Amer de toi
On dirait le titre d’une vieille chanson mélancolique à la française, du temps de Goldman ou même de Moustaki mais d’un artiste moins populaire, moins reconnu. Mais si on lit avec un esprit un peu plus ouvert, on se dit aussi qu’il y a un petit peu d’insulte dans ce titre. Du genre, on n’est pas content de voir ou revoir une personne en particulier, on se dit « amer de toi ». Pourtant, il n’en est rien de cela. Il ne s’agit pas d’une chanson oubliée des années 80 et encore moins d’une insulte qu’on aurait glissée en douce sans que personne n’en sache rien jusqu’à ce qu’on le dévoile. D’ailleurs, qui voudrait-on insulter en ces temps déjà durs. On a déjà assez de souci chaque jour à penser à comment arriver au soir, que donner aux enfants pour le déjeuner et le dîner. Est-ce qu’il y aura moins d’embouteillage ou faudra-t-il marcher encore et encore ? Est-ce qu’aujourd’hui l’électricité sera encore coupée ? Y aura-t-il des brigands qui vont frapper à la porte et entrer pour tout prendre jusqu’à nos vies ou dormirons-nous cette fois sur nos deux oreilles ? Tant de questions chaque jour qu’on ne trouverait pas le temps d’insulter qui que ce soit ou de chanter une chanson vieille de 20 ans déjà. Toutefois, à force de te voir sortir la même rengaine, on se retrouve à être amer de toi.
Même pas si longtemps que tu es là et le peuple te rejette déjà, il te trouve acerbe, infecte et se trouve incapable d’avaler plus encore de tes salades. Le problème a de multiples facettes, ce qui a fait que la nation entière se retrouve dans une galère pas possible actuellement, et la population malgache entière de ce fait. En premier, on a constaté que depuis que tu es là où tu es actuellement, tu ne te préoccupes pas du tout des problèmes politico-économiques qui rongent ce pays. Il est vrai que des investisseurs étrangers sont maintenant dans la place, mais ces derniers ne rendent que le pourcent de ce qu’ils reçoivent dans les caisses de l’Etat. La constatation de tout un peuple est que tu n’es intéressé que par la consommation. La consommation du peu qu’il nous reste, à travers des voyages à l’étranger, des shoppings dans des endroits hors de prix. Aucun investissement n’est fait par l’Etat, aucun des actions des dirigeants ne se répercute dans la vie des citoyens malgaches. Du moins, de notre point de vue de simple citoyen, rien n’est fait et l’Etat n’arrive pas à poser sa marque dans le pays. Pourtant, la création de richesse est l’élément primordial pour que le pays puisse espérer le développement tant promis. Et du moins, l’on se doit de garder le peu qu’on possède lorsqu’on ne possède pas grand-chose et qu’on n’arrive pas à créer le moindre emploi. Même le maintien à flots des entreprises de l’Etat pose un réel problème. En combinaison de tout cela, de la consommation démesurée des richesses de la nation, du fait de brader les richesses de la nation, de l’incapacité à faire fonctionner une économie déjà paralysée, on se retrouve à quémander auprès des étrangers. Ceux-là même à qui on donne notre sous sol, notre sol et nos cieux. Le résultat en est les 90% de malgaches pauvres, très pauvres. A leur tour qui vont demander l’aumône aux premiers ayant tout vendu aux étrangers, normal s’ils sont « amer de toi ».
« Leurs dirigeants volent leurs peuples et envoient l’argent à leur maître colonial dont ils empruntent le même argent. Chaque noir qui réussit veut dépenser son argent dans le pays de ses maîtres coloniaux. » Nous avons lu ces propos quelque part et l’avons pris car ils s’adaptent très bien à notre situation actuelle. Les bois de rose, les tortues endémiques, les pierres précieuses, les richesses du peuple malgache, en entier, sont exportés illicitement. Aucune action concrète n’est menée par l’Etat pour stopper ce fléau. L’on sait déjà que les beaux discours redondants ne sont en rien des solutions. Ces actions et inactions tuent le pays, tuent le peuple, dorénavant exploité jusqu’à l’os. Pourtant, rien qu’une infime partie de tout ceci suffirait à faire vivre les 22 millions de malgaches. Les statistiques veulent que seuls les 6% des richesses dans les communautés africaines reviennent réellement dans leurs communautés. A Madagascar, nous ne nous tromperons sûrement pas en disant que ce chiffre est encore beaucoup. Et voilà, pour toutes ces raisons, nous sommes « amer de toi », nous nous disons amer de toi. Cela se voit dans les regards des malgaches dès qu’on parle de toi, mais qui est tu ? Pourquoi tu fais ça ? Tout ce qu’on sait, tu ne fais rien pour nous depuis ce temps, amer de toi.
Ny Aina Rahaga