La lettre et l’esprit
Peut-on et a-t-on le droit de vouloir le bonheur de quelqu’un contre le gré de celui-ci ? A l’évidence, on ne peut répondre que par la négative ; et de prime abord, il ne peut en aller que de même lorsqu’il s’agit d’un groupe de personnes tant à la taille d’un village qu’à l’échelle d’un pays. Le bonheur de la population, ici, passe par le développement du pays ; cette lapalissade relative au développement est devenue un refrain. Le développement comme objectif fait l’unanimité et ne soulève aucune objection ; encore faut-il en définir et le contenu et les contours.
A ce stade, malheureusement, de même qu’aucun combat qui touche à l’idéologie ne trouve place dans l’arène politique pour éclaircir les différences dans les voies à prendre, aucun débat, aucune incitation à la réflexion ne sensibilise l’opinion quant à déterminer le choix de société que vise telle ou telle forme de développement. Dans la pratique, on relève souvent l’inverse, la classe politique s’efforce de façonner l’esprit du peuple dans un moule de cervelle de perroquet pour que chacun, en répétant les mots développement et démocratie, pense avoir défini de façon savante le type de société dans lequel il aspire vivre. On ne peut ainsi s’éloigner de l’objectif ; et l’on ne fait qu’entretenir le flou qui, à un moment venu, provoque la rupture entre le pouvoir et une partie de la population, alors même que celle-ci a été invitée à participer aux élections lors de l’avènement de ces gens au pouvoir. Il ne s’agit pas d’une question de personnes, tout le monde est logé à la même enseigne ; et tant que l’on ne changera pas de méthode d’approche dans le dialogue peuple-dirigeant et particulièrement électeur-candidat, les risques demeurent d’une déchirure profonde à plus ou moins long terme. Le politique présente un programme en promettant de réaliser certains projets de ce programme, des projets qui flattent certes les gens dans leur quotidienneté ; et on élude ainsi le débat sur la société dans laquelle la majorité veut évoluer. Les plus doctes disent évidemment que cela ne soit plus d’actualité et que la mondialisation détermine le type de développement. Après le fatalisme, facteur de blocage, va-t-on verser dans une sorte de déterminisme que dicte le système dominant. Dans la situation actuelle, on ne peut faire qu’un constat, le pays a comme vocation ou comme rôle d’être à la traîne, ne peut-on y remédier en rien ? Le peuple, dit-on, réclame du changement ; le moment est donc propice pour qu’on lui parle vrai : que tout le monde cesse de tricher. Tricher concerne, certes, le vol et toute forme de truanderie publique ou privée, mais cesser de tricher impose aussi à chacun et à tous d’arrêter à faire semblant. Ce n’est pas facile !
Léon Razafitrimo