Concurrence déloyale – Poison pour l’industrie
Dans son dernier magazine l’Expansion, le Syndicat des industries de Madagascar (SIM) met en exergue la concurrence déloyale à Madagascar. Avec la complicité des agents de l’Etat, l’affairisme gagne du terrain entre autres, corruption, vente sans facture, importation sauvage, abus de pouvoir, blanchiment d’argent, … autant de sauces qui empoisonnent la concurrence.
La vente sans facture figure parmi les pratiques des opérateurs qui veulent échapper au fisc ou du moins réduire la facture à payer à l’Etat. Des enquêtes menées par la Direction générale des impôts en 2014 révèlent que de plus de 60% des transactions effectuées par les entreprises se font dans l’informel donc, des ventes sans factures. Avec l’absence de traçabilité, il est impossible au fisc de collecter les taxes. Les produits issus de ces circuits sont compétitifs par rapport à ceux qui entrent dans le circuit normal. Les industriels se plaignent souvent du fait que des produits importés sont moins chers que ceux locaux. Les importations pourraient être concernées par les ventes sans facture.
Durant la campagne menée par la Direction générale de la douane, toujours en 2014, il se trouve que 34% des grossistes importateurs s’avèrent des fantômes. Ceux-ci écoulent leurs marchandises directement aux détaillants informels ou formels. Le règlement se fait en espèces. A défaut de domiciliation bancaire et d’adresse physique, il est difficile de les poursuivre.
Cette campagne a aussi dévoilé que plus de 20% des marchands vendent sans délivrer de factures.
La vente sans facture ne pénalise non seulement l’Etat mais aussi les entreprises qui choisissent de respecter les textes. Sans factures, les opérateurs ne paient pas au moins la Tva. L’écart de prix entre les produits dans le circuit normal et ceux qui sont dans la vente sans facture est d’au moins 20%.
La direction générale des impôts a mené des actions contre cette pratique. Celles-ci sont hélas ponctuelles et semblent jeter de la poudre aux yeux pour sauver la face aux bailleurs de fonds.
Corruption
L’étude CAPS (Corruption in Antananarivo’s Public Services) de Transparency international confirme que la corruption est un obstacle au développement de l’activité des entrepreneurs d’Antananarivo, et que ce problème tend à s’aggraver. Mieux encore, elle quantifie ces contraintes. Les entrepreneurs interrogés estiment ainsi à 11% du chiffre d’affaires annuel des entreprises similaires à la leur – ou 6 200 000 ariary – le montant qui doit être payé annuellement aux agents publics sous forme de cadeaux ou autres paiements informels pour que les « choses soient faites ». Ces entrepreneurs considèrent massivement (à 74%) la corruption comme un obstacle à leur activité. Ils sont 93% à considérer que la situation s’est aggravée ces deux dernières années.
La corruption représente une barrière à la concurrence et à la libre entreprise, et incite les entreprises du secteur informel à ne pas régulariser leur situation.
Les enquêtes révèlent, par ailleurs, que plus les sommes d’argent en jeu sont importantes, plus les cas d’extorsion de la part d’agents publics sont coûteux pour les entreprises. Pour les chefs d’entreprise de la capitale ayant fait face à des demandes de pots-de-vin de la part d’inspecteurs de l’administration, pas moins de 2000000 d’Ariary sont réclamés, en moyenne, au cours d’une seule année. Le montant demandé par les agents fiscaux est même deux fois supérieur.
D’après les résultats de l’enquête Enterprise Survey 2013 de la Banque mondiale, près d’un tiers (32 %) des entrepreneurs malgaches fait l’objet d’une demande de « cadeau ou de paiement informel » par un agent de l’administration fiscale au cours des douze mois précédant l’enquête.
D’après le CAPS, le montant total moyen payé annuellement par une entreprise d’Antananarivo ayant fait l’objet d’une demande de pots-de-vin de la part d’agents fiscaux est de 4 100 000 Ariary. En examinant ces paiements en détail, il se trouve que le montant de pots-de-vin versés aux agents fiscaux atteint des sommes considérables pour un petit nombre d’entreprises. Et ce qui explique le montant moyen obtenu à partir de l’échantillon des enquêtes CAPS.
A travers ces pots-de-vin, les concernés sous-paient ceux qu’ils doivent au fisc. Leurs produits sont moins chers que ceux qui paient normalement leurs taxes.
Contrefaçon et importation massive
Le pouvoir étatique ne maîtrise plus la rentrée des produits étrangers dans la Grande île, puisque tout y entre. La création des blocs économiques ne fait qu’aggraver cette situation. Par ailleurs, les produits locaux restent à l’ombre des produits importés. Avec l’accord de partenariat économique intérimaire, l’importation de friperies en provenance de l’Europe ne paie pas de droit de douane. Pour le secteur textile et, à titre d’exemple, la société Somacou a vu diminuer sa part de marché de couvertures suite à l’importation des couvertures made in China et les friperies. En 2014, elle n’a pu vendre que 200.000 couvertures alors que la société peut en produire au-delà de 700.000. En effet, la société peut encore augmenter sa capacité de production si de nouvelles demandes sont exprimées. Et pour mieux conserver sa position, la société a opté pour la diversification de sa production, entre autres, par la confection des articles d’habillement, d’intérieur et d’hygiène.
Il n’y a pas que le secteur textile qui est victime de cette importation massive et la contrefaçon. Les pièces auto-moto et pneumatiques se classent parmi les premiers rangs. Beaucoup de produits, surtout en provenance de l’Asie, sont contrefaits. Ces produits ne suivent pas les normes et présentent des risques, de plus ils ne durent pas. A noter que les pays asiatiques sont les principaux fournisseurs de Madagascar pour les pièces et accessoires. La Chine arrive en tête avec 1.366.771 kg en 2014, suivie de la France avec 493.183 kg. L’Inde arrive à la troisième place avec l’exportation de 246347 kg de pièces et accessoires. Ce chiffre a doublé en l’espace d’un an. Ce boom d’importation des pièces et accessoires s’explique par le fait que les transporteurs préfèrent acheter des pièces d’origine asiatique moins chères.
Les ciments, les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques, les savons et détergents, les produits cosmétiques, …sont tous victimes d’importation massive, contrefaçon et d’envahissement des produits hors normes.
Fraudes douanières
Les entrepreneurs à considérer ayant participé à l’enquête CAPS ne sont que de 20%. Mais il est commun pour les entreprises dans leur secteur d’activité de payer des pots-de-vin pour faciliter le dédouanement de marchandises importées. La fraude douanière est une pratique courante pour certaines sociétés et ce, avec la complicité des agents de la douane. Les marchandises sont cachées et déclarées comme des marchandises ne payant pas de droit de douane comme les produits de première nécessité, ou encore sont déclarées appartenir à des zones franches, alors qu’en réalité, elles sont à des sociétés non régies par ce régime. C’est le cas, à titre d’exemple, des 111 motos de marque France Rider, Speedi et Fyi saisies par la douane en 2015. Il y avait aussi les 10 conteneurs déclarés en cargaison de riz, mais qui étaient en réalité de la farine saisie par la douane en 2015. Après des vérifications minutieuses des dossiers afférents à ces marchandises, les responsables sur place ont pu découvrir qu’un réseau bien organisé est derrière cette fraude, impliquant transitaires, compagnie maritime, importateurs et douaniers. La Direction générale de la douane annonce qu’il y a plus de 1 400 dossiers contentieux enregistrés au niveau de la douane, rapportant plus de 11 milliards d’ariary à l’Etat. Ceci reflète l’ampleur de la situation. Ces marchandises saisies ne représentent qu’une partie cachée de l’iceberg.
Danger pour les consommateurs
Ces produits hors normes présentent un danger pour les consommateurs. En effet, la consommation d’huile frelatée a déjà fait des victimes à Madagascar. Or, des produits alimentaires hors normes envahissent le marché. Et les produits périmés sont généralement vendus en vrac. Pas plus tard que le mois dernier (mois d’avril), 2.5 tonnes de farine frelatée et 3.000 boîtes de lait concentré périmé ont été trouvées à Ambanja. Le marchand a déjà écoulé une partie de ces produits sur le marché. Toujours durant le mois d’avril, une quarantaine de tonnes de viande de poulets destinées à l’alimentation animale ont été écoulées sur le marché.
Contrairement à cela, les industries locales respectent les normes et offrent aux consommateurs des produits sains. Pour ne citer que la Somacou qui suit les normes de qualité reconnues au niveau national et international tant sur les produits que sur l’environnement. Pour cela, elle utilise des normes sur les colorants non azoïques, la qualité des produits chimiques, la filature. La société procède aussi au traitement de ses eaux usées avant leur déversement en dehors des usines de fabrication. En travaillant avec les agences d’aide, la Somacou utilise aussi des matières premières avec des antibactériens et anti-feux pour ses couvertures.
Recueillis par FR