Le trafic de ce bois précieux a démarré avant même le début de la transition de 2009. Rappelons que cette année-là, il y avait le scandale de la guitare Gibson « rosewood », et ainsi l’exportation s’est faite bien avant. Et justement vers la fin de la transition, Omer Beriziky a sorti des documents officiels révélant des noms qualifiés de « barons » du trafic si dernièrement, l’affaire de Singapour qui reviendra d’ici peu de temps à la « Une » des quotidiens de la place, a mis à terre plusieurs membres du gouvernement de Jean Ravelonarivo.

Lors du sommet de l’Otan en 2009 à Strasbourg, la première dame de la première puissance mondiale a offert à la première dame de la France, de l’époque donc, une guitare de marque Gibson fabriquée avec du bois de rose. Cette dernière est une grande artiste reconnue internationalement et pour faire très bonne impression, la première a choisi le top de cet instrument portant la spécificité de « Guitare Gibson rosewood ». Plus tard, on a mené une campagne pour rectifier que c’était plutôt du … palissandre, les deux bois entrent quand même dans la qualification de bois précieux, selon la classification de la Cites. Ce sommet s’est tenu les 3 et 4 avril 2009 et par conséquent, la guitare a bien été fabriquée bien avant l’avènement de la transition du 17 mars 2009 à Madagascar. Cela veut tout simplement dire que le trafic s’est déjà bien développé durant l’ère Ravalomanana et une des destinations finales est les Etats-Unis. Bien sûr, il s’agit bel et bien de trafic puisque le bois – palissandre ou bois de rose – est rapporté illégalement de Madagascar et la loi américaine interdit « la vente d’animaux sauvages, poissons et plantes qui ont été illégalement obtenues, transportées ou vendues. A été amendée pour ajouter à cette liste les produits faits à partir de bois illégalement obtenu dont le bois de rose ». Il faut savoir aussi que parmi les conseillers spéciaux de Marc Ravalomanana, il existe des spécialistes de haute volée des domaines de l’environnement et des forêts maîtrisant et sachant manier les textes émanant de la Cites. C’est pourquoi en ces temps-là, le trafic se passait loin des oreilles et des regards indiscrets des journalistes d’investigation.
On se rappelle que les Usa ont fermé à double tour leurs frontières dès le début de la Transition de 2009 et les trafiquants se sont tournés vers la Chine, gros consommateur de ce produit. Par contre, les spécialistes cités plus haut ont retourné leur fusil pour le dénoncer au monde entier et par conséquent, Madagascar est doublement mis au ban de la Communauté internationale. Pire, aucun régime n’a jamais été en mesure de protéger réellement les côtes de Madagascar et pour une transition dépouillée de ses moyens financiers, elle ne pouvait qu’assister au ravage des parcs nationaux de Masoala, de Marojejy et de Manantenina.

Aucune communication
Mais le miracle s’est produit à la fin de ce régime transitoire puisque le Premier ministre Omer Beriziky, en même temps ministre de l’Environnement et des forêts, a sorti une liste de noms de ceux qualifiés de « barons » des trafics de bois de rose. Selon le rapport n°054-14/MEF, ces derniers ont pu amasser le pactole de 90 millions de dollars, soit le double de l’aide financière entrant dans la facilité de crédit rapide, octroyée par le Fonds monétaire international. Les principaux concernés (voir encadré) n’ont, à notre connaissance, jamais été inquiétés par la Justice et bizarrement, certains occupent désormais des postes haut placés de l’administration publique.
En 2015, une autre affaire de trafic de bois de rose a été révélée au public, celle de Singapour. Il s’agit d’une exportation illégale de ce bois précieux à destination de la Chine mais la saisie a été réalisée par les autorités singapouriennes. Le magot est important puisqu’on a parlé de 30 000 rondins d’une valeur estimée à 50 millions de dollars, soit une autre facilité de crédit rapide. Cette dernière affaire aurait, selon les mauvaises langues, coûté à Anthelme Ramparany, ancien ministre de l’Environnement et des forêts dans le gouvernement Kolo Roger puis devenu ministre de l’Elevage dans le gouvernement de Jean Ravelonarivo, et à Ralava Beboarimisa, ministre de l’Environnement et des forêts du gouvernement de Jean Ravelonarivo, leur doux fauteuil ministériel. Le premier aurait authentifié des documents complètement faux et le deuxième ayant complètement déçu puisqu’il n’a jamais su endiguer le trafic de bois de rose.
Dans le courant du mois prochain, cette affaire repassera de nouveau au Tribunal de Singapour mais apparemment, l’Etat Malagasy, propriétaire de ces 30 000 rondins, ne semble pas presser de les récupérer, pour la simple raison que jusqu’ici, aucune communication sur sa réelle intention n’a été faite. Et pourtant, le peuple malagasy n’ira pas cracher sur 50 millions de dollars, vu la situation de pauvreté extrême dans laquelle il se trouve.

J.L.R

Quelques barons de la liste d’Omer Beriziky et leurs bénéfices
Angelin Befototo : 1,4 millions de dollars
Roger Thunam : 20,6 millions de dollars
Jean-Pierre Laisoa (Jaovato) : 16,2 millions de dollars
Claude Bezokiny : 9,8 millions de dollars
Patricia Soa : 8,4 millions de dollars
Thierry Body : 7,6 millions de dollars
Ramialison Arland : 5,6 millions de dollars
Michel Malohely : 4,2 millions de dollars
Martin Bematana : 3,4 millions de dollars
Chan Lane : 9,4 millions de dollars
Grégoire Ndahiny : 1,6 millions de dollars