Trop de misère tue la misère
Quand on parle de Madagascar, on entend très fréquemment les histoires d’une pauvreté qui n’a son pareil dans le monde, et ici, nous plaidons la cause du Grand Sud qui en souffre énormément. « On dit que les Malgaches forment une famille. Alors pourquoi on n’arrête pas de souffrir? Le sud pleure ses malheurs ». Quand de telles paroles sont chantées, nos cœurs ne peuvent qu’être en émoi. Combien de fois a-t-on en effet parlé de la grande famille malgache, qu’il s’agit d’un « vahoaka », d’un peuple ? Et pourtant, il y en a qui se sent réellement marginaliser par la société, par les dirigeants qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. C’est le cas des habitants du Sud qui supplient leurs visiteurs de n’emmener aucune tortue. Car selon eux, si vous emmenez les tortues hors de leur habitat, vous contribuez à retenir l’eau de pluie, qui leur est pourtant vital. Mais malheureusement, et malgré toutes ces supplications, c’est en Chine et en Malaisie qu’on retrouve la pluie destinée à la population du sud de Madagascar. Et bien, on a envie de dire haut et fort, même si ce n’est pas un scoop, que ce n’est pas seulement le sud qui est marginalisé mais la Grande île dans son ensemble. La situation des malgaches, en ce moment, en est une preuve tangible et ne nécessite pas d’être récitée encore et encore.
« Ils sont à des milliers de kilomètres de chez eux : 20 jours de voyage à Madagascar pour ces jeunes qui vont pouvoir aider la population locale, l’une des plus pauvres du monde. Ils sont logés et nourris dans une ambiance de colonie de vacances. Ils ont entre 14 et 17 ans et sont ici coupés du monde. ’’Ça nous change de Paris’’ », constate Lucas. A Madagascar, 92% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Alors ces jeunes ont décidé de se rendre utiles. A Madagascar, certains enfants doivent marcher 2 à 3 heures pour se rendre à l’école et un quart d’entre eux ne sont pas scolarisés. Sur ce chantier, ils sont encadrés par une ONG locale. Il faut construire une école primaire en 80 jours. Les adolescents travaillent avec 13 ouvriers malgaches. Ces jeunes dont on parle ont choisi de faire un voyage solidaire à Madagascar pour leurs vacances. Il s’agit bien d’une attitude louable de ces jeunes français soucieux de leurs semblables qui vivent dans des conditions presque inhumaines. Alors nous sommes en droit de nous demander ce que font les tenants du pouvoir actuel lorsque des enfants, étrangers de surcroît, qui n’ont même pas dépassé la puberté sont conscients de cette misère qui touche les malgaches. Cette année, nous avons vu un taux assez bas de réussite lors des examens officiels et pour le confirmer nous attendons impatiemment ceux du Baccalauréat. Mais voir que des adolescents étrangers comprennent plus les nécessités de la population et surtout de la progéniture malgache que les premiers responsables du pays, c’est juste honteux. « Il faut savoir qu’une bonne partie de ce Grand Sud souffre aujourd’hui de famine, à cause des sécheresses d’El Niño. En février, RFI rapportait qu’au moins un million de personnes y sont en situation d’insécurité alimentaire. En l’absence de sources d’eau potable, certains habitants collectent de l’eau boueuse des flaques sur les routes, que les rares pluies ont laissées. Et en l’absence de récoltes, elles mangent du tamarin ou bien des cactus. ». Ce genre de chose est devenu un spectacle habituel pour les malgaches et dans toute la Grande île. Car si dans le Sud les enfants doivent survivre avec de l’eau boueuse des flaques sur les routes où passent des roues de voitures, des sabots de zébu, dans la capitale, par exemple, les enfants doivent fouiller les poubelles à longueur de temps pour trouver de quoi manger ou de quoi vendre pour avoir un peu de sous. Sur la Côte est, à même pas deux ans, ils sont mis devant les portes des grandes surfaces pour mendier.
Ainsi, comme nous le disions, cette condition et cette marginalisation ne concernent plus seulement la population du sud. Et comme pour eux à qui l’on a confisqué la pluie, élément essentiel pour leur survie, on tente d’enlever aux malgaches la moindre petite lueur d’espoir d’une vie moins ordinaire, d’une vie moins misérable. Trop de misère tue la misère dit-on, la misère chez nous est décédée depuis bien longtemps. Elle n’existe plus car elle est devenue la condition de vie normale de tout un chacun dans ce pays, seuls les étrangers voient encore le malheur du peuple malgache et agissent en conséquence.
Ny Aina Rahaga