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Vendredi 29 Novembre 2024

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14 0ctobre 2013 : une Re-naissance

Qu’importe que certains ultras snobent la mémoire de ce 14 Octobre 1958 en raillant l’évènement non comme une nouvelle naissance, mais y voient seulement les prémisses d’un néo-colonialisme comme ils disent. Cette vision radicale, excessive naturellement, n’est pas nécessairement dénuée de fondement, l’administration coloniale s’essoufflait d’elle-même, l’opinion publique locale mais surtout en métropole condamnait ses abus. Le colonialisme devait s’habiller de neuf. 
Une partie de la population dans de nombreux pays soumis au joug colonial n’a jamais cessé de manifester une rétivité à accepter ce sort, peu de pays ont pourtant vu le triomphe d’une résistance organisée. Dans les circonstances du moment, la loi-cadre de Gaston Defferre, l’autonomie d’une République au sein d’une Communauté, ne pouvaient que déboucher sur une indépendance pleine. Cette évolution naturelle n’enlève en rien aux mérites du système d’une république telle que celle née en 1958. Elle reste un socle dans lequel s’inscrivent les valeurs d’une gouvernance républicaine. Le constat d’errance qui caractérise la marche depuis plus d’un demi-siècle justifierait à lui seul la recherche de repères. Le 14 Octobre de ces repères en fait sans doute partie, avec les valeurs qu’il sous-tend. Le 14 Octobre, comme le 26 Juin aussi du reste, ne symbolise pas une défaite du régime colonial. Tourner la page nécessite-t-il obligatoirement une défaite et donc une victoire ? A l’origine en 1958 le 14 Octobre a plutôt donné le sentiment de l’apparition d’une nouvelle ère négociée en douceur. Que l’entente ait débouché sur l’option d’une République, témoigne à priori d’une volonté des deux parties à envisager l’avenir dans un climat serein que rassurent les valeurs républicaines.
Une surprise pour la population
La population était loin de s’attendre à une forme d’autonomie, encore moins dans le cadre d’une République Malgache. D’un côté les événements de 1947 marquaient encore les esprits, d’un autre les troubles qui ont provoqué des perturbations dans le régime gouvernemental de la « mère-patrie » n’ont pas été perçus par la population locale dans leur importance. A Madagascar le peuple était à mille lieues d’imaginer que ces événements en métropole iraient jusqu’à entraîner plus qu’une réforme dans le système de l’administration coloniale. En 1956 la Loi-cadre avait déjà lâché du lest par l’institution d’un gouvernement local, une demi-mesure puisque le Haut-Commissaire, patron de l’administration française sur tout le territoire restait le Chef de ce gouvernement. Après le référendum du 28 Septembre 1958, les choses allaient se précipiter sous l’impulsion du Général de Gaule sans que le grand public ici n’ait pu suivre le déroulement rapide du film ni se douter des dispositions que les autorités à différents niveaux concoctaient. 
L’option pour un régime républicain, on s’en doute, ne dépendait pas de la seule partie malgache. Afin de valider cette option au plus vite et par une représentation nationale non contestable, les différentes forces politiques et l’autorité française sur place ont convenu de s’en remettre à une institution représentative la plus large possible : le Congrès des Conseils Généraux des six Provinces. Ayant tenu session dans la Salle des Fêtes du Lycée Gallieni (!) cette assemblée a voté et procédé à la proclamation de la République Malgache.
Un enthousiasme populaire pour l’accueil de cette proclamation
Ce n’était pas l’indépendance, mais la proclamation d’une République Autonome dirigée par un gouvernement autochtone constituait une réforme non négligeable que la population a accueillie avec bonheur. La pluie qui s’est mise de la partie le soir n’a pas douché l’enthousiasme de mise dans les bals populaires sur les places publiques pour fêter l’événement. Cette adhésion de la population au système républicain ne s’est pas démentie par la suite. Les années suivantes, la Fête de la République du 14 Octobre et la Fête Nationale (!) du 14 Juillet ont rivalisé d’importance par des liesses populaires sans que la célébration de l’une ait jeté de l’ombre sur celle de l’autre. 
La valeur de l’Indépendance dans l’affect a peut-être atténué l’importance accordée à l’avènement de la République, de façon inconsciente le peuple et les dirigeants ont peu à peu perdu avec le temps le sens des valeurs que conjugue l’esprit républicain, sans pour autant parvenir à assumer toutes les obligations inhérentes aux responsabilités d’une indépendance. Les résultats dénoncent la vanité d’une fierté sans sens de responsabilité. 
Le retour à faire du 14 Octobre un jour insigne, serait inutile s’il ne s’agit que d’un anniversaire à fêter de façon superficielle même avec les artifices de cérémonies à l’avenant. Le 14 Octobre gagnerait à servir de référence grâce à cette République qui en est le sujet, elle prêterait surtout à une occasion de réflexion et de rappel sur les valeurs qu’elle draine et que peuple et dirigeants ont tendance à occulter dans leurs occupations quotidiennes, alors qu’elles doivent être une préoccupation de chaque instant dans la réflexion et dans la réalisation de toutes les actions particulièrement du domaine public.
1958 et 2013, pour le 14 Octobre à chacun son mérite
Le 14 Octobre 1958 aurait pu être une Renaissance de la nation malgache. Il n’en fut pas ainsi, les tâtonnements par le passage dans diverses crises successives ne sont pas probants d’un âge adulte lorsqu’aucune solution ne se dégage de ces expériences pour garantir des lendemains sans reproduction des mêmes schémas. Pourquoi ? Réciter façon Prévert une liste des tares et dérives serait sûrement confondant, sans être pour autant d’une grande efficacité pour vaincre les travers. Positiver par référence à des repères serait peut-être plus productif. Refaire naître les valeurs maîtresses d’une République constitue le mérite de cette décision de 2013. Que de gens par ce rappel sont invités à battre coulpe. 
Comment réinsérer ces valeurs dans la pratique de la vie publique autant que dans la mentalité populaire ? Telle se pose la question essentielle ? Cette première expérience du retour du 14 Octobre pèche par un vide de signification, la précipitation de la décision comme s’il s’agit d’une autre improvisation pénalise d’une impréparation la célébration. Quelle que soit l’option faite pour marquer cette date, des cérémonies en grandes pompes ou des manifestations pour populariser le sens, afin d’y apporter l’efficacité recherchée, la « fête » nécessite que l’on y pense à l’avance. Les spectacles juste bons pour faire impression superficiellement ne valent pas la chandelle d’avoir mis le 14 Octobre au goût du jour.
Echec de l’expérience de la célébration 2013
La population n’a pas spécialement fait la fête le 14 Octobre 2013. Aucun signe dans les rues en ville ni aux champs dans les campagnes, n’exprimait qu’il s’agissait d’un jour de fête. Seuls les travailleurs salariés des grandes boites ont bénéficié de cette journée sans obligation d’aller au bureau ou à l’usine. Des pouvoirs publics, ni cérémonie officielle, ni message à la population. La population en avait sans doute pourtant besoin, c’est que les gens pour la plupart d’entre eux semblaient relier la date à de vagues références sans pour autant comprendre les raisons du retour à vouloir marquer cet événement et encore moins en saisir l’importance. « Manta vary indray mandeha… » Ce n’est pas pour avoir mal cuit une fois le riz que l’on va casser la grande cuillère. Le raté de cette année servira de leçon : rien ne réussit naturellement sans effort, les improvisations qui recueillent succès sont celles qui ont fait l’objet de réflexion et préparation. 
Le rattrapage de cette expérience ratée promet bien de difficultés. L’occasion de le faire se trouve très rapprochée dans le temps. Les critiques violentes lors de l’adoption de la décision décrétant fériés le 14 Octobre et le 11 Décembre jour anniversaire de la promulgation de la Constitution de la 4ième République. Faire plus que pour le 14 Octobre prêterait le flanc à confirmer les soupçons quant à s’être servi du 14 Octobre comme prétexte à célébrer une République qui n’a pas encore commencé à être. S’abstenir et laisser venir, risque de donner des arguments à propos d’une prétendue désaffection de la population. Les circonstances d’un entre-deux-tours menacent d’une grande tension. Les campagnes menées par les deux candidats qualifiés pour le deuxième tour annoncent un climat tendu, l’un n’épargnera rien à l’autre et réciproquement. Bonjour l’ambiance si d’autres éliminés au premier tour viennent à contester les résultats. Il n’est pas certain que même parmi les candidats prétendant à exercer le pouvoir suprême il n’y en ait pas l’une ou l’autre à oublier le respect que l’on doit aux résultats d’une consultation populaire. Vivement que l’on tienne à maintenir le 14 Octobre comme une fête, et que vivent les valeurs républicaines.

Léo Raz 


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