Trop de paperasse pour rien
L’Administration malgache est bien connue pour sa lenteur mais surtout son amour passionnel pour la paperasse. Où l’on passera, l’une des caractéristiques fondamentales de notre bonne vieille machine administrative est ce trop plein de formalité et de rames de documents à remplir à chaque petite occasion. Photocopiez ceci, remplissez cela, signez ci et allez chercher cela. Voilà ce qu’on entend et ce qu’on s’apprête à subir à chaque fois qu’il y a besoin d’un quelconque certificat ou de n’importe quelle attestation. Mais au-delà, le problème touche aussi le domaine de la législation malgache et là, il y a vraiment trop de paperasse pour rien. Le juriste doué d’une mémoire aux capacités supérieures à celui du commun des mortels et le plus pointu de sa profession ne pourrait pas arriver à mémoriser en totalité les lois et règlements qui régissent ce pays tellement il y en a. Et comme pour appuyer légalement la chose, il existe pour les gens du métier un genre de recueil de toutes ces lois malgaches, de la première constitution jusqu’au moindre décret d’application des lois promulguées qui font ou sont supposées faire de Madagascar un Etat de Droit : le « 5000 textes ». Bien sûr, ce chiffre de 5000 est relatif car il y en a un peu plus, ou un peu moins, nous n’avons pas compté.
A quoi sont censées servir les lois dans un pays démocratique ? Presque toutes nos activités sont régies d’une façon ou d’une autre par des règles. Les lois sont semblables aux règles de la morale, car elles visent à contrôler ou à faire modifier notre comportement. Ce qui distingue les lois des règles de la morale, c’est que les premières sont appliquées par les tribunaux. Dans une société, les lois ne visent pas seulement à régir notre conduite : elles visent également à assurer le bon déroulement de la vie en société. Mais aussi, si les citoyens doivent respecter les lois, c’est essentiellement pour deux raisons. Tout d’abord, les citoyens sont, au moins indirectement, les auteurs des lois. En effet, la Constitution précise que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Ensuite, les citoyens sont obligés de respecter les lois afin de permettre une vie en société organisée et d’éviter le développement de la loi « du plus fort ». On serait alors dans une situation proche d’une véritable anarchie, chacun agissant selon son bon plaisir, sans souci de la règle commune. L’obligation pour tous les citoyens de respecter les lois est la meilleure assurance que la liberté, les droits et la sécurité de chacun d’eux soient garantis de manière effective. Il faut enfin rappeler que le non respect des lois constitue toujours une faute qui, le cas échéant, peut conduire à de lourdes sanctions pénales.
Mais comme on est à Madagascar, il faut dire que nous constituons l’exception qui confirme la règle. Malgré la panoplie de textes juridiques dont nous disposons, force est de constater que cela ne sert qu’à orner notre système. Personne ici ne s’y conforme et pire encore, le trophée chez nous ira à celui qui ose aller le plus loin dans le non respect des lois. Bien sûr, nous avons signé des conventions interdisant l’exploitation des mineurs, mais plus de la moitié des enfants malgaches sont employés dans des conditions inhumaines, exploités au maximum dans des travaux qui ne devraient même pas être octroyés à des grandes personnes. Nous avons des lois qui condamnent l’exportation et l’exploitation de nos richesses naturelles. Mais dans un procès de bois de rose à Singapour, les autorités qui sont normalement les garants de l’application des lois et règlements qui régissent le pays ne bougent pas le petit doigt pour plaider en la faveur des malgaches, en le respect de notre législation. Un arsenal juridique a été mis en place afin de lutter contre la corruption. Mais cette même corruption est devenue une pratique plus que légitime dans notre système. Et nombreux sont les cas qui démontrent que les lois chez nous ne servent à rien.
Au final, on se rend compte que réellement, il ne s’agit que de papier bon à emporter aux toilettes, pour la lecture et puis ensuite pour se … . Enormément de lois, de règlements, de conventions internationales et autres dispositions que l’on se permet de fouler au pied comme s’il s’agissait des ordures qui font office de décors pour la place de l’indépendance et toutes les autres rues de notre Grande île. On se dit que ce n’est que trop de papiers pour rien, juste pour paralyser un peu plus un système qui ne fonctionne déjà plus, pour enfoncer encore un peu plus un pays qui croule déjà sous les procédures. Si au moins elles étaient respectées.
Ny Aina Rahaga