A deux vitesses
C’est la période des vacances, période durant laquelle on peut s’offrir un peu de distraction, de répit et la mode veut que l’on soit au bord de la mer à se prélasser sur le sable chaud avec le vent dans les cheveux et un petit sentiment de liberté dans l’âme. Ou au moins au bord de la piscine à siroter un verre de cocktail bien frais. C’est la période des vacances, celle durant laquelle les chances de décrocher un petit boulot pour se faire un peu d’argent de poche augmentent. De jour ou de nuit, l’on travaille et le fait qu’il n’y ait pas école ne fait qu’encourager parce qu’il y aura sûrement plus de clients. Que ce soit un job d’animateur ou de petit vendeur, tout passe tant qu’il y a une paie à la clé. Voilà les réalités des malgaches, deux réalités entièrement différentes. Alors que certains peuvent se payer tout un séjour sur les côtes, à profiter du soleil, de la chaleur et de la mer et puis dans quelques jours de l’éclipse qu’on ne verra plus qu’en 2064, certains remercient le ciel de pouvoir travailler encore afin de faire un peu d’économie pour les jours de famine.
Loin de vouloir blâmer qui que ce soit, nous ne faisons que décrire la réalité malgache et les conséquences de l’inaction de l’Etat ou de ses politiques à deux vitesses vis-à-vis de la société et de la population malgache. Il est une citation qui dit que « la nature crée des différences, mais la société les transforme en inégalités ». La chose est tout à fait vrai dans la mesure où chaque individu nait différent mais que le but même de la politique est de mettre chaque citoyen sur le même pied d’égalité. Ou du moins œuvrer dans ce sens pour que l’écart social soit le plus réduit possible, qu’on le ressente le moins possible. Madagascar possède de nombreux sites touristiques qui sont des plus attrayants dans le monde entier. Si ce n’est pour citer par exemple que les Tsingy ou l’allée des Baobabs ou encore la montagne d’Ambre jusqu’aux plages d’Iranja. Auparavant, peu nombreux étaient les malgaches qui pouvaient aller admirer ces merveilles de l’île rouge. Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir du fait que de plus en plus de nationaux peuvent partir ou se donnent les moyens pour ces destinations autrefois réservées aux touristes étrangers. Mais dans le même pays, à la même période, on ne peut qu’être choqué de voir des « enfants de la rue » comme on les appelle utiliser la fontaine d’Antanimena leur servir de piscine d’été et de lieu de divertissement. Sans maillot ni autre équipement, ils plongent dans cette eau qui n’est sans doute pas nettoyée régulièrement pour être propre pour avoir droit eux aussi à des vacances digne de ce nom.
De nombreux pays dans le monde appliquent depuis un certain temps un système qui semble efficace pour réduire l’écart social entre riche et pauvre. Il s’agit en fait d’augmenter les impôts des riches pour redistribuer une partie aux pauvres. Ce système a au moins le mérite de réduire l’inégalité sociale et devrait être applicable à Madagascar. Nombreux sont ceux qui pensent et qui croient que c’est parce que certaines personnes sont riches que d’autres sont pauvres. Pourtant, la différence entre les revenus de chacun n’est qu’un faux problème ou une fausse excuse. A Madagascar, près de 90% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté et l’écart continue de se creuser entre riches et pauvres depuis la crise. Les disparités se sont fortement aggravées depuis et la situation actuelle du pays n’est pas mieux. Les inégalités ont désormais atteint leur plus haut niveau, selon les données recueillies par les organismes internationaux qui travaillent à Madagascar. Ce creusement de long terme des inégalités de revenu suscite non seulement des inquiétudes de nature sociale et politique, mais il engendre également des préoccupations d’ordre économique car un écart trop grand entre la bourgeoisie et la classe moyenne, qui en passant est presque inexistante maintenant, contribue à paralyser le développement économique du pays.
Entre ce système qui handicape fortement le développement économique et social du pays et le fait que des enfants utilisent les fontaines en guise de piscine pour passer les vacances, il y a un élément commun. Le système politique et surtout les décideurs politiques malgaches sont loin d’agir dans l’intérêt des malgaches ou du moins de la majorité pauvre de la population. Ces derniers favorisent les intérêts personnels au détriment de l’intérêt commun et du bien être social. Une politique à deux vitesses qui ne fait qu’handicaper le pays de plus en plus et l’enfonce de jour en jour dans la pauvreté et replonger le pays dans la crise.
Ny Aina Rahaga