Il faut rendre à César
Il faut rendre à César ce qui est à César, le fils de l’Homme avait déjà compris le concept à son époque et pourtant, à Madagascar, on se fait encore duper. Les dirigeants parlent toujours de l’échange « gagnant-gagnant » ou des avantages que l’on peut tirer de telle ou telle coopération avec ceux de l’extérieur. La réalité en est toute autre et seuls les simples citoyens ignorent les dessous de toutes ces affaires et de toutes ces poignées de main que les tenants du pouvoir s’empressent de faire. La mode est en ce moment de se lier d’amitié avec les chinois, et bon nombre d’entre eux sont déjà dans nos murs. Alors que là-bas en Chine, les quelques étudiants malgaches qui y sont paient le prix fort et sont perpétuellement menacés d’expulsion alors qu’ils sont là pour apprendre, uniquement. Le fait est que l’économie chinoise n’est pas la première mondiale à coup de coopération « gagnant-gagnant » ou de redevabilité envers la population qui l’accueille. Mais bien évidemment, cela on n’en parle pas. Il vaut mieux serrer des mains amicalement et signer des conventions.
En quelques chiffres, voici un petit résumé des investissements chinois en Afrique. 400 milliards de dollars, c’est le montant des échanges commerciaux entre Chine et Afrique que le Premier ministre chinois, Li Keqiang, a dit, en mai 2014, vouloir atteindre d’ici à 2020. Ce qui constituerait un doublement du volume de ces échanges, la Chine, partie d’une présence assez modeste en 2000, s’étant imposée, dès 2009, comme le premier partenaire commercial de l’Afrique. La Chine importe du pétrole et des minerais des pays producteurs soit des matières premières non renouvelables et exporte de plus en plus ses textiles, ses téléphones ou ses voitures, soit des produits finis que l’on achètera à prix d’or. 2500, c’est le nombre de sociétés chinoises implantées en Afrique. Elles couvrent de nombreux secteurs, des mines au pétrole ou à l’énergie en passant par les télécoms, la construction et toutes les infrastructures de transport. En 2013, la Chine est devenue le quatrième investisseur en terre africaine derrière la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et le premier investisseur émergent, loin devant l’Inde, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Enfin, 75 milliards de dollars, c’est le montant des financements publics chinois en Afrique entre 2000 et 2011, selon un haut fonctionnaire français. Pékin a séduit de nombreux Etats africains en leur proposant une offre cousue main : les services de ses entreprises et son aide financière. Seulement, 13 milliards de ces financements publics chinois répondaient aux critères internationaux du comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économique car l’aide chinoise reste fondamentalement une aide liée, qui sert à acheter des biens ou des services chinois. Si vous avez vu là ne serait-ce qu’un semblant de « gagnant-gagnant », il faut le dire haut et fort. Car Madagascar ne faisant pas exception, l’aide chinoise est une aide liée et sert à son économie plus qu’autre chose.
Il faut rendre à César ce qui est à César et aux chinois ce qui leur appartient. C’est dans ce contexte que Madagascar n’est qu’une grande réserve de matières premières et un débouché de plus pour les produits finis. Pourtant, les dirigeants malgaches s’en accommodent bien en distribuant les terres et les autorisations à ces derniers. Et cela malgré les protestations de la population malgache à la présence massive de ces derniers sur le sol malgache, de la construction de nos routes jusqu’à l’exploitation de nos ressources. Le nationalisme, les dirigeants malgaches s’en prévalent mais les sociétés chinoises l’appliquent en ce moment même. En effet, nombreux de nos leaders politiques tiennent comme discours l’amour de la patrie et disent avoir à cœur le développement du pays. Pourtant, rien de concret n’en découle et le discours n’est qu’un discours jusqu’à l’accession au pouvoir. Pourtant, les entreprises de la Chine prospèrent et se multiplient jour après jour, sans gros sabots. Il faut bien rendre à César ce qui est à César, et le développement est à la Chine ce que la pauvreté est à Madagascar.
Ny Aina Rahaga