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Samedi 23 Novembre 2024

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Serge Zafimahova – Secteur minier « La corruption existe pour motiver les décideurs »

Serge Zafimahova, observateur de la vie publique et membre du Club Développement et Ethique, un think tank, donne son avis sur la situation qui touche le secteur d’extraction minière à Madagascar. Interview !

 

Pourquoi l’Etat continue à autoriser les expropriations de terrain ? Quels sont les intérêts des investisseurs dans ces expropriations ?

Le Code minier dit clairement que l’Etat se doit de défendre les droits de tout titulaire de permis d’exploitation (possible jusqu’à 100.000 ha) pour faire valoir ses droits. Il y a tout de même une balise, il revient à l’Office national de l’environnement (ONE) de faire les consultations publiques qui sont des préalables à l’attribution d’un permis environnemental. C’est dans les consultations publiques de l’ONE que les fokonolona concernés sont conviés à donner leurs avis et c’est là que l’on aborde les questions environnementale, sociale et foncière.

D’un côté, le problème est que faute de moyens financiers et logistiques, l’ONE dépend des compagnies extractives. De l’autre côté, des responsables du ministère des Mines et du pétrole ne sont pas exempts de responsabilités et même beaucoup plus haut… Pour les investisseurs, les rétrocommissions (corruption) existent pour motiver les décideurs civils et militaires et pour accélérer et faciliter les procédures…

 

Peut-on penser que les nationaux ont une place dans l’investissement minier ?

A ce jour, si l’on prend en compte les petites mines (or, pierres précieuses et semi-précieuses), les retombées sont insignifiantes. Le trafic de Madagascar alimentant le marché international (Dubaï, Sri Lanka, Thaïlande, France, etc.) est évalué entre 400 à 750 millions $Us/an.

Un pays fragile comme Madagascar, marqué par la pauvreté de sa population, où se tutoient quotidiennement d’un côté, le sous-développement conduisant même à la disparition de la classe moyenne et creusant le fossé de l’inégalité sociale et de l’autre, la classe des nantis avec des richesses les plus ostentatoires et les plus démesurées, sans compter un système étatique mafieux institutionnalisé et corrompu, ne peut bâtir

« un vivre ensemble » sans connaître de soubresauts violents bloquant toute marche vers un développement pérenne et harmonieux.

 

L’Initiative pour la transparence dans les Industries extractives (ITIE) défend-il mieux les intérêts des pays à potentiel minier comme Madagascar ?

La création de l’ITIE correspond à la montée en puissance de pays émergents en général et de la Chine en particulier dans le secteur extractif. Ainsi, derrière le discours vertueux de transparence et de gouvernance du secteur extractif, un des non-dits est la lutte d’influence et de contrôle des ressources entre l’Occident et l’Asie avec comme moteur principal la Chine et à moindre mesure l’Inde. Auparavant, les pays du G7 ont toujours exploité les ressources extractives sans se poser de questions sur la bonne gouvernance des ressources extractives, dans l’opacité totale des contrats et des exploitations. L’ITIE doit contribuer à la transparence totale des contrats de recherche et d’exploitation.

 

Les conséquences pour le marché des minerais ?

Ce sont les besoins des puissances économiques qui dictent le marché des minerais et non la gouvernance d’un Etat. Pour les puissances économiques, les enjeux du secteur des minerais se jouent selon les besoins technologiques et non sur la bonne gouvernance des minerais. La déstabilisation permanente des pays africains, producteurs de ressources minérales et/ou fossiles, s’inscrit dans la logique de contrôle de la production par les Etats puissants du moment par le biais des sociétés transnationales.

 

Quelle est la place des nationaux par rapport aux IDE ?

Aujourd’hui, les textes sont plus favorables aux Investisseurs directs étrangers (IDE) qu’aux investisseurs directs nationaux (IDN). A prendre comme exemple, le cas des Zones économiques spéciales (ZES) dérogeant sur le droit commun en matière de régimes administratif, réglementaire, douanier et fiscal. Il n’y a pas d’égalité de traitement. En effet, les nationaux sont même handicapés et ne peuvent être compétitifs sur le plan fiscal, quant à l’accès aux crédits et le transfert de technologie…

 

Quelles sont les mesures d’accompagnement ?

Au préalable, il faut avoir un système éducatif performant… Ensuite, on doit revoir le code de changes qui est archaïque et désuet. Il est aussi nécessaire d’avoir un gouverneur de la Banque Centrale maîtrisant les arcanes et les enjeux financiers internationaux. A l’extérieur, il y a des nationaux compétents.

Il y a un débat autour du régime de changes soit fixe ou flexible (flottant). Le FMI est favorable au taux de change flexible mais en fait, le choix nécessite la maîtrise de la modélisation économique partant des objectifs recherchés.

Acuellement, pour sortir du système de dollarisation, la Russie et la Chine veulent revenir vers l’étalon or (cela explique la stratégie de stocker de l’or). En parallèle au SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) qui est adossé au BRI (Banque de Règlement International) sous l’impulsion de la Banque centrale chinoise, la Chine et la Russie développant des échanges commerciaux et monétaires à travers le CIPS (China International Payment Service), un accord global est en gestation avec d’autres partenaires (BRICS, OCS, EEU, Afrique du Sud, Qatar, Hong Kong, Canada, etc.). Le Yuan chinois est même reconnu comme monnaie de règlement et de réserve dans des pays africains comme l’Afrique du Sud, l’Angola, le Ghana, le Nigeria, Maurice et Zimbabwe.

 

Votre dernier mot ?

La reclassification des permis d’exploitation (artisanale, petites mines, moyennes mines, grandes mines) est nécessaire pour que les nationaux soient des acteurs. En réservant l’exploitation artisanale et les petites mines aux nationaux, cela implique que des mesures d’accompagnement sont à mettre en place, particulièrement, la formation, la création d’une banque nationale, l’actualisation des instruments financiers comme le marché obligataire, le suivi du marché international. A l’exemple de l’Île Maurice, où se trouvent les sièges ad hoc des IDE investissant à Madagascar, qui profite de l’archaïsme du Code de changes couplé avec les accords bilatéraux avantageux…

Revoir le Code de changes implique renforcer entre autres, les dispositions et les capacités de contrôles prudentiels et de surveillance sur les sociétés financières bancaires et non bancaires ; les règles et la gestion des risques et des dettes et d’analyser les crises financières internationales ; la solidité du système financier malagasy… La réforme du secteur financier oblige à une bonne gouvernance de l’Etat, en premier lieu, concernant la gestion des finances publiques, et à l’existence d’un Etat de droit dont une justice fiable.

Au niveau international, on est dans une guerre d’intelligence autour d’un jeu d’échec sans distinction de nationalités et certains compatriotes veulent jouer au fanorona auquel on n’a pas la force d’être en marge. Jouons au jeu d’échec, maîtrisons les règles et gagnons…

 

R.V.

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