Sauf surprise, dont seule la Cour Electorale Spéciale possède encore les moyens, la messe est dite : Jean-Louis Robinson et Hery Rajaonarimampianina seront les candidats qualifiés pour le second tour des présidentielles. Difficile pour l’un comme pour l’autre de se démarquer par rapport aux deux principaux protagonistes de la crise de 2009, qu’ils le veuillent ou non aux yeux du grand public ils sont l’un le porte-étendard du camp du délogé en 2009, l’autre le champion du camp porteur des espérances de cette période.
La situation socioéconomique étant celle que chacun supporte, il est évident que s’enorgueillir de l’héritage du bilan de ces dix ou de ces cinq dernières années ne produirait fatalement que des effets pervers d’un boomerang. Dans une opération qui chercherait à dégager du positif au crédit de l’ère Ravalomanana ou au mérite de la Transition de Rajoelina, on ne saurait éviter de déverser des tombereaux d’ordures puantes, c’est comme remuer des poubelles dans l’intention d’y trouver un ou des objets de valeur.
Les discours de campagne pour faire l’article de sa camelote, c’est-à-dire des promesses pour demain s’appuyant sur des réussites du passé, risquent de n’être que stériles. Les gens savent ce qu’ils vivent ou ont vécu, et la moindre référence aux difficultés quotidiennes suffit à servir d’argument repoussoir. Les deux camps ne manqueront pas de comprendre rapidement que les discours enjôleurs n’ont plus l’efficacité d’hypnose sur un public nourri au lait des difficultés et vacciné au cynisme, et que seuls intéressent ce public les spectacles gores. C’est comme si la vue du sang qui coule, le spectacle de mise à nu voire les lapidations, le vengeaient par procuration du sort qu’il subit.
La campagne électorale risque de virer à un duel de polochons, et les taies des polochons ne pas résister à ces combats, déballant les petites et grosses combines dont elles sont bourrées. 
Ça ne promet pas d’être très beau à voir, l’enjeu entre les protagonistes réside uniquement à sortir vainqueur d’un combat de gladiateurs, en faisant de l’autre la tête de turc du spectacle. 
Les électeurs ne sont plus des enfants de chœur, et ils ont bien conscience que les politiciens le sont encore moins qu’eux. Leur tentation dans l’isoloir se détermine de moins en moins à voter « pour », qu’à davantage exprimer une voix « contre ». L’équation menace de se réduire à une formulation indirecte mais simpliste : en votant Robinson je sanctionne Rajoelina, en mettant un bulletin en faveur de Rajaonarimampianina je vote contre le retour au pouvoir de Ravalomanana. Dans ces conditions le style gentleman va perdre très vite la cote, la gagne étant promise à celui qui parviendra le mieux à couvrir de boue le concurrent. Le vainqueur ne sera pas indemne de salissures. Fausse honorable sortie de la crise ! Cette formule ne suffirait pas à vider définitivement du paysage politique ni l’un ni l’autre des deux grands acteurs, ce qui aurait pourtant pu se produire et clore définitivement cette page cauchemardesque, si on avait donné à l’un et à l’autre l’occasion de descendre personnellement dans l’arène. De toutes manières, combat final ou non, la formule qui n’a pas donné l’occasion de mettre en marge les deux camps, signifiera la poursuite d’une ère de chasse à la sorcière ayant succédé à la traque aux « sangliers ». L’une comme l’autre n’ayant de référence au spoil-system. Bonjour la réconciliation !

Léon Razafitrimo