Sur place ou à emporter ?
Des formules bien alléchantes mais malheureusement au-delà de nos moyens, c’est actuellement ce que proposent les établissements de restauration de chez nous ? Mais pas seulement, à croire que tout le monde s’est passé le mot pour faire grimper les prix. Les transporteurs ont déjà annoncé la couleur, viendra ensuite les marchands et l’inflation se généralisera. Pourtant, les fiches de paye de chacun, les comptes en banque ou tout simplement les revenus des ménages malgaches ne cessent de diminuer et se rétractent de jour en jour. On dénombre 22 millions de pauvres à Madagascar, quel triste constat. Pour un pays qui compte 23 millions d’habitants, il y a bien des chanceux qui se démarquent de la multitude. Pourtant, nos ancêtres nous avaient enseigné dans leur sagesse infinie que rien ne vaut la multitude. « Aza misara-mianakavy » disaient-ils, ou encore « izay be no basy ». Pour les 22 millions de malgaches qui vivent quotidiennement dans la pauvreté on parlera quasiment de canon. Pour l’instant, le canon n’a pas de quoi acheter la poudre sur place, mais peut-être la formule à emporter sera à sa portée.
Comme on le disait, tout est aujourd’hui au-dessus de la bourse des ménages. De nombreux malgaches ne peuvent plus actuellement remplir leurs assiettes correctement ? Et par correctement on entend ici le strict nécessaire pour la survie. Pour une activité faible de moins de 30 minutes d’activité par jour, les besoins quotidiens sont de 2100 Kilocalories. Pour une activité modérée de 30 minutes d’activité chaque jour, ce sont 2500 à 2700 Kilocalories et pour une activité forte de plus de 1 heure d’activité par jour, il s’agit de 3 000 à 3 500 Kilocalories selon les médecins. Or, le Malgache moyen doit fournir au moins 6 heures d’activité par jour pour pouvoir espérer gagner les quelque 2 euros par jour. Pour deux malheureux euros à ramener à la maison, il n’a même pas à disposition les 2100 kilocalories nécessaires à 30 minutes d’activité. Dans un tout autre sujet, la scolarisation des enfants malgaches reste aussi un dilemme vu l’investissement financier que cela requiert. Les écoles publiques n’assurant plus une éducation et un enseignement viable pour ces derniers, les parents préfèrent partir au privé. Or, ce secteur est devenu un business des plus lucratifs, grâce à cette défaillance manifeste de l’administration. Que ce soit les frais de scolarité, ou les fournitures qu’exigent ces établissements sans parler des frais demander aux parents pour ceci et cela. L’éducation sur place est devenue impossible pour la majorité des parents malgaches et inaccessibles pour la plupart des enfants délaissés par le système. C’est dans ce cadre que des projets de jeunes, initiatives louables, comme le « I act campaign » de l’association Teach For Madagascar offre des formules d’éducation à emporter. En enseignant dans les rues d’Antananarivo et en espérant s’étendre dans toute l’île bientôt. Face à tout cela, l’Etat et les responsables politiques n’ont de cesse d’utiliser la démagogie et de rejeter la faute sur les autres. Combien de fois les a-t-on entendus se défiler lors des moments critiques ? A Mahamasina lors des « attentats » ayant emporté des innocents, le président de la République avait décliné toute responsabilité et s’est tout de suite érigé en victime. Puis, face à l’assassinat de la liberté d’expression actuellement, ce dernier de décrier dans les médias étrangers qu’à Madagascar, la presse n’est pas responsable et loin d’être professionnelle. Pourrait-on en dire de même pour les sénateurs qui mentent sans vergogne devant les caméras de citoyens qui enregistrent ? Et ce sans avoir peur de se retrouver en prison que l’on ait tort ou raison.
On a entendu dire que le couple à la tête de la commune urbaine d’Antananarivo venait lui aussi d’adopter la formule voyage, très prisée des tenants du pouvoir comme on l’a vu à maintes reprises. Lors de ces déplacements, on a toujours tendance à entendre qu’il est question de trouver les financements pour sortir le pays de la pauvreté. Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, rien de concret n’a jamais été constaté et la situation est restée la même depuis, ou a empiré. Alors, face à tout cela, on se demande si les écoliers malgaches devront à partir de maintenant se contenter d’une éducation à emporter ? Et si le coût de la vie va finir par emporter les 22 millions de malgaches dans un gouffre profond sans retour possible. Mais surtout si la lutte contre la pauvreté et la situation précaire des malgaches et le développement du pays vont se faire sur place ou à emporter ?
Ny Aina Rahaga