plus à l’abri nulle part, que ce soit sur les routes ou chez eux. Dans le premier cas, soit on risque de mourir d’un grave accident soit on se fait attaquer en plein jour par des bandits armés. Face à tout cela, les dirigeants n’ont d’autres choix que de jouer du moramora. Cherchant à chaque fois à minimiser la réalité et avançant de jolis discours comme quoi ceci sera fait, ou cela va être notre priorité. Pourtant, la situation est loin d’être moramora pour ceux qui la vive au quotidien. Il est dangereux pour nos enfants de rentrer à 16 heures de l’après-midi après les cours, ou de rester à la maison faute de système scolaire accessible. Il est dangereux pour nos femmes de quitter le domicile familial et on ne veut même pas penser à la suite. Il est dangereux pour nos hommes de chercher le pain quotidien tout simplement.
Voilà ce qu’il en est de la situation au pays du moramora. Et comme l’exemple pris précédemment, l’annulation soudaine de la présentation du Rri, il y a trop d’indécision au niveau même des responsables étatiques. Faire ou ne pas faire la présentation du rapport. Réagir ou discuter sur la recrudescence de la violence au niveau de la société et des inégalités sociales. Remédier ou converser sur la question de l’insécurité qui hypothèque nos vies chaque jour durant. 98% d’indécision et seulement 1% de réalisation. Sachant que nous sommes 22 millions à Madagascar, il existe quelque 220.000 personnes qui jouissent pleinement de ce pourcentage de réussite et d’action, car c’est cela le pays du moramora.
Ny Aina Rahaga