Mahasoa – L’agroécologie pour vivre
Le phénomène El Niño a décuplé les épisodes de sécheresse dans les districts les plus pauvres du sud de Madagascar, où 80% de la population rurale est touchée par l’insécurité alimentaire. La sécheresse prolongée a déjà plongé une large partie de la population dans l’insécurité alimentaire. Les dernières évaluations, réalisées en février, estimaient que 1,1 million de personnes dans les sept districts les plus affectés par la sécheresse étaient touchées par cette insécurité (Amboasary, Ambovombe, Tsihombe, Beloha, Ampanihy et Betioky), soit environ 80% de la population rurale de la zone. Plus grave, 665 000 Malgaches seraient en situation d’insécurité alimentaire sévère. « Madagascar a glissé dans la crise humanitaire, en silence », reconnait la représentante de l’UNICEF Madagascar. « Le sud de Madagascar est bien sûr très touché par El Niño, mais le problème de la sécheresse ne va pas disparaitre avec la fin du phénomène. Ici, la sécheresse est chronique », explique la représentante. Mahasoa trouve une solution pour survivre ou mieux pour vivre.
L’histoire se passe en Androy, dans la région Sud de Madagascar, une zone souffrant de deux problèmes majeurs : la sècheresse et l’insécurité grandissante. La majorité des Antandroy, la tribu originaire de ce lieu, est obligée de quitter leur territoire dans le but de survivre, de chercher refuge et richesse ailleurs dans tout Madagascar. Mahasoa fait partie de cette fameuse tribu. Il est de la deuxième génération des migrants. Ses parents ont quitté l’Androy et se sont implantés dans le village d’Ankabokara qui se trouve à 400km plus loin, dans le Sud-ouest. Ils ont rêvé et espéré la prospérité à cet endroit car ils y ont trouvé de l’eau.
Le village d’Ankabokara
Néanmoins, la situation fût loin de leur être favorable. Les conditions de vie se dégradèrent au fil du temps. Les pluies sont devenues de moins en moins fréquentes et l’insécurité a augmenté avec des cas de vols à mains armées. Et Mahasoa, désespéré, a finalement voulu quitter ce village. Il ne possédait même pas une tête de zébu, une situation honteuse pour la tribu Antandroy. Toutefois, revenir en Androy serait pire et partir du village d’Ankabokara vers un autre endroit serait encore incertain et plus risqué. La situation était devenue intenable.
C’est au milieu de cette situation que Welthungerhilfe est arrivée en 2014. A travers un de ses projets, Projet d’Agroécologie et de Protection de l’Environnement (Pape), l’Ong a effectué une séance d’information au village d’Ankabokara. L’Ong a incité les villageois à protéger l’environnement dont la forêt sèche qui fait la renommée de cette région. Welthungerhilfe prôna la possibilité d’améliorer les conditions de vie en protégeant l’environnement. De plus, le projet promit d’apporter des appuis par rapport aux techniques agricoles en promouvant l’agro-écologie, une pratique permettant production durable et améliorée tout en conservant l’environnement.
Mahasoa fût convaincu par cette sensibilisation et a lui-même incité les habitants du village à se joindre au projet. Il s’est ensuite engagé à travailler volontairement avec l’organisation et est devenu animateur. Il a ainsi pu bénéficier des formations qui l’ont permis d’apprendre l’agro-écologie, la culture des différents légumes et la conduite de pépinière. Son monde s’est ouvert grâce aux visites d’échanges dans différents sites. Les journées de Mahasoa sont alors devenues très chargées. Avec persévérance, il se lève très tôt le matin et continue son travail jusque tard pour s’occuper des légumes et des jeunes plants… Il a parfois subi les moqueries des gens du village qui ne juraient que par la pratique traditionnelle. Cela ne le démotiva pas mais il continua à sensibiliser et à montrer l’exemple.
Culture maraîchère par Mahasoa
Les changements ont commencé à se voir dès cette première année. Mahasoa a commencé à produire des légumes sur place, un village où cela ne se faisait pas. Il est arrivé à bien les vendre vu la rareté de l’offre. Il a pu varier son alimentation, ravitailler le village et avoir plus d’argent avec sa parcelle de culture maraîchère. Ses voisins sont enfin parvenus à comprendre que les appuis du projet permettaient d’améliorer réellement le niveau de vie des bénéficiaires.
Mahasoa a pu obtenir beaucoup plus de production grâce à l’agro-écologie : 900kg de niébé et 750kg de pois de terre sur une surface de près de deux hectares en interculture. Le résultat aurait été autour du tiers pour le premier et près de la moitié pour le pois de terre s’il avait fait selon la pratique traditionnelle. De plus, il a pu les vendre à bon prix puisqu’ils étaient de qualité. Il a ainsi pu sauver sa fierté d’Antandroy en achetant 8 bœufs en 2015. Il a également pu honorer une commande de 12 000 plants forestiers de Welthungerhilfe.
Pépinière gérée par Mahasoa
Mahasoa est devenu très fier de travailler avec le projet. Il a même acquis le statut de notable du village et a été élu président de l’association « Zanaky Miray B », une association de développement qu’il a aidé à revitaliser avec l’appui de Pape. Les gens du village le respectent, imitent ses activités et lui demandent des conseils.
Maintenant, son souhait est de toujours rester à Ankabokara. Il veut continuer à œuvrer pour l’agro-écologie, la foresterie et les cultures maraîchères même quand le projet se terminera. Les activités ont réellement apporté des changements, non seulement sur sa vie personnelle mais aussi celle de tous les habitants du village.
Recueillis par FR