Doute, confiance et obligation
Le peuple détient le pouvoir, lui seul peut le déléguer par la voie des urnes. La belle affaire ! Tout le système très lourd de l’Etat repose sur ce fondement très frêle par son application. Soit ! Le principe une fois admis, il faut non seulement en prendre acte, mais tous ont devoir de s’y soumettre et de le respecter telle une valeur sacrée. Tout acte portant atteinte à cette valeur constituerait en conséquence un sacrilège, sacrilège que le droit pénal, autant en langage clair que dans son jargon, interprèterait de « crime ». Pourtant dans la plupart des cas par la classification dans laquelle le code pénal les place, aboutit souvent à une qualification des infractions électorales simplement en délit : considération qui fragilise ou minimise la valeur d’une chose que l’on dit par ailleurs sacrée. Soit, encore ! Tant pis pour la fragilisation des mesures de sanctions contre les actes portant atteinte à cette valeur sacrée qu’est la voix du peuple. Pour être sacrée, elle ne s’en trouve pas pour autant réduite à sa plus simple expression : dire sa préférence entre une liste de candidats, ou pire lors d’un référendum dire oui ou non sans droit de remarque. Voilà le droit que possède le prétendu vrai possesseur du pouvoir. Soit, une fois de plus ! Le minimum qu’on lui doit, consisterait à lui assurer un réel respect du suffrage qu’il dépose. A chaque citoyen aller voter lui fait déjà une belle jambe : une voix sur 7 millions à la présidentielle, quelle humilité que d’y croire. Le seul vœu qu’il est en droit de formuler en son for intérieur c’est que l’on respecte cette voix, la sienne : le risque de n’en faire pourtant qu’un vœu pieux reste élevé tant que l’on ne garantira pas en retour à chaque électeur la véracité des résultats des urnes. Qui peut avoir l’insolente fatuité de croire que le suffrage qu’il a déposé dans les urnes se reflète dans les résultats officiels ? Il est vrai que chaque voix reste anonyme, et que dès le départ elle se fond dans la masse des bulletins dans les urnes et encore plus lors du dépouillement des suffrages au niveau de chaque bureau qui en transmet les résultats constatés par procès-verbaux dans le flot. Holà ! STOP ! STOP ! STOP ! C’est le respect des résultats consignés dans les procès-verbaux qui donne valeur à chaque suffrage même si celui-ci est noyé dans l’anonymat. Or c’est à partir de là que le doute s’installe. Que les résultats voyagent à dos d’homme, en pirogue, par route, ou même empruntent la voie des airs dans ces fameux hélicoptères que l’on présente comme un « must » (un must de quoi ?), tant qu’il est impossible à un citoyen qui veut s’en donner la peine, de s’assurer que les résultats parvenus au juge des élections sont bien les chiffres relevés par le public après dépouillement et qui ont été consignés dans les P.V. On a voté, mais personne n’est sûr de ce qu’on a fait de son suffrage, le suffrage qu’il a exprimé a pu tout aussi bien servir à la véracité des résultats qu’il aurait pu grossir les rangs des violés anonymes. Qu’a-t-on eu besoin d’investir des milliards et des milliards dans le système CENI-T, si les spectacles produits par celle-ci constituent l’essentiel du changement, et que les aristos, membres de cette institution anoblie, ne parviennent pas à trouver une solution à la question basique : comment garantir un total respect à chaque suffrage ? RIEN ! Deux fois, dix fois, cent fois RIEN ! Et pourtant, quand arrivera le jour de la proclamation officielle, tous, autant qu’il y aura de citoyens ayant voté ou non, auront la même obligation d’accepter les résultats et de croire simplement en leur véracité. Il ne sera plus le moment de réclamer ou de contester quoi que ce soit, sous peine du grand risque d’allumer une nouvelle crise. Personne ne veut plus entendre parler de crise, c’est clair. Seulement personne n’est capable d’imaginer des schémas autres que des schémas « crisogènes ». Ce n’est pas le prix que l’on met ni les spectacles qui illustrent les discours qui produisent un changement. Quand la réflexion fait défaut, le reste n’est que gesticulation. La population, malgré les apparences a évolué elle aussi, si on la mobilise plus difficilement dans des sursauts aventureux, c’est bien que des aventures antérieures elle en a pris de la graine. Elle appréhende d’être manipulée, cela ne signifie pas qu’elle ne débordera plus lorsqu’elle ne supportera pas un trop-plein.
Léon Razafitrimo