« Bête izy » ou bêtise
Le calme avant la tempête, c’est ainsi que l’on appellera à juste titre la période que nous traversons actuellement à Madagascar. Une période ou tout semble aller dans le pays, malgré le mécontentement populaire face à l’inefficacité du régime et aux querelles des politiciens ou encore de la pauvreté accrue touchant les 92% des malgaches. On peut également parler de l’insécurité qui guette n’importe lequel de nos foyers ou de l’inconscience des forces de l’ordre à frapper et rouer de coups leurs compatriotes lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des tenants du pouvoir. Dans un autre contexte, voici que les élections s’annoncent pour bientôt et que tous les prétendants au siège « suprême », car c’est réellement cela à Madagascar, ont lancé leurs précampagnes, doucement et discrètement. Chacun se dissimule encore sous les maques d’action sociale ou d’inauguration ou d’engagement politique, chacun son mode d’emploi. Toutefois, la tempête la plus proche qui risque de frapper le pays et dont nous avons à nous préoccuper de suite est celle de Soamahamanina. Car cette histoire semble loin d’être terminée.
Il y a juste une semaine, la population malgache se réjouissait de la victoire des villageois de cette petite commune qui se situe à 70 kilomètres à peine de la capitale de Madagascar. « C’est officiel, l’entreprise minière chinoise installée à Soamahamanina, un village situé à 70 km à l’ouest d’Antananarivo, quitte la zone. L’entreprise avait obtenu un permis d’exploitation du sous-sol pour chercher de l’or notamment. Mais depuis des mois les villageois protestaient contre l’implantation de ces chinois. Certains villageois avaient accepté de louer leurs terres, mais beaucoup ne voulaient pas entendre parler du projet minier et demandaient qu’on leur rende leurs terres, héritées des ancêtres et sacrées. Ces dernières semaines, plusieurs manifestations avaient été réprimées dans la violence. Plusieurs personnes ont été arrêtées. Mais la mobilisation de la population semble avoir porté ses fruits », rapportait Radio France Internationale. D’ailleurs, le ministre des Mines et du pétrole, Ying Vah Zafilahy, censé être le premier responsable étatique concerné par l’affaire avait lui-même déclaré que « dans l’intérêt de tous pour assurer la stabilité de la zone », le retrait des chinois de la société Jiuxing mines Sarl était nécessaire. Toujours selon Rfi, ce dernier avait promis d’en tirer des leçons de cette histoire et d’inclure plus de « données sociales » dans les décisions à prendre pour l’avenir.
Mais des leçons finalement, l’Etat n’en a rien tiré des péripéties et des objections de la population de Soamahamanina. Une population qu’on accuse même en ce moment de brûler la forêt de Tapia qu’elle s’acharnait à défendre contre les tractopelles des exploitants chinois qui rasaient tous sur leurs passages. Pire encore, l’intérêt de tous et la stabilité de la zone ne sont pas les premières priorités de l’Etat. Pourquoi ? Hier, le ministre en question a annoncé que les Chinois reprendront leurs activités à Soamahamanina coûte que coûte. Et comme pour confirmer ses dires, le ministre avait souligné le fait que Madagascar n’est pas le premier pays à faire des exploitations minières en citant l’Afrique du Sud ou encore la Chine comme étant des exemples dans ce domaine. Faut-il souligner qu’en Afrique du Sud, ils ont appris à respecter la volonté du peuple avant tout intérêt politique ou financier ? Ou qu’en Chine, il n’y a pas ou plus de minerais ni d’environnement ce qui justifie la présence massive des ressortissants de ce pays à Madagascar et partout ailleurs ? Si ces Chinois avaient en effet ce que Madagascar possède, pourquoi ils ne restent pas chez eux à exploiter ce qu’ils ont ?
Dans les semaines à venir, les Malgaches doivent s’attendre à ce que les jeudis de Soamahamanina reprennent avec plus de ferveur d’un côté, plus de violence de l’autre. Les tenants du pouvoir ne sachant point écouter le peuple actuellement qui, pourtant, se trouve déjà au bout du rouleau. L’argument qu’avance le ministère des Mines est que toutes les procédures légales ont été effectuées par la société chinoise. Un seul argument, plus que suffisant, anéantirait cela : la volonté du peuple. Il est un principe constitutionnel qui veut que les tenants du pouvoir exercent un mandat au nom du peuple, rend les décisions au nom du peuple. Aussi, si le peuple décide qu’il n’est pas dans son intérêt de prendre telle ou telle disposition, il faut y renoncer. Et cela quel que soit le bail ou le contrat signé ou n’importe quelle autre paperasse. « Bête izy » ou bêtise, c’est à vous de voir.
Ny Aina Rahaga