Multiplication et à contresens
Dans les bas-quartiers et particulièrement aux 67 ha, à Ambodin’Isotry et tout autour d’Isotry, nombreuses sont les carrioles à traction humaine qui s’aventurent en sens interdit, même sur le Boulevard de l’Europe. Les tireurs n’ont peur de rien, ils empruntent parfois même les sens giratoires en sens contraire. Tolérance obligée de la part des automobilistes, ces chariots sont toujours chargés ; et quand on parle de charge dans ces cas, souvent le terme surcharge est plus approprié ; comment alors manifester une désapprobation quand il est patent que gratter 100 mètres épargnent à ces travailleurs de force bon nombre de gouttes de sueur. L’ennui, c’est que l’on a l’impression d’une augmentation du nombre de ces charrettes à bras chaque jour ; et lorsqu’elles sont à vide, les tireurs montrent une certaine insolence, rivalisent avec les automobilistes pour ne pas céder réciproquement le passage les uns aux autres. Le transport de lourdes charges par des véhicules à traction humaine ne constitue pas en soi un signe ni de progrès ni de modernité, la multiplication de ce type d’engin sur la voie publique témoigne à elle seule que l’on se situe en pleine période de régression. Les orateurs qui proclament que tout devrait aller bien voire même que les choses vont en s’améliorant ne regardent pas plus loin que le bout de leur nez et ne mesurent leur discours qu’à l’aune de leur douillet confort. Parfois, ils ont pourtant à moitié raison. La pauvreté crasse que l’on constate dans les rues de certains quartiers cohabite en effet avec le luxe tapageur des belles voitures. De puissants 4×4 neufs autant que ces nombreuses berlines plaisantes à la vue, ne peuvent être retenus comme des signes d’une période de réel déclin. Le pourcentage des personnes qui peuvent montrer la capacité de vivre dans leurs aises ne saurait toutefois permettre de balayer d’un revers de main les 75% qui vivent dans une insuffisance quotidienne, auxquels il faut ajouter plus de 15% qui ne trouvent l’équilibre de leur budget respectif qu’au prix de réels sacrifices. La politique devient une vile occupation, lorsque les politiques s’abaissent d’un côté à manifester leur suffisance par des discours d’auto-satisfecit, de l’autre à instrumentaliser la misère que vit la population pour capter un peu de sympathie et espérer assurer une alternance sans idée de pouvoir réaliser un changement par un projet alternatif.
Léon Razafitrimo