C’est dans l’un des 5 pays les plus pauvres du monde  que se tient une réunion mondiale : la 42ème assemblée des parlementaires francophones. L’évènement est fêté avec faste évidemment et déjà sur les rues de Tana, de nombreuses nouvelles voitures de sécurité font leur apparition. Il faut dire que c’est aussi le cas des parlementaires malgaches qui vivent comme des nababs, loin de la misère populaire !

C’est bien le cas de le dire si l’on en croit la proposition de salaire, d’indemnités et d’avantages faite aux sénateurs et qui, à notre connaissance, n’a pas connu de changement lors de sa validation. Ainsi, le revenu mensuel des sénateurs en période de tournées, c’est-à-dire hors session, avoisine les 15 millions d’ariary. Pour le simple parlementaire de la Chambre haute, le salaire et indemnités diverses sont d’un peu moins de 4 millions d’ariary, ou plus précisément de 3 924 827,00 ariary. A cela s’ajoute le carburant de 10 millions d’ariary et le crédit téléphonique de 1 million d’ariary. Les présidents de commission, eux, gagnent 2 millions de plus que ces simples parlementaires de la Chambre haute puisqu’ils bénéficient de 12 millions d’ariary de carburant si pour le président – tout court – de l’institution, son budget pour le carburant mais aussi pour le crédit téléphonique est tout simplement le double de celui du simple sénateur. Bref, cette personnalité a un revenu mensuel de 26 millions d’ariary en période de tournée. Selon certaines informations, les droits en numéraires comprenant la base d’indice – 3 800 pour le président jusqu’à 3 500 pour le simple membre -, l’indemnité de représentation, celle des tournées, les indemnités d’eau et électricité, sont presque les mêmes que ceux des députés définis dans le décret 2014-259, sauf pour l’indemnité compensatrice de loyer.

En somme, les parlementaires malgaches ne pourront pas figurer dans les 92% des malgaches qui vivent sous le seuil de pauvreté, une statistique qui vient des bailleurs de fonds traditionnels et des organismes du système des Nations Unies.

Principal obstacle

A Madagascar, le salaire minimum est de 144 003 ariary (41 euros et des centimes) pour les secteurs non-agricoles mais déjà, la création d’emplois n’existe pratiquement pas, ni pour les diplômés, ni pour ceux qui sont obligés d’abandonner l’école pour diverses causes. La différence entre le revenu du simple sénateur et du citoyen lamba est ainsi énorme : plus de 100 fois ! Et maintenant que le nouveau code de la communication est voté – l’enterrement de la liberté d’expression se fera ce jour à la stèle de l’Ordre des Journalistes à Soarano -, nos parlementaires peuvent aussi réclamer un nouvel outil de travail : les 4×4 ! Rappelons effectivement que lors du débat qui s’est tenu avec ce vote à l’Assemblée nationale, dans la nuit de jeudi dernier, les députés ont accusé les journalistes d’être le principal obstacle de la non-obtention de ce véhicule de service. Il est vrai qu’un 4×4 neuf coûte au moins la bagatelle de 150 millions d’ariary et par conséquent, c’est toute la population entière qui ne comprendra  pas une telle dépense pour les 150 députés de Madagascar. Mais bientôt que la presse sera bien muselée – on n’attend plus que l’avis de la Haute Cour Constitutionnelle et la promulgation de ce code de minuit -, les parlementaires malgaches, députés et sénateurs, peuvent bien exiger le beau joujou !

Pour l’heure, ce sont de nouvelles 4×4 marquées sur leur flanc « sécurité » qui font la loi dans les rues de Tana depuis la semaine dernière. Equipées de gyrophare rouge ou bleu, elles roulent à tombeau ouvert en hululant partout où elles passent.

Luc Matthieu