La rage de vaincre
« On prouve que l’on a du caractère quand on parvient à vaincre le sien », disait une cotation de Madame Necker dans Mélanges et pensées en 1798. Peu avant cette dernière, un proverbe chinois que l’on peut retrouver dans Sentences et morales chinoises publié en 1782 disait : « se vaincre soi-même, c’est le moyen de n’être pas vaincu par les autres ; se maîtriser soi-même, c’est le moyen de n’avoir pas d’autres maîtres. » Ainsi, savoir se corriger, s’imposer une ligne de conduite et surtout savoir se maîtriser soi-même est essentiel pour pouvoir espérer réussir dans la vie. Nous autres malgaches sommes connus tout d’abord pour être les locataires du pays du « moramora ». Et de ce fait, notre caractère se rattache largement à ce « moramora », il en est de même pour nos habitudes et toute notre vie. Ce caractère transparait dans toutes nos actions et même dans la vie nationale et dans la situation actuelle de notre cher pays. Tout passe ou plutôt tout semble passer sans problèmes, même les pires sottises et les pires pratiques que l’on puisse voir et entendre en ce bas monde.
Quoi qu’il se soit passé à Madagascar depuis ces dernières années, les Malgaches se sont montrés très passifs, à la limite de l’indifférence même. Nous avons eu droit à plusieurs scandales successifs sans que l’opinion publique ne réagisse. En quelques jours, au maximum en quelques semaines, de l’eau aura coulé sous les ponts. C’est ainsi que les dirigeants et les hauts dignitaires de ce régime se permettent de faire tout et n’importe quoi et pourtant peuvent n’endosser aucune responsabilité face à cela. Comme nous l’avons dit, il y en a eu plusieurs : des robes à des milliers de dollars, des sénateurs qui osent mentir au vu et au su de tout le monde, des chinois qui exploitent et s’approprient les terres des malgaches et d’autres que l’on ne se rappelle plus tant il y en a eu. Face à tout cela, la mémoire collective oublie vite et les réactions ne sont que des réactions à chaud, sans plus après. Une population qui se dit scandalisée par les pratiques actuels des dirigeants mais qui ne fait rien pour que ces derniers adoptent une autre attitude ou du moins soient plus conciliants aux malheurs des malgaches. La preuve en est que depuis déjà plusieurs mois, la population se plaint des coupures d’électricité qui sont revenues. Et pourtant, le tarif des services de la Jirama sont continuellement en hausse. Face à cela, les citoyens dans les Etats plus avancés et qui ont en tête leurs droit auraient tout simplement exigé la démission des responsables et le rétablissement des services proposés sans plus. Mais comme nous sommes au pays du « moramora », les Malgaches préfèrent s’accommoder de cette prestation grotesque sans demander de compte à qui que ce soit. Arrangeant au contraire son emploi du temps au gré des coupures et selon le bon vouloir de la Jirama. Cela n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des absurdités qu’on nous sert chaque jour dans le pays. 10% de réussite au Bepc, et puis quoi encore ? Des faits de ce genre devraient être tout simplement inacceptables, tant pour les élèves que pour les parents, et pour la population entière. Comment pourrait-on accepter que l’éducation de nos enfants et l’avenir de notre progéniture soient hypothéqués comme cela, sans réagir ?
Cela s’explique aisément par le fait que les malgaches ont perdu depuis un bout de temps déjà leur rage de vaincre. On ne parle pas ici uniquement des citoyens mais aussi des dirigeants. Car ces derniers, au lieu de se battre et chercher avant tout la solution à la pauvreté malgache, ont choisi de s’enrichir sur le dos de leurs concitoyens. Pourtant, sans cette rage de vaincre, on ne peut espérer réussir grand-chose. Cette rage de vaincre, chaque citoyen doit l’avoir, pour que l’on puisse un jour voir le pays avancer dans le bon sens et non dans la médiocrité où on l’enfonce depuis toujours. Il faut être de ceux qui se fixent des objectifs de vie et non de ceux qui se soumettent et se plient au gré du vent et du bon vouloir des dirigeants. Les Malgaches ont leur revanche à prendre sur leur passé et surtout sur cette pauvreté dans laquelle elle vit quotidiennement. C’est ainsi qu’en premier, il faut se vaincre soi même, ce caractère « moramora » qui nous sied si bien. Le passé ne nous a pas gâtés, pour l’avenir, il nous appartient de réclamer ce qui nous est dû. Si l’on arrive à passer outre ce caractère passif et indifférent, on arrivera sûrement à développer ce pays et lui donner la place qu’il mérite.
Ny Aina Rahaga